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n'étoit, que parce qu'il les regardoir comme des preuves d'amour; & non pas qu'il les fouhaitoit dans un efprit de volupté. Elle le reçut à l'ordinaire; c'est-à-dire, comme un homme qui venoit lui donner une espèce de Comédie, & qui par conféquent, lui inf piroit de la joye auffi-tôt qu'il paroiffoit. Après s'être entretenu quelquetems avec elle, il tira négligeamment & comme par hazard, une petite boete d'argent, où étoit cette merveilleuse Pommade; comme l'odeur en étoit fort agréable, Dulcine marqua qu'elle lui faifoit plaifir. Il n'en reffentit pas moins de voir qu'elle goûtoit délicieusement ce philtre qu'il lui avoit préparé. Il voulut qu'elle la gardât; & elle la reçut fans façon & fans conféquence; parce que le préfent étoit d'une fi petite valeur, qu'il n'étoit pas capable de bleffer la délicatesse de fon défintéreffement..

On juge bien, que Monfieur Oufle étant affuré qu'elle fentiroit fouvent gerte Pommade; & s'y confiant au

tant qu'il faifoit, il conclut qu'il n'avoit plus rien à pratiquer, pour gagner le cœur de fa maîtreffe.

Il continua long-tems à la voir fur le même pied, & avec la même fatiffaction. Ne demandant que d'être aimé, & croyant l'être il ne cherchcit rien de plus. Heureusement pour lui, il ne fut point troublé par fa femme dans ce commerce, que fon imagination lui rendoit fi doux & fi délicieux. Elle étoit inftruite par Dulcine de tout ce qui fe paffoit, & comme elle craignoit, que de l'humeur qu'il commençoit à être, il ne s'adreffât à d'autres femmes qui profiteroient volontiers de fa foibleffe, elle contribua de fon côté autant qu'elle put, à l'amuser auprès de cette veuve, dont la fageffe qui lui étoit parfaitement connue, l'empêchoit de craindre aucune de ces fuites également dangereuses pour les maris & pour les femmes. Sa précaution lui fut pourtant bien inutile; carMonfieur Qufle voulant aimer plus de deux femmes pour le mieux convain

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cre de fon prétendu penchant natal, prit dans la fuite parti ailleurs, & à la mal-heure le prit-il, puifqu'il porta fes vûes fur une perfonne dont le ca-ractére étoit bien différent de celui de Dulcine; c'est ce qu'on va voir dans lé Chapitre suivant.

CHAPITRE

XI.

D'une nouvelle Maitreffe que fit Monfieur Oufle, des fuperftitions dont il Se fervit, pour en être aimé, & quel en fut le fuccès..

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Ly avoit dans le voisinage de Monfieur Oufle, une jeune fille des plus coquettes, que je juge à propos d'appeller Dorife. Sa famille étoit des plus vulgaires; cependant fes maniéres la faifoient paroître une fille de qualité; & cela, parce qu'elle étoit très-belle, & qu'elle favoit fi bien fe fervir de fa beauté, qu'elle fuppléoit à l'obscurité de fa famille, & à la pau

vreté qu'elle y avoit trouvée en naif fant. On ne voyoit auprès d'elle pour toute parenté qu'une tante poftiche, qui la fuivoit par tout, & qui ne paroiffoit fage & févére, qu'afin que fa prétendue niéce le parût auffi; & ainfi, quoique Dorife fût entiérement maîtreffe de fa conduite, elle ne laiffoit pourtant pas de montrer une gran-de dépendance des volontés de fa tante putative, & une extrême crainte de lui déplaire & de la fâcher; ce qui étoit un artificieux manége, pour tenir long-tems en haleine & faire languir les foupirans, afin que, par cette crainte & par cette dépendance, fai

fant naître de continuelles difficultés à accorder ce qu'ils demandoient, ils fuffent long-tems à fouhaiter, & par conféquent, long-tems auffi à continuer de lui faire des libéralités; la tante, vieille routiére dans ce métier,. l'ayant fouvent avertie, que les hom mes ne donnent qu'autant que durent leurs défirs, & qu'ils fe retirent pref que toujours auffi-tôt qu'ils n'ont plus

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rien à défirer, Dorife avoit fi bien profité de ces avis , qu'elle étoit devenue: affez riche , pour paroître dans le monde avec beaucoup de magnificence, & pour vivre chez elle avec beaucoup de fomptuofité. Sa. maniére de fe parer fervoit de régle pour toutes les femmes qui fe piquoient le plus du bel air. Entre les hommes qui la fréquentoient, il y en avoit plufieurs qui s'en faifoient honneur , parce qu'on prétendoit que perfonne ne favoit mieux qu'elle donner des leçons de politef fe, d'agrémens & de favoir vivre.

Monfieur Oufle entreprit abfolu ment de faire cette conquête. Il fut d'abord reçû comme un homme reconnu pour être fort riche; c'eft-à-dire, avec beaucoup d'honnêteté & de ménagement. La tante & la nié ce qui fe perfuadoient, qu'il etoirTM capable d'abonner beaucoup leurs affaires, mirent en ufage toutes les minauderies les plus adroites, pour le tenir long-tems dans l'incertitude des

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