Page images
PDF
EPUB
[graphic][merged small]

L'Amour et la Folie.

Tour est mystere dans l'Amour,

Ses fleches, son carquois, son flambeau, son enfance:
Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour
Que d'épuiser cette science.

Je ne prétends donc point tout expliquer ici:
Mon but est seulement de dire, à ma maniere,

Comment l'aveugle que voici

(C'est un dieu), comment, dis-je, il perdit la lumiere; Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien. J'en fais juge un amant, et ne décide rien.

La Folie et l'Amour jouoient un jour ensemble:

Celui-ci n'étoit pas encor privé des yeux.
Une dispute vint : l'Amour veut qu'on assemble

Là-dessus le conseil des dieux:

L'autre n'eut pas la patience;

Elle lui donne un coup si furieux,

Qu'il en perd la clarté des cieux.
Vénus en demande vengeance.

Femme et mere, il suffit pour juger de ses cris :
Les dieux en furent étourdis,

Et Jupiter, et Némésis,

Et les juges d'enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l'énormité du cas;

Son fils, sans un bâton, ne pouvoit faire un pas:
Nulle peine n'étoit pour ce crime assez grande:
Le dommage devoit être aussi réparé.

Quand on eut bien considéré
L'intérêt du public, celui de la partie,
Le résultat enfin de la suprême cour
Fut de condamner la Folie
A servir de guide à l'Amour.

[ocr errors]
[graphic][merged small]

Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue, et le Rat,

A MADAME DE LA SABLIERE.

JE

E vous gardois un temple dans mes vers:

Il n'eût fini qu'avecque l'univers.
Déja ma main en fondoit la durée
Sur ce bel art qu'ont les dieux inventé,
Et sur le nom de la divinité

Que dans ce temple on auroit adorée.
Sur le portail j'aurois ces mots écrits:
PALAIS SAGRÉ DE LA DÉESSE IRIS:
Non celle-là qu'a Junon à ses gages;
Car Junon même et le maître des dieux

Serviroient l'autre, et seroient glorieux
Du seul honneur de porter ses messages.
L'apothéose à la voûte eût paru :
Là, tout l'Olympe en pompe eût été vu
Plaçant Iris sous un dais de lumiere.
Les murs auroient amplement contenu
Toute sa vie; agréable matiere,
Mais peu féconde en ces évènements
Qui des états font les renversements.
Au fond du temple eût été son image,
Avec ses traits, son souris, ses appas,
Son art de plaire et de n'y penser pas,
Ses agréments à qui tout rend hommage.
J'aurois fait voir à ses pieds des mortels
Et des héros, des demi-dieux encore,
Même des dieux : ce que le monde adore
Vient quelquefois parfumer ses autels.
J'eusse en ses yeux fait briller de son ame
Tous les trésors, quoique imparfaitement:
Car ce cœur vif et tendre infiniment,
Pour ses amis, et non point autrement;
Car cet esprit, qui, né du firmament,
A beauté d'homme avec grace de femme,
Ne se peut pas, comme on veut, exprimer.
Ovous, Iris, qui savez tout charmer,
Qui savez plaire en un degré suprême,
Vous que l'on aime à l'égal de soi-même
(Ceci soit dit sans nul soupçon d'amour,
Car c'est un mot banni de votre cour,

Laissons-le donc), agréez que ma muse
Acheve un jour cette ébauche confuse.
J'en ai placé l'idée et le projet,
Pour plus de grace, au-devant d'un sujet
Où l'amitié donne de telles marques,
Et d'un tel prix, que leur simple récit
Peut quelque temps amuser votre esprit.
Non que ceci se passe entre monarques:
Ce que chez vous nous voyons estimer
N'est pas un roi qui ne sait point aimer;
C'est un mortel qui sait mettre sa vie
Pour son ami. J'en vois peu de si bons.
Quatre animaux, vivant de compagnie,
Vont aux humains en donner des leçons.

La gazelle, le rat, le corbeau, la tortue,
Vivoient ensemble unis: douce société.

Le choix d'une demeure aux humains inconnue

Assuroit leur félicité.

Mais quoi! l'homme découvre enfin toutes retraites. Soyez au milieu des déserts,

Au fond des eaux, au haut des airs,
Vous n'éviterez point ses embûches secretes,
La gazelle s'alloit ébattre innocemment;
Quand un chien, maudit instrument
Du plaisir barbare des hommes,

Vint sur l'herbe éventer les traces de ses pas.
Elle fuit. Et le rat, à l'heure du repas,
Dit aux amis restants: D'où vient que nous ne sommes

« PreviousContinue »