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ations fur plufieurs fujets qui inquietent, qui troublent, qui allarment & qui même jettent dans des pratiques fuperftitieufes, trompeufes & condamnables. Ainfi, puifqu'on publie ces aventures, c'eft qu'on a lieu d'être perfuadé qu'il fera fort indifférent à ceux qui les liront, de favoir de quelle famille étoit Monfieur Oufle, où il demeuroit, quand il vivoit, ou d'autres circonftances qui, quand on les fauroit, ne donneroient pas affurément, ni plus de plaifir, ni plus d'inftruction.

On fe contentera donc de donner à connoître le caractére de l'Esprit de Monfieur Oufle, & de ceux de fa Famille, dont on fe propofe de parler; c'eft ce qu'on va faire dans la fuite de ce Chapitre.

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Monfieur Oufle jouiffoit d'un bien très-considérable, tant en maisons en terres en rentes, qu'en argent comptant, qu'il ne dépenfoit jamais plus volontiers, que quand il s'agiffoit de fatisfaire à fa ridicule préven

tion. Il n'avoit jamais voulu fe gêner par aucun emploi, ni par aucune charge, fe contentant pour toute occupation, de lire beaucoup de livres deMagie,de Sortiléges, d'Apparitions, de Divinations, enfin de tout ce qui avoit rapport à ces matiéres. Il faut avouer de bonne foi, qu'il lifoit làdeffus avec une égale attention & affiduité le pour & le contre. Mais il eft vrai auffi qu'il ne croyoit que ces leЄtures, que , que les hiftoires qui affuroient par exemple, qu'un tel fpectre étoit apparu, qu'un tel efprit follet avoit bien fait des fiennes pendant la nuit dans un grenier ou dans une écurie; qu'une telle fille avoit été enforcelée par un bouquet; un tel enfant par une pomme; que celui-ci n'avoit pû éviter ce que fon horofcope lui avoit prédit, & une infinité d'autres contes femblables, qui n'ont point d'autre fondement, que l'adreffe de ceux qui les débitent, & la foibleffe de ceux qui les reçoivent. En vain lifoit-il des ouvrages faits pour combattre ces

contes; il retenoit feulement dans fa memoire les hiftoires qu'il y avoit lues, fans vouloir fe laiffer perfuader par les raifons qui en faifoient connoître la fauffeté. Souvent même il regardoit comme des impies & comme des des gens fans religion, les auteurs de ces ouvrages; car c'eft l'ordinaire des gens de fa forte, de croire athées, tous ceux qui ne font pas fuperftitieux.

Non feulement ces lectures, mais encore fes difcours, fes actions, fes écrits & même plufieurs de fes meubles prouvoient & représentoient fon entêtement; par les meubles dont je parle, j'entens particulierement un grand nombre de tableaux qu'il avoit fait faire à grands frais par les plus habiles Peintres du païs, & orner de bordures riches & parfaitement bien travaillées. Dans quelques-uns on voyoit des Magiciens avec tout l'atirail de l'habit magique, ayant une baguette à la main placés debout au milieu d'un cercle,

entouré de monftres hideux, ou de diables qui jettoient feux & flammes, & paroiffoient attendre fes ordres pour aller ravager, effrayer, & exterminer tout l'Univers. D'autres contenoient des Aftrologues contemplant les Aftres, les cometes, les éclypfes, dans le deffein de donner enfuite, non pas des conjectures pour l'avenir, mais plûtôt des décifions infaillibles, que plufieurs gens de tous âges, & de toutes profeffions attendoient avec empreffement, pour les gober enfuite avec avidité. Toutes fortes de devins étoient auffi reprefentés; par exemple, des arufpices qui fouilloient dans les entrailles de victimes, pour y chercher des connoiffances qu'ils fçavoient affurément bien qu'on n'y pouvoit trouver; des augures, ayant la tête élevée & les yeux fixés fur des oiseaux qui voloient en l'air, & qui ne favoient rien du tout de ce que prétendoient apprendre d'eux ces Charlatans fi attentifs à les examiner;des Bohemien

par

nes difant la bonne aventure à de jeunes filles, plus curieufes d'apprendre l'avenir, que ces friponnes n'étoient capables de les en inftruire; toutes ces fortes d'Oracles dont l'antiquité a bien voulu prendre la peine de conferver les Hiftoires ou plutôt les Fables, fe perfuadant qu'il y auroit affez de gens dans la poftérité pour les croire; les Sybilles avec leurs livres prophétiques, confultées les Princes, & les peuples, & paroiffant avec autant de fuffifance, que fi la vérité avoit été confiée à elles feules. On voyoit auffi dans d'autres, des démoniaques, s'agitant avec des contorfions épouventables ; des diables figurés par des corps, ou horribles ou grotefques; des fpectres, phantômes, revenans, les uns envelopés de fuaires d'un blanc de farine qui éblouiffoit; les autres revêtus de longues robes noires, & tous fe montrant avec des attitudes effrayantes. Comme la Lune eft en quelque maniére la patronne des Magiciens, on la voyoit ou

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