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l'ancien code romain; par quelles lois Charlemagne gouverna fon empire, & par quelle anarchie le gouvernement féodal le bouleverfa; par quel art & par quelle audace Grégoire VII & fes fucceffeurs écrafèrent les lois des royaumes & des grands fiefs fous l'anneau du pêcheur, & par quelles fecouffes on eft parvenu à détruire la légiflation papale; j'efpérais voir l'origine des bailliages qui rendirent la juftice prefque par-tout depuis les Othons, & celle des tribunaux appelés parlemens, ou audiences, ou bancs du roi, ou échiquier; je défirais de connaître l'hiftoire des lois fous lesquelles nos pères & leurs enfans ont vécu; les motifs qui les ont établies, négligées, détruites, renouvelées; je cherchais un fil dans ce labyrinthe; le fil eft caffé presque à chaque article. J'ai été trompé, j'ai trouvé l'efprit de l'auteur qui en a beaucoup, & rarement l'efprit des lois. Il fautille plus qu'il ne marche; il amufe plus qu'il n'éclaire, il fatirife quelquefois plus qu'il ne juge; & il faut fouhaiter qu'un fi beau génie eût toujours plus cherché à inftruire qu'à étonner.

Ce livre défectueux eft plein de choses admirables, dont on a fait de déteftables copies. Les fanatiques l'ont infulté par les endroits mêmes qui méritent les remercîmens du genre-humain.

Malgré fes défauts cet ouvrage doit être toujours cher aux hommes, parce que l'auteur a dit fincèrement ce qu'il penfe, au lieu que la plupart des écrivains de fon pays, à commencer par le grand Boffuet, ont dit fouvent ce qu'ils ne penfaient pas. Il a par-tout fait fouvenir les hommes qu'ils font libres. Il préfente à la nature humaine fes titres qu'elle a perdus dans

la plus grande partie de la terre; il combat la fuperftition, il inspire la morale.

Sera-ce par des livres qui détruifent la fuperftition, & qui rendent la vertu aimable, qu'on parviendra à rendre les hommes meilleurs? oui: fi les jeunes gens lifent ces livres avec attention, ils feront préservés de toute espèce de fanatifme; ils fentiront que la paix eft le fruit de la tolérance, & le véritable but de toute fociété.

La tolérance eft auffi néceffaire en politique qu'en religion; c'eft l'orgueil feul qui eft intolérant. C'est lui qui révolte les efprits en voulant les forcer à penfer comme nous; c'eft la fource fecrète de toutes les divifions.

La politeffe, la circonspection, l'indulgence affermiffent l'union entre les amis & dans les familles; elles feront le même effet dans un petit Etat, qui eft une grande famille.

COMMENTAIRE

COMMENTAIRE

SUR LE LIVRE

DES DELITS

E T

DES PEINES.

Politique & Legil. Tome I.

SUR LE LIVRE

DES DELITS ET DES PEINES.

JETAL

Occafion de ce commentaire.

'ETAIS plein de la lecture du petit livre des Délits & des peines, qui eft en morale ce que font en médecine le peu de remèdes dont nos maux pourraient être foulagés. Je me flattais que cet ouvrage adoucirait ce qui refte de barbare dans la jurifprudence de tant de nations ; j'efpérais quelque réforme dans le genre-humain, lorfqu'on m'apprit qu'on venait de pendre dans une province une fille de dix-huit ans, belle & bien faite, qui avait des talens utiles, & qui était d'une très-honnête famille.

Elle était coupable de s'être laiffée faire un enfant; elle l'était encore davantage d'avoir abandonné fon fruit. Cette fille infortunée fuyant la maison paternelle eft furprise des douleurs de l'enfantement; elle eft délivrée feule & fans fecours auprès d'une fontaine. La honte, qui eft dans le fexe une paffion violente, lui donna affez de force pour revenir à la maison de fon père & pour y cacher fon état. Elle laiffe fon enfant expofé, on le trouve mort le lendemain; la mère eft découverte, condamnée à la potence & exécutée.

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