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On cherche les rieurs; et moi je les évite.
Cet art veut, sur tout autre, un suprême mérite :
Dieu ne créa que pour les sots

Les méchants diseurs de bons mots.

J'en vais peut-être en une fable

Introduire un; peut-être aussi

Que quelqu'un trouvera que j'aurai réussi.

Un rieur étoit à la table

D'un financier, et n'avoit en son coin

Que de petits poissons tous les gros étoient loin.

Il prend donc les menus, puis leur parle à l'oreille;
Et puis il feint, à la pareille,

D'écouter leur réponse. On demeura surpris,
Cela suspendit les esprits.

Le rieur alors, d'un ton sage,

Dit qu'il craignoit qu'un sien ami,
Pour les grandes Indes parti,

N'eût depuis un an fait naufrage:

Il s'en informoit donc à ce menu fretin:

Mais tous lui répondoient qu'ils n'étoient pas d'un âge A savoir au vrai son destin;

Les gros en sauroient davantage.

N'en puis-je donc, messieurs, un gros interroger? De dire si la compagnie

Prit goût à sa plaisanterie,

J'en doute; mais enfin, il les sut engager

A lui servir d'un monstre assez vieux pour lui dire
Tous les noms des chercheurs de mondes inconnus
Qui n'en étoient pas revenus,

Et que depuis cent ans sous l'abîme avoient vus
Les anciens du vaste empire.

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Un rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle.

Des lares paternels un jour se trouva soul.
Il laisse là le champ, le grain, et la javelle,
Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu'il fut hors de la case:
Que le monde, dit-il, est grand et spacieux!
Voilà les Apennins, et voici le Caucase!
La moindre taupinée étoit mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours, le voyageur arrive
En un certain canton où Tethys sur la rive
Avoit laissé mainte huitre; et notre rat d'abord

Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord.
Certes, dit-il, mon père étoit un pauvre sire!

Il n'osoit voyager, craintif au dernier point.
Pour moi, j'ai déjà vu le maritime empire:
J'ai passé les déserts, mais nous n'y bûmes point.
D'un certain magister le rat tenoit ces choses.
Et les disoit à travers champs;

N'étant pas de ces rats qui, les livres rongeants,
Se font savants jusques aux dents.

Parmi tant d'huîtres toutes closes

Une s'étoit ouverte, et, bàillant au soleil,
Par un doux zéphyr réjouie,

Humoit l'air, respiroit, étoit épanouie,

Blanche,
, grasse, et d'un goût, à la voir, nonpareil.
D'aussi loin que le rat voit cette huître qui bâille :
Qu'aperçois-je? dit-il; c'est quelque victuaille!
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd'hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus, maître rat, plein de belle espérance,
Approche de l'écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs; car l'huître tout d'un coup
Se referme. Et voilà ce que fait l'ignorance.

Cette fable contient plus d'un enseignement :
Nous y voyons premièrement

Que ceux qui n'ont du monde aucune expériencé
Sont, aux moindres objets, frappés d'étonnement;
Et puis nous y pouvons apprendre

Que tel est pris qui croyoit prendre.

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Certain ours montagnard, ours à demi léché,
Confiné par le Sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellerophon, vivoit seul et caché.

Il fût devenu fou la raison d'ordinaire
N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés.

Il est bon de parler, et meilleur de se taire;

Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.

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