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Je le crois, c'étoit un mari.
Il ne tint point à l'hyménée
Que, content de sa destinée,
Il n'en remerciât les dieux.
Mais quoi! si l'amour n'assaisonne
Les plaisirs que l'hymen nous donne,
Je ne vois pas qu'on en soit mieux.
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie,
Et n'ayant caressé son mari de sa vie,

Il en faisoit sa plainte une nuit. Un voleur
Interrompit la doléance.

La pauvre femme eut si grand'peur
Qu'elle chercha quelque assurance

Entre les bras de son époux.

Ami, voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux
Me seroit inconnu! Prends donc en récompense
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance;
Prends le logis aussi. Les voleurs ne sont pas
Gens honteux, ni fort délicats :

Celui-ci fit sa main.

J'infère de ce conte

Que la plus forte passion

C'est la peur; elle fait vaincre l'aversion,
Et l'amour quelquefois : quelquefois il la dompte;
J'en ai pour preuve cet amant

Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame,
L'emportant à travers la flamme.

J'aime assez cet emportement;

Le conte m'en a plu toujours infiniment :
Il est bien d'une âme espagnole,
Et plus grande encore que folle.

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Un homme n'ayant plus ni crédit ni ressource,
Et logeant le diable en sa bourse,
C'est-à-dire n'y logeant rien,

S'imagina qu'il feroit bien

De se pendre, et finir lui-même sa misère,

Puisque aussi bien sans lui la faim le viendroit faire :

Genre de mort qui ne duit pas
A gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette intention, une vieille masure
Fut la scène où devoit se passer l'aventure;
Il y porte une corde, et veut avec un clou
Au haut d'un certain mur attacher le licou.
La muraille, vieille et peu forte,

S'ébranle aux premiers coups, tombe avec un trésor.
Notre désespéré le ramasse, et l'emporte,.

Laisse là le licou, s'en retourne avec l'or,

Sans compter ronde ou non, la somme plut au sire.
Tandis que le galant à grands pas se retire,
L'homme au trésor arrive, et trouve son argent
Absent.

Quoi! dit-il, sans mourir je perdrai cette somme!
Je ne me pendrai pas! Et vraiment si ferai,

Ou de corde je manquerai.

Le lacs étoit tout près, il n'y manquoit qu'un homme : Celui-ci se l'attache, et se pend bien et beau.

Ce qui le consola, peut-être,

Fut qu'un autre eût, pour lui, fait les frais du cordeau. Aussi bien que l'argent le licou trouva maître.

L'avare rarement finit ses jours sans pleurs;
Il a le moins de part au trésor qu'il enserre,
Thésaurisant pour les voleurs,

Mais

Pour ses parents, ou pour la terre. que dire du troc que la Fortune fit? Ce sont là de ses traits; elle s'en divertit :

Plus le tour est bizarre, et plus elle est contente.

Cette déesse inconstante

Se mit alors en l'esprit

De voir un homme se pendre :

Et celui qui se pendit

S'y devoit le moins attendre.

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