jour, en pratique ces folies, s'imaginant apparemment qu'on ne pourroit réfifter à quatre moyens fi forts & unis enfemble, puifqu'il ne doutoit pas qu'un feul ne dût produire fon effet. Il eut pourtant bien foin (& cela par délicateffe de confcience) de s'en fervir fecrétement, perfuadé qu'il étoit que, fi d'autres en étoient inftruits, ils pourroient vouloir l'imiter, & non pas agir en cela auffi innocemment que lui. C'eft l'ordinaire des gens de fa forte, ils fe flattent de rendre légitime ce qui ne feroit que condamnable chez les autres. Il ne fe fit cependant pas le moindre changement dans l'efprit de Monfieur & de MadameOufle. L'Abbé Doudou en étoit émerveillé. » Il faut, difoit-il en lui-même, que » cette difcorde foit bien tenace,puifqu'elle ne fe peut détruire des par moyens fi bien autorifés» ; c'eft-àdire, rapportés dans des livres qu'il regardoit comme des Oracles, dont il n'étoit pas permis de douter. On voyoit donc tous les jours, que cet

homme & cette femme devenoient de plus en plus infuportables l'un à l'autre.

Noncréde, qui fouffroit avec peine cette augmentation de difcorde, & qui craignoit qu'elle ne fe terminât à une rupture ouverte, publique & déclarée, les entretint en particulier, apprit d'eux leurs raifons; & comme il connut, que pour fe raccommoder il étoit néceffaire qu'ils s'expliquaffent enfemble, ce qu'ils n'avoient point encore fait, il obtint d'eux qu'ils s'expliqueroient en fa préfence. Ces explications étoient fi importantes, qu'auffi-tôt qu'elles eurent été faites, & que cet homme fage les eût accompagnées de fes judicieuses remontrances, la réunion fe rétablit fi fortement, qu'il n'y eût dans la fuite entr'eux aucune apparence de difcorde. C'est ainsi qu'on appaiferoit bien des troubles domeftiques, fi ceux qui font profeffion de réconcilier, avoient affez de lumiére pour connoître ce qu'il faut faire, & affez de prudence pour le

faire à propos. Cette habileté ne fe trouve point chez les Abbés Doudous, j'entens, chez ces gens, qui n'étant, pour ainfi dire, pétris que de bagatelles, ofent toutefois former des deffeins qu'on ne peut exécuter, qu'autant qu'on eft ferme, folide, & qu'on a affez de difcernement pour connoître ce qui convient.

Revenons à Monfieur Oufle; il vå faire une figure bien différente de celles qu'on vient de représenter.

CHAPITRE X.

Comment Monfieur Oufle devint amoureux, & ce qu'il fit pour fe faire aimer.

M Onfieur Oufle, à fes fupersti

tions près, avoit paffé affez tranquillement fa vie. On n'apprend point qu'il eût jamais été agité d'aucune de ces paffions tumultueufes qui gâtent prefque toujours le cœur qui dérangent extrêmement l'efprit. Comme il fe contentoit de fon état

&

& de fa fituation, il ne regardoit l'ambition que comme une phrenéfie qui ôte entierement le repos, par les inquiétudes qu'elle donne pour s'élever & s'agrandir. Il n'avoit aucun de ces empreffemens avides pour acquérir toujours plus de richeffes qu'on n'en pofféde; c'eft pourquoi l'avarice n'avoit pû fe faire aucun passage jufqu'à lui. Prefque toujours il ne prenoit de plaifir, qu'autant que le demandoit la néceffité & que la régularité le permet toit. Pour l'amour, il ne le connoiffoit, & n'en avoit reffenti les traits, que par rapport à Madame Oufle; il l'aima long-tems avant que de l'époufer, & après l'avoir époufé, il n'aima qu'elle, jufqu'au moment fatal dont je me pro pofe de parler. Voici quel étoit ce moment, & quelles en furent les fuites.

Un miférable livre, fauffement attribué à un Auteur illuftre, & rempli de menfonges hardis & impudens, ofe affurer, que les enfans qui naîtront le quinziéme jour de la Lune,

aimeront les femmes (a). M. Oufle avoit lû plusieurs fois cet article, fans y faire prefque aucune attention. Un jour qu'il s'étoit amusé à rechercher le moment de fa naiffance, il trouva en chemin faisant, qu'il étoit né le quinziéme de la Lune; & quelque tems après, le malheureux article dont je viens de parler, lui tomba par hazard, fous les yeux dans fes lectures & lui changea l'efprit & le cœur de la maniére qu'on va lire.

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Il crut dans ce moment fentir pour les femmes un penchant violent, auquel il ne pouvoit résister. La perfuafion feule où il étoit, que ces impertinens livres ne difent jamais rien qui ne foit véritable, avoit produit ce penchant, par la force de fon imagination; de forte qu'on peut dire, qu'il étoit plutôt imaginaire que réel. Cela eft fi vrai, qu'autant qu'on en peut juger par fa conduite paffée, il

(a) Les enfans qui naîtront le quinziéme jour de la Lune, aimeront les femmes. Les admir. fecr. d'Albert le Grand. l. 4. p. 272.