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Sans refpect des ayeux dont elle est descenduë,
Et va porter la malle, ou tirer la charuë.

Pourquoi donc voulez-vous que par un fot abus
40 Chacun refpecte en vous un honneur qui n'est plus ?
On ne m'eblouït point d'une apparence vaine.

La vertu, d'un cœur noble eft la

marque certaine. Si vous eftes forti de ces Heros fameux,

Montrez-nous cette ardeur qu'on vit briller en eux, 45 Ce zele pour l'honneur, cette horreur pour le vice. Refpectez-vous les loix ? Fuiez-vous l'injustice ? Sçavez-vous pour la gloire oublier le repos, Et dormir en plein champ le harnois fur le dos ? Je vous connois pour Noble à ces illuftres marques so Alors foyez iffu des plus fameux Monarques;

50

REMARQUES.

Ce que F. de Roffet a traduit ainfi: par une fine rencontre (il) renverse fur la crouppe au milieu du pré verdoyant la forte jument de Gradaffe, la plus belle & la meilleure qui porta jamais felle. C'eft donc à tort que M. Defpréaux fait ici d'Alfana le nom propre d'un cheval.

Ibid. & de Bayard. ] Cheval des quatre Fils Aymon. DESP.

Bayard, de qui le Roman dit, qu'il n'eut oncques fon pareil; car pour avoir couru dix lieues, il n'étoit point las; êtoit le cheval du célèbre Paladin Renaud de Montauban, l'aîné & le plus vaillant des quatre Fils Aymon.

IMIT. Vers 42. La vertu, d'un cœur noble eft la marque certaine.] Ce Vers eft imité de Juvenal. Sat. VIII. v. 20.

aux yeux; & le Vers qu'il a fubftitué contient un fens plus beau.

Nobilitas fola eft atque unica Virtus.
CHANG. Vers 47. Sçavez-vous
pour la gloire oublier le repos ? ] Ce
Vers êtoit ainfi: Sçavez-vous fur
un mur repouffer des affauts ? Mais
l'Auteur le changea dans l'Edi-
dition de 1701. Il trouvoit que
Affauts & Dos ne rimoient pas

IMIT. Vers 50. Alors foyez issu
des plus fameux Monarques, &c.]
Ce Vers & les fix fuivans font
imités de Juv. Sat., VIII. v. 131.
Tunc licet à Pico numeres genus, altaque fi te
Nomina delectant, omnem Titanida pugnam
Inter majores, ipfumque Promethea ponas:
De quocumque voles proavum tibi fumite libre.

Venez de mille ayeux ; & fi ce n'est assez,
Feiiilletez à loifir tous les fiecles paffez,

Voyez de quel Guerrier il vous plaift de defcendre;
Choififfez de Cefar, d'Achille, ou d'Alexandre :
55 En vain un faux Cenfeur voudroit vous démentir,
Et fi vous n'en fortez, vous en devez fortir.
Mais fuffiez-vous iffu d'Hercule en droite ligne,
Si vous ne faites voir qu'une bassesse indigne,
Ce long amas d'ayeux, que vous diffamez tous,
60 Sont autant de témoins qui parlent contre vous;
Et tout ce grand éclat de leur gloire ternie
Ne fert plus que de jour à voftre ignominie.
En vain tout fier d'un fang que vous des-honnorez,
Vous dormez à l'abri de ces noms reverez.

65 En vain vous vous couvrez des vertus de vos Peres:
Ce ne font à mes yeux que de vaines chimeres.
Je ne voi rien en vous qu'un lâche, un imposteur,
Un traiftre, un fcelerat, un perfide, un menteur
Un fou, dont les accés vont jusqu'a la furie,
70 Et d'un tronc fort illuftre une branche pourrie.
Je m'emporte peut-eftre, & ma Mufe en fureur
Verfe dans fes difcours trop de fiel & d'aigreur.

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CHANG. Vers 55. En vain un faux Cenfeur voudroit vous démenEn vain un lache efprit

Ce qui ne formoit pas un fens
bien net. L'Auteur y remédia
en changeant deux mots, dans
l'Edition de 1713.

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tir.] Il y avoit dans les anciennes Editions :

voudroit vous démentir.

IMITATION, Vers 60. Sont autant de témoins, qui parlent con tre vous. ] JUVENAL a dit Sat. VIII. vers 138. Incipit ipforum contra te ftare parentum Nobilitas, claramque facem præferre pudendis.

Il faut avec les Grands un peu de retenuë.

Hé bien, je m'adoucis. Votre race eft connuë. 75 Depuis quand; Répondez. Depuis mille ans entiers ; Et vous pouvez fournir deux fois feize quartiers. C'est beaucoup: Mais enfin les preuves en font claires, Tous les livres font pleins des titres de vos Peres: Leurs noms font échappez du naufrage des temps: 80 Mais qui m'aflurera, qu'en ce long cercle d'ans, A leurs fameux Epoux vos Ayeules fideles, Aux douceurs des Galans furent toûjours rebelles? Et comment fçavez-vous, fi quelque Audacieux N'a point interrompu le cours de vos ayeux 85 Et fi leur fang tout pur, ainfi que leur noblesse, Eft paffé jusqu'à vous de Lucrece en Lucrece ?

Que maudit foit le jour, où cette vanité Vint ici de nos mœurs foüiller la pureté !

:

Dans les tems bienheureux du monde en fon enfance, 90 Chacun mettoit fa gloire en sa seule innocence.

