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Pendant que le Prôneur du libre Celibat, Luttant contre la mort fur fon trifte grabat, Confus, embaraffe d'un fi penible role 230 Voit l'œil à demy clos, jon valet qui le vole, Et fent quoy qu'abbattu de douleur d'ennuy, Qu'on tire impudemment fon drap de deffous luz. Si fon deftin permet qu'un ferviteur fidele Luy donne en ces momens des marques de fon zele, 439 Ses Amis font ailleurs, & pour comble de maux Son lit eft entouré d'afpres Collateraux,

Qui craignant que des legs ne gatent leur affaire Veillent à détourner Confeffeur & Notaire, Apprehendent toujours qu'un bol de Quinquina 450 En faisant fon effet ne le tire de là.

N'est-il pas vrai, mon fils, que cette feule image Des aimables douceurs d'un heureux mariage, Et furtout de l'horreur qui fuit le Celibat, Te trouble, te faifit, te confond & t'abat, 245 Que ton efprit émû de ce qu'il vient d'entendre, Des deux routes qu'il voit ne fait laquelle prendre? Je fçay qu'à mon avis tu viendras te ranger, Mais je te donne encor du temps pour y fonger.

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LETTRE

DE MONSIEUR

ARNA ULD,

DOCTEUR DE SORBONNE.

AM. PERRAUIT, au fujet de la dixième Satire de M. DESPRE AUX.

VOUS pouvez eftre furpris, MONSIEUR de ce

que j'ai tant differé à vous faire réponse, ayant vous remercier de vôtre prefent, & de la maniere honnefte dont vous me faite fouvenir de l'affection que vous m'avez toujours témoignée, vous & Meffieurs vos Freres, depuis que j'ai le bien de vous connoiftre. Je n'ai pû lire voftre Lettre fans m'y trouver obligé Mais pour vous parler franchement, la

REMARQUES.

Cette Lettre fut écrite au mois de Mai 1694. peu de tems avant la mort de M. Arnauld; & c'eft fon dernier Ouvrage. Il l'envoïa ouverte à un de fes Amis à Paris, afin qu'il la fît lire à M. Defpréaux ; cet Ami en garda une copie, avant que de la rendre à M. Perrault, BROSS.

1. J'ai mis le titre tel qu'il eft dans l'Edition de 1701. à la différence que M. Perrault n'eft qu'indiqué de cette manière : M. P**. Dans l'Edition de 1713.

on lit au titre: A M. P** an fujet de ma dixième Satire, Ce qui fe trouve dans les Editions faites depuis.

2°. La Lettre de M. Arnauld eft du s. Mai 1694. & dans le Recueil de fes Lettres ( Tom. VII. page 413.) elle eft la DCLXI.

3°. On ne peut pas dire que cette Lettre foit le dernier Ouvrage de M. Arnauld, puifqu'il en écrivit depuis deux au P. Malebranche fur des matières de Métaphyfique, l'une le 22. Mai

lecture que je fis enfuite de la Préface de votre Apo logie des Femmes, me jetta dans un grand embarras, & me fit trouver cette réponse plus difficