LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS, La génisse, la chèvre et leur sœur la brebis, Eux venus, le lion par ses ongles compta; Et dit: Nous sommes quatre à partager la proie. Puis en autant de parts le cerf il dépeça; Prit pour lui la première en qualité de sire. C'est que je m'appelle lion : La seconde, par droit, me doit échoir encor : Jupiter dit un jour: Que tout ce qui respire Il peut le déclarer sans peur : Venez, singe; parlez le premier, et pour cause : De leurs beautés avec les vôtres. Étes-vous satisfait? Moi, dit-il; pourquoi non? Que c'étoit une masse informe et sans beauté. Tout sage qu'il étoit, dit des choses pareilles. Dame baleine étoit trop grosse. Dame fourmi trouva le ciron trop petit, Se croyant pour elle un colosse. Jupin les renvoya s'étant censurés tous; Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous Le fabricateur souverain Nous créa besaciers1 tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d'autrui. 1 Portant besace. Une hirondelle en ses voyages Awoit beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu. Celle-ci prévoyoit jusqu'aux moindres orages, Et devant qu'ils fussent éclos, Les annoncoit aux matelots. Il arriva qu'au temps que la chanvre se sème, Elle vit un manant1 en couvrir maints sillons. 1 Ce mot, qui ne se prend plus qu'en mauvaise part, se disoit alors pour désigner un habitant de la campagne. |