REMARQUES.

IMIT. Vers 75. Depuis dit fur le même fujet, Sat. III mille ans entiers. PERSE avoit v. 28.

Stemmate quod Tufco ramum millefime ducis.
quartiers.

CHANG. Vers 76. Deux fois feixe quartiers. ] Première manière: Du moins trente quartiers. L'Auteur corrigea ainfi Plus de trente quartiers. Mais il s'apperçut que l'une & l'autre de ces expreffions êtoient peu exactes; parce que les preuves de Nobleffe fe comptent par quartiers, en progreffion géométrique quatre, huit, feize, trente-deux quartiers, &c. La plus haute preuve, que l'on fafle ordinairement,eft de trente-deux

CHANG. Vers 8<.

:

ainfi

que leur nobleffe. ] Avant l'Edi-
tion pofthume de 1713. il y
avoit avecque leur noblesse.
VERS 86.
De Lucrece
en Lucrece.] La chafteté de Lu-
crèce, Dame Romaine eft fi
célèbre, qu'elle a paflé en pro-
verbe. L'Auteur m'a dit qu'un
homme qui pourtant fe pi-
quoit d'efprit, s'imaginoit bon-
nement qu'il parloit du Poëte
Lucrèce, BROSSETTE.

Chacun vivoit content, & fous d'égales loix,
Le Merite y faifoit la nobleffe & les Rois;
Et fans chercher l'appui d'une naiffance illuftre,
Un Heros de foi-mefme empruntoit tout fon luftre.
95 Mais enfin, par le temps le Merite avili

Vit l'honneur en roture, & le vice annobli;
Et l'orgueil, d'un faux titre appuyant fa foibleffe,
Maîtrifa les Humains fous le nom de Nobleffe.

De là vinrent en foule & Marquis & Barons.
100 Chacun pour fes vertus n'offrit plus que des noms,
Auffi-toft maint efprit, fécond en réveries,
Inventa le blafon avec les armoiries;

De ses termes obfcurs fit un langage à part,
Compofa tous ces mots de Cimier, & d'Ecart
10s De Pal, de Contrepal, de Lambel, & de Face,
Et tout ce que Segoing dans fon Mercure entasse.
Une vaine folie enyvrant la raison,

,

L'Honneur trifte & honteux ne fut plus de saison. Alors, pour foutenir fon rang & fa naiffance, 110 Il fallut étaler le luxe & la dépense; Il fallut habiter un superbe palais, Faire par les couleurs diftinguer ses valets:

REMARQUES.

VERS 106. Et tout ce que Se going, &c.] Auteur qui a fait le Mercure Armorial, DE S P.

Dans les premières Editions, l'Auteur avoit mis Vulfon, au lieu de Segoing; parce qu'il avoit confondu ces deux Auteurs. Vulfon de la Colombiere a compofé la Science béroïque, traitant de la Nobleffe, & de l'origine des Armes,

de leurs Blazons & Symboles, &c. en 1644.

Charles Segoing, Avocat, a faic le Tréfor héraldique ou Mercure Armorial, imprimé en 1657. a Paris. Il y avoit Segond dans l'Edition de 1664. & dans les fuivantes, jufqu'à celle de 1713.. où l'on mit Segoind, en eftropiant encore le nom.

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Et traînant en tous lieux de pompeux équipages
Le Duc & le Marquis fe reconnut aux Pages.

Bien-toft pour fubfifter, la Noblesse sans bien
Trouva l'art d'emprunter, & de ne rendre rien ;
Et bravant des fergens la timide cohorte,
Laiffa le créancier fe morfondre à fa porte.
Mais pour comble, à la fin le Marquis en prifon
220 Sous le faix des procés vit tomber sa maison.
Alors le Noble altier, preffé de l'indigence,
Humblement du Faquin rechercha l'alliance,
Avec lui trafiquant d'un nom fi precieux,
Par un lâche contract vendit tous fes Ayeux;
125 Et corrigeant ainfi la fortune ennemie,
Rétablit fon honneur à force d'infamie.

Car fi l'éclat de l'or ne releve le fang,
En vain l'on fait briller la fplendeur de fon rang,
L'amour de vos ayeux paffe en vous pour manie,
130 Et chacun pour parent vous fuit & vous renie.

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REMARQUES.

VERS 114. Le Duc & le Marquis fe reconnut aux Pages. ] Tous les Gentilshommes confiderables en ce temps-là avoient des Pages. DES P.

CHANG. Vers 121.122. & 123. Alors le Noble altier, &c.] Dans les Editions qui ont précédé celle de 1701. ces trois vers êtoient ainfi :

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Alors, pour fubvenir à sa triste indigence,
Le Noble du Faquin rechercha l'alliance
Et trafiquant d'un nom jadis fi précieux, &c.
Dans le fecond Vers, au lieu de
rechercha l'alliance, l'Auteur avoit
mis d'abord: emprunta l'alliance.
VERS 125. Et corrigeant ainfi
la fortune ennemie, &c. ] Le Poëte
aïant befoin de deux Vers femi-
nins, fit ceux-ci par néceffité.
Le fens êtoit fini au Vers précé-

dent, Par un lâche contrat vendit
tous fes Aieux. Il êtoit bien dif-
ficile de trouver une pensée, qui
renchérit fur ce qui précédoit,
& plus difficile encore de ren-
fermer cette penfée en deux
Vers: c'eft pourtant ce qu'il a
fait heureufement.

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