Page images
PDF
EPUB

fondément dans leur efprit, encore plus dans leur cœur.

Enfuite, Quintius aiant fait faire filence, leur demanda de s'informer exactement de ce qui pouvoit relter dans la Grèce de citoiens Romains esclaves, & de les lui envoier en Theffalie dans l'efpace de deux mois: Qu'il ne feroit pas honnête pour euxmèmes de laiffer en efclavage ceux à qui ils devoient leur liberté. Tous fe récriérent avec applaudiffement, & rendirent graces en particulier à Quintius de ce qu'il avoit bien voulu les avertir d'un devoir fi jufte & fi indif penfable. Le nombre de ces esclaves étoit fort confidérable. Ils avoient été pris par Annibal dans la guerre Punique, & comme les Romains n'avoient pas voulu les racheter, il les avoit vendus. Il en couta à l'Achaïe feule cent talens, c'est-à dire cent mille écus, pour rembourfer aux maîtres le prix des efclaves, pour chacun Cinq defquels on paioit deux cens cinquancens de te livres: le nombre par conféquent montoit ici à douze cens. Qu'on juge par proportion de tout le refte de la Grèce. L'affemblée n'étoit pas enco

niers

re

re finie, qu'on vit la garnifon defcendre de la Citadelle, puis fortir de la ville. Quintius la fuivit de près, & fe retira au milieu des acclamations des peuples, qui l'appelloient leur fauveur & leur libérateur, & faifoient mille vœux au ciel pour lui.

Il tira pareillement les garnifons de Chalcis & de Démétriade, & y fut reçu avec les mêmes applaudiffemens. De là il paffa en Theffalie, où il trouva tout à réformer, tant le defordre étoit général.

Enfin il s'embarqua pour l'Italie, & étant arrivé à Rome, il y entra en triomphe. La cérémonie dura trois jours, pendant lefquels il fit paffer en revûe devant le peuple les précieuses dépouilles qu'il avoit amaffées dans la double guerre contre Philippe & contre Nabis. Démétrius fils du prémier, & Arméne du fecond, étcient parmi les otages, & ornoient le triomphe du vainqueur. Mais ce qui en faifoit le plus bel ornement, étoient les citoiers Romains délivrés d'efclavage, qui fuivoient le char la tête rafe en figne de la liberté qui venoit de leur étre rendue.

An. M. 3811. Av. J.C.

193.

§. V.

Tout Se prépare à la guerre entre Amtiochus les Romains. "Mutuelles ambaffades & entrevues de part & d'autre qui ne terminent rien. Les Romains envoient des troupes contre Nabis, qui avoit rompu le Traité. Philopémen remporte contre lui une victoire. Les Etoliens appellent Antiochus. Nabis eft tué. Enfin Antiochus paffe en Grèce.

Du côTE d'Antiochus & des Romains, tout fe préparoit à une guerre prochaine. Il étoit venu à Rome Liv.lib. des Amba(fadeurs au nom de toute la 34. a. Grèce, d'une grande partie de l'Afie $7.62. Mineure, & de plufieurs Rois.

[ocr errors]

Ils eurent une favorable audience dans le Sénat mais comme l'affaire d'Antiochus étoit d'une longue difcuffion elle fut renvoiée à Quintius & aux Commiffaires qui avoient déja été en Afie. La difpute fut vive de part & d'autre. Les Ambatladeurs du Roi s'é tonnoient que leur Maître les aiant envoiés fimplement pour faire alliance & amitié avec les Romains, ceuxci prétendiffent lui faire la loi comme à un vaincu, & lui prefcrire quel

les

les villes il pouvoit garder, & quelles villes il devoit abandonner. Quintius, de concert avec fes Collégues, après beaucoup de difcour & de repliques déclara aux Ambaffadeurs du Roi, que les Romains perfiftoient dans la réfolution qu'ils avoient prife de délivrer les villes Grecques de l'Afie, comme ils avoient fait celles de l'Europe: qu'ils viffent fi cette condition convenoit à Antiochus. Ils répondirent qu'ils ne pouvoient prendre aucun engagement qui tendit à diminuer le domaine de leur Maître. Le lendemain tous les autres Ambaffadeurs furent de nouveau introduits dans le Sénat. Quintius leur rendit compte de ce qui s'étoit dit & paffé dans la Conférence, & les pria de faire favoir chacun à leurs villes que le peuple Romain étoit déterminé à défendre leur liberté contre Antiochus avec le même zêle & le même courage qu'il avoit fait contre Philippe. Les Ambaffadaurs d'Antiochus conjurérent le Sénat de ne rien précipiter dans une affaire de cette importance; de laiffer au Roi le tems de faire fes réflexions, & d'en faire eux mêmes de leur côté, avant que de donner un Décret qui al

loit

loit troubler le repos de l'univers. Il ne fut encore rien décidé, & l'on députa vers le Roi les mêmes Ambaifadeurs qui avoient déja conféré avec lui à Lyfimachie, Sulpicius, Villius, Ælius.

A peine furent-ils partis, que des Ambaffadeurs Carthagionis arrivérent à Rome, & donnérent avis au Sénat qu'Antiochus, excité par Annibal, fe préparoit certainement à faire la guerre aux Romains. J'ai déja dit qu'Annibal s'étoit réfugié chez ce Prince, & qu'il arriva près de lui précisément dans le tems que le Roi délibéroit s'il ...devoit entreprendre cette guerre. La préfence & les confeils d'un tel Général ne contribuérent pas peu à l'y déterminer. Son avis dès lors, & il penfa toujours de même dans la fuite, fut qu'il faloit porter la guerre dans l'Italie. Que par ce moien le pays ennemi leur fourniroit des troupes & des vivres. Qu'autrement nul Prince, nul peuple ne pouvoit être fupérieur aux Romains, & que l'Italie ne pouvoit être vaincue que dans l'Italie mème. Il ne demandoit que cent galères, dix mille hommes de pié, & nille chevaux. Il affuroit qu'avec cette flote il iroit d'abord en Afrique, où il efpé

« PreviousContinue »