Un marchand grec en certaine contrée Trois autres Turcs d'un rang moindre en puissance, Qu'à ce marchand il n'en coûtoit pour un. Même on lui dit qu'il jouera, s'il est sage, Et sans tarder; sinon ces gens unis Les trafiquants qui sont en l'autre monde. Et de raisons qui pourroient t'ennuyer, Je ne te veux conter qu'un apologue. Il étoit un berger, son chien et son troupeau. Étoit un pain entier. Il falloit bien et beau Auroit deux ou trois màtinaux, Qui, lui dépensant moins, veilleroient aux troupeaux Il mangeoit plus que trois; mais on ne disoit pas Quand les loups livroient des combats. Le berger s'en défait; il prend trois chiens de taille Du choix de semblable canaille. Si tu fais bien, tu reviendras à moi. Le Grec le crut. Ceci montre aux provinces Que, tout compté, mieux vaut en bonne foi Que s'appuyer sur plusieurs petits princes. Prétendoit que tout homme sage Etoit tenu de l'honorer. C'étoit tout homme sot: car pourquoi révérer Des biens dépourvus de mérite? La raison m'en semble petite. Mon ami, disoit-il souvent Au savant, Vous vous croyez considérable; Mais dites-moi, tenez-vous table? Que sert à vos pareils de lire incessamment ? De gens qui ne dépensent rien! Je ne sais d'homme nécessaire Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien. L'homme lettré se tut; il avoit trop à dire. L'ignorant resta sans asile; |