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Tandis que mon Faquin, qui fe voioit priser Avec un ris moqueur les prioit d'excufer. 105 Sur tout certain Hableur, à la gueule affamée, Qui vint à ce feftin, conduit par la fumée, Et qui s'eft dit Profés dans l'ordre des Côteaux, A fait en bien mangeant, l'éloge des morceaux.

de L.

REMARQUES.

VERS 105. Sur tout certain Hableur.] Celui dont le caractè. re eft fi vivement exprimé dans ces dix vers, s'appelloit B. D. L. Coufin iffu de Germain de nôtre Auteur. Il êtoit Neveu de M. Grand Audiancier de France, qui lui avoit acheté une Charge de Préfident à la Cour des Monnoies: mais il diffipa tout fon bien ; & fon Oncle l'aïant abandonné, il fut réduit à vivre chés fes amis. Il alloit fouvent chés M. Boileau le Greffier, Frère aîné de M. Defpréaux. Ce fut là que fe pafla entre ce même M. D. L..

& la Comteffe de Criffé, cette Scéne plaifante & vive,qui a êté décrite par M. Racine dans fes Plaideurs, fous les noms de Chica. neau & la Comtesse de Pimbéche. La Comteffe de Crissé êtoit une Plaideufe de profeffion, qui pafloit fa vie daus les procès, & qui diffipa de grands biens dans cette occupation ruïneufe. Le Parlement fatigué de fon obftination à plaider, lui défendit d'intenter aucun procès, fans l'avis par écrit de deux Avocats, que la Cour lui nomma. Cette interdiction de plaider la mit dans une fureur inconcevable. Après avoir fatigué de fon défelpoir les Juges, les Avocats,

fon Procureur; elle alla en

core porter fes plaintes à M. Boileau le Greffier, chez qui fe trouva par hasard M. de L.... dont il s'agit. Cet homme qui vouloit fe rendre néceffaire par tout, s'avifa de donner des confeils à cette Plaideufe. Elle les écouta d'abord avec avidité ; mais par un mal- entendu qui furvint entre eux, elle crut qu'il vouloit l'infulter, & l'accabla d'injures. M. Despréaux, qui êtoit préfent à cette Scéne, en fit le récit à M. Racine, qui l'accommoda au Théatre, & l'inféra dans fes Plaideurs. Il n'a prefque fait que la rimer, La première fois que l'on joua cette Comédie on donna à l'Actrice, qui répréfentoit la Comtesse de Pimbeche un habit de couleur de Rofe féche, & un mafque fur l'oreille; ce qui êtoit l'ajuftement ordinaire de la Comteffe de Criffe.

VERS 107. Dans l'ordre des Côteaux. ] Ce nom fur donné à trois grands Seigneurs tenant table, qui eftoient partagez fur l'eftime qu'on devoit faire des vins des Cofteaux des environs de Reims. Ils avoient chacun leurs partifans. DE SP.

Je ne puis m'oter de l'efprit (dit le P. BOUHOURS ) qu'on n'entendra pas un jour l'Auteur des Satires, dans la defcription de fon Feftin

Sur tout certain Hableur, &c,

Je riois de le voir, avec fa mine étique,

tro Son rabat jadis blanc, & fa perruque antique,

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REMARQUES.

mar,

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,,Je me fuis même mis en tête
(continue le P. Bouhours) que
>> les Commentateurs fe tour-
,, menteront fort pour expliquer
,, ce Profès dans l'Ordre des Cos-
,,teaux, & qu'on pourra bien
le corriger, en lifant: Profes
dans l'Ordre de Cifteaux, par la
raifon que l'Ordre des Cofteaux
,, ne fe trouvera point dans
l'Hiftoire Eccléfiaftique, &
,, que les gens de ce tems - là ne
fauront pas que cet Ordre n'ê-
toit qu'une Société de fins Dé-
bauchés, qui vouloient que
,, le vin qu'ils buvoient,fût d'un,,
certain côteau; & qu'on les
"appelloit pour cela les Cô-

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les Côteaux, étoient le Comman
deur de Souvré, le Duc de Morte-
& le Marquis de Silleri,
Ménage donne un autre origi-
Ce fut, dit-
ne à ce nom-là.
il, feu M. de Lavardin, Evê-
,, que du Mans qui fe plai-
,, gnant de ces Meffieurs, qui
difoient que fon vin n'êtoit
,, pas bon, dit que c'êtoient des
délicats, qui ne vouloient du
vin que d'un certain Côteau;
& là-deffus, on les appella les
Côteaux. Ces Meffieurs êtoient
le Marquis de Bois-Dauphin, du
nom de Laval; le Comte d'o-
lonne, du nom de la Trimouille;
l'Abbé de Villarceaux, du nom
de Mornai; & le Comte du
", Brouffin, du nom de Brûlart
DICT. Etymol.
DES MAIZEAUX à ***

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Nôtre Auteur difoit, que ces trois Seigneurs qu'on nommoit Fragment d'une Lettre de M. fur ce

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fujet.

