Fit qu'au seigneur du bourg notre homme se plaignit. Ce maudit animal vient prendre sa goulée Soir et matin, dit-il, et des piéges se rit; Il est sorcier, je crois. En dépit de ses tours, l'attrapera bientôt. Je vous en déferai, bonhomme, sur ma vie. Et quand? Et dès demain, sans tarder plus longtemps. La partie ainsi faite, il vient avec ses gens. Çà, déjeunons, dit-il : vos poulets sont-ils tendres? La fille du logis, qu'on vous voie, approchez : Quand la marierons-nous? quand aurons-nous des gendres? Bon homme, c'est ce coup qu'il faut, vous m'entendez, Qu'il faut fouiller à l'escarcelle. Disant ces mots, il fait connoissance avec elle, Prend une main, un bras, lève un coin du mouchoir; Toutes sottises dont la belle Se défend avec grand respect; Tant qu'au père à la fin cela devient suspect. Cependant on fricasse, on se rue en cuisine. - Vraiment, dit le seigneur, Je les reçois, et de bon cœur. Il déjeune très-bien; aussi fait sa famille, Chiens, chevaux et valets, tous gens bien endentés : 1 Nom de chien. Il commande chez l'hôte, y prend des libertés, L'embarras des chasseurs succède au déjeuné. Les trompes et les cors font un tel tintamarre, Le pis fut que l'on mit en piteux équipage Adieu chicorée et poireaux; Adieu de quoi mettre au potage. Le lièvre étoit gîté dessous un maître chou. On le quête, on le lance: il s'enfuit par un trou, Par ordre du seigneur; car il eût été mal Petits princes, videz vos débats entre vous. Ne forçons point notre talent; Nous ne ferions rien avec grâce : Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse, Ne sauroit passer pour galant. Peu de gens, que le Ciel chérit et gratifie, C'est un point qu'il leur faut laisser, Et ne pas ressembler à l'âne de la fable, Qui, pour se rendre plus aimable, S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte, Dans cette admirable pensée, Voyant son maître en joie, il s'en vient lourdement, Lève une corne tout usée, La lui porte au menton fort amoureusement, Non sans accompagner, pour plus grand ornement, |