Page images
PDF
EPUB

Que l'un de nos enfants devoit cesser de vivre,
L'autre de voir, par ce malheur.

Consolons-nous tous deux, et reviens dans ta cage.
Le perroquet dit: Sire roi,

Crois-tu qu'après un tel outrage
Je me doive fier à toi?

Tu m'allégues le Sort: prétends-tu, par ta foi,
Me leurrer de l'appât d'un profane langage?
Mais que la Providence, ou bien que le Destin
Regle les affaires du monde,
Il est écrit là-haut qu'au faîte de ce pin,
Ou dans quelque forêt profonde,
J'acheverai mes jours loin du fatal objet
Qui doit t'être un juste sujet..
De haine et de fureur. Je sais que la vengeance
Est un morceau de roi; car vous vivez en dieux.
Tu veux oublier cette offense;

Je le crois: cependant il me faut, pour le mieux,
Éviter ta main et tes yeux.

Sire roi, mon ami, va-t'en, tu perds ta peine;
Ne me parle point de retour:
L'absence est aussi bien un remede à la haine
Qu'un appareil contre l'amour.

[graphic][merged small]

La Lionne et l'Ourse.

MERE lionne avoit perdu son faon :

Un chasseur l'avoit pris. La pauvre infortunée
Poussoit un tel rugissement,

Que tou te la forêt étoit importunée.
La nuit ni son obscurité,

Son silence et ses autres charmes,

De la reine des bois n'arrêtoient les vacarmes:
Nul animal n'étoit du sommeil visité.

L'ourse enfin lui dit: Ma commere,
Un mot sans plus: Tous les enfants
Qui sont passés entre vos dents
N'avoient-ils ni pere ni mere?

Ils en avoient. S'il est ainsi,

Et qu'aucun de leur mort n'ait nos têtes rompues,

Si tant de meres se sont tues,

Que ne vous taisez-vous aussi?

Moi, me taire! moi malheureuse!

Ah! j'ai perdu mon fils! il me faudra traîner

Une vieillesse douloureuse!

Dites-moi, qui vous force à vous y condamner? -
Hélas! c'est le Destin qui me hait. - Ces paroles
Ont été de tout temps en la bouche de tous.

Misérables humains, ceci s'adresse à vous:
Je n'entends résonner que des plaintes frivoles.
Quiconque, en pareil cas, se croit haï des cieux,
Qu'il considere Hécube, il rendra grace aux dieux.

[graphic]

A

XIV.

Les deux Aventuriers et le Talisman.

UCUN chemin de fleurs ne conduit à la gloire. Je n'en veux pour témoin qu'Hercule et ses travaux: Ce dieu n'a guere de rivaux;

J'en vois peu dans la fable, encor moins dans l'his

toire.

En voici pourtant un, que de vieux talismans
Firent chercher fortune au pays des romans.

Il voyageoit de compagnie.

Son camarade et lui trouverent un poteau

Ayant au haut cet écriteau :

• Seigneur aventurier, s'il te prend quelque envie • De voir ce que n'a vu nul chevalier errant,

« Tu n'as qu'à passer ce torrent; Puis, prenant dans tes bras un éléphant de pierre « Que tu verras couché par terre,

« Le porter d'une haleine au sommet de ce mont « Qui menace les cieux de son superbe front. » L'un des deux chevaliers saigna du nez: Si l'onde

Est rapide autant que profonde,
Dit-il... et supposé qu'on la puisse passer,
Pourquoi de l'éléphant s'aller embarrasser?
Quelle ridicule entreprise!

Le sage l'aura fait par tel art et de guise
Qu'on le pourra porter peut-être quatre pas:
Mais jusqu'au haut du mont! d'une haleine ! il n'est

pas

Au pouvoir d'un mortel ; à moins que la figure
Ne soit d'un éléphant nain, pygmée, avorton,

Propre à mettre au bout d'un bâton:
Auquel cas, où l'honneur d'une telle aventure?
On nous veut attraper dedans cette écriture;
Ce sera quelque énigme à tromper un enfant:
C'est pourquoi je vous laisse avec votre éléphant.
Le raisonneur parti, l'aventureux se lance,

Les yeux clos, à travers cette eau.
Ni profondeur, ni violence

Ne purent l'arrêter; et, selon l'écriteau,
Il vit son éléphant couché sur l'autre rive.
Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive,
Rencontre une esplanade, et puis une cité.
Un cri par l'éléphant est aussitôt jeté:

« PreviousContinue »