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l'Evêque du Mans n'êtoit pas bon. 3. Ce Prélat ne se plaignoit point d'eux. 4°. Il ne parloit pas d'un certain Côteau. °. L'Abbé de Villarceaux n'en êtoit pas, lui qui ne s'entendoit nullement en délicateffe : ni du Brouffin, qui n'eft venu ,, que dix ans après. M. de Saint Evremond ajouta qu'il êtoit lui-même à la table de l'Evêque du Mans, lorsque ce Prélat donna, pour ainfi dire, naiffance au fameux nom de Côteaux. Il m'apprit ensuite la véritable origine de ce nom-là que j'ai rapportée dans fa Vie.

,, Lorfque je priai M. de Saint
Evremond de m'apprendre l'o-
rigine du nom de Côteaux: je
lui fit voir ce que Ménage a
écrit là-deffus dans fon Dic
tionnaire Etymologique, où il
dit que M. de Lavardin,
Evêque du Mans, fe plaignant
de quelques grands Seigneurs qui
difoient que fon Vin n'étoit pas,,
bon, dit que c'étoient des déli-
cats qui ne vouloient du vin que
d'un certain Côteau, &c. M.
de Saint Evremond m'aflura
,, que cet Auteur fe trompoit:
,, Car 1°. ceux à qui on donna
le nom de Côte aux n'êtoient
, pas de grands Seigneurs. 2°. Ils
ne difoient point que le Vin de

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En lapins de garenne eriger nos clapiers,
Et nos pigeons Cauchois en fuperbes ramiers ;
Et pour flater notre Hofte, obfervant fon vifage,
Compofer fur fes yeux fon gefte & fon langage.
Quand notre Hofte charmé, m'avisant sur ce point,
Qu'avez-vous donc, dit-il, que vous ne mangez point i

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REMARQUES.

Saint Evremond, où M. Des Maizeaux parle des Cóteaux. La , bonne chère, dont on fe pi9, quoit à la Cour, fe diftinguoit moins par la fomptuofité & la magnificence, que par la délicateffe & la propreté. Tels êtoient les repas du Comman. deur de Souvré, du Comte d'Olonne, & de quelques autres ,, Seigneurs, qui tenoient ta,ble. Il y avoit entre eux une ,, espèce d'émulation, à qui feroit paroître un goût plus fin, & plus délicat. M. de Lavar. , din, Evêque du Mans & Cordon bleu, s'êtoit auffi mis fur , les rangs. Un jour que M. de Saint Evremond mangeoit chés lui, cet Evêque fe prit à le ,, railler fur fa délicatefle, & fur celle du Comte d'Olonne, & du Marquis de Bois-Dauphin. CES Meffieurs, dit ce Prélat, ,,outrent tout à force de vouloir ,, raffiner fur tout. Ils ne fauroient », manger que du veau de rivière ; il faut que leurs Perdrix viennent d'Auvergne, que leurs Lapins foient de la Roche-Guyon ou de Verfine. Ils ne font pas moins difficiles fur le Fruit: & pour le Vin,ils n'en fauroient boire des ,, trois Côteaux, d'Ai, d'Haut,, Villiers, & d'Avenay. M. de Saint-Evremond ne manqua pas

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que

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teaux. "

M. Des Maizeaux remarque dans le même endroit, que le Pere Bouhours, M. Ménage & M. Defpréaux fe font trompez fur l'origine du nom de Côteaux; & il

renvoïe à ce qu'on a dit làdeflus dans les Nouvelles de la République des Lettres, Août 1704. page 16. & fuiv. Voïez la vie de M. de Saint Evremond, fous l'année 1654. pages 39. & 40. de l'Edition d'Amfterdam 1726.

VERS III. En Lapins de garenne ériger nos clapiers. ] On appelle Clapiers, les Lapins domeftiques.

VERS 112. Et nos pigeons Canchois en fuperbes ramiers. ] Les Pigeons Cauchois, font de gros Pigeons: & ce mot de Cauchois eft venu de Normandie, à caufe que les Pigeons de Caux font plus gros que les autres. Canchois, veut dire, felon Ménage dans fon Dictionnaire Etymologique qui cft né au Païs de Caux.

Ramiers, Pigeons fauvages qui perchent fur les arbres; ce que les Pigeons domeftiques ne font pas,

Je vous trouve aujourdhui l'ame toute inquiette,
Et les morceaux entiers reftent fur votre affiette.
Aimez-vous la muscade ? On en a mis par-tout.
120 Ah! Monfieur, ces poulets font d'un merveilleux goût.
Ces pigeons font dodus, mangez fur ma parole.
J'aime à voir aux lapins cette chair blanche & molle.
Ma foy, tout eft paffable, il le faut confeffer;
Et Mignot aujourd'huy s'eft voulu furpaffer.
125 Quand on parle de fauce il faut qu'on y raffine.

Pour moi, j'aime fur tout que le poivre y domine.
J'en fuis fourni, Dieu sçait, & j'ai tout Pelletier
Roulé dans mon office en cornets de papier.

A tous ces beaux difcours, j'eftois comme une pierre, 130 ou comme la Statuë est au festin de Pierre ;

REMARQUES.

VERS 119. Aimez vous la mufcade? On en a mis par-tout. ] C'êtoit un goût hors de mode, & depuis long-tems on ne vouloit plus que la mufcade fe fit fentir dans les ragoûts.

V.ERS 122. J'aime à voir aux lapins cette chair blanche & molle.] Ce Perfonnage donne encore ici une preuve de fon mauvais goût: car les Lapins, pour être bons doivent avoir la chair ferme & de couleur un peu bize. Il n'y a que les Clapiers qui aient la chair blanche & molle.

VERS 126. J'aime fur tout que le poivre y domine. ] Le Commandeur de Souvré avoit le goût ufé par la bonne chère, & aimoit beaucoup le poivre, la mufcade & les épices les plus fortes.

VERS 127. J'ai tout Pelletier, &c. On a déja parlé de ce

Poëte, Difcours au Roi, vers (4. & Satire II. vers 76.

VERS 130. Ou comme la Statue eft au feflin de Pierre. ] Le Feflin de Pierre, Pièce de Théatre apportée en France par les Comédiens Italiens, eft originairement de Tirfo Molina, Poëte Efpagnol, qui l'a intitulée, El Combidado de piedra: ce qui a êté mal rendu en notre Langue, par le Feftin de Pierre. Ces paroles fignifient précisément, le Convié de pierre: c'eft-à-dire, la Statuë de marbre ou de pierre, conviée à un repas. Cependant l'ufage a prévalu. Ce qui peut y avoir donné lieu, c'eft que la Statue qui fe rend au fouper, auquel elle a êté invitée, eft la Statue d'un Commandeut nommé Dom Pedro. De-là eft venu fans doute le nom de Feftin de Pierre. Toutes les Troupes

Et fans dire un feul mot, j'avalois au hazard

Quelque aîle de poulet dont j'arrachois le lard.

Cependant mon Hableur, avec une voix haute,
Porte à mes Campagnards la fanté de

notre Hofte: 135 Qui tous deux pleins de joye, en jettant un grand cri, Avec un rouge-bord acceptent fon deffi.

Un fi galant exploit réveillant tout le monde,
On a porté par-tout des verres à la ronde,

Où les doigts des Laquais dans la crasse tracez,
140 Témoignoient par écrit qu'on les avoit rincez.
Quand un des Conviez, d'un ton mélancolique,
Lamentant triftement une chanfon bachique ;
Tous mes Sots à la fois, ravis de l'écouter,
Détonnant de concert, fe mettent à chanter.
145 La mufique fans doute eftoit rare & charmante :
L'un traîne en longs fredons une voix glapiffante,
Et l'autre l'appuiant de fon aigre faufset,
Semble un violon faux qui jure fous l'archet.

REMARQUES.

de Comédiens ont accommodé
cette Pièce à leur Théatre. De
Villiers, Comédien, l'a traitée
pour le Théatre de l'Hôtel de
Bourgogne. Molière la fit pa-
roître en 1665. fur le Théatre
du Palais Roïal, avec beaucoup
plus de régularité & d'agrémens.
Elle n'avoit encore êté jouée à
Paris que par les Italiens, dans
le tems que M. Defpréaux con-
pofa cette Satire. Dorimond fit
enfuite le Feftin de Pierre, & le
mit en Vers. Rofimond en fit en-
core un autre, qui fut répréfen-
té fur le Théatre du Marais en
1670. Enfin, Corneille le jeune

a tourné en Vers la Pièce de Mo◄ lière, en y faifant quelques legers changemens dans la difpolition. Elle commença à paroî tre au mois de Janvier 1677. & c'eft cette dernière qu'on jouë préfentement en France.

VERS 141. Quand un des con-
viez, d'un ton mélancolique.] M.
de la C.
Neveu de nôtre
Auteur, avoit la voix affés belle;
mais il chantoit toutes fortes
d'Airs, même les plus gais, d'un
ton fi trifte & fi mélancholique,
qu'on eût dit qu'il lamentoit au
lieu de chanter.

VERS 142, une Chanson
Sur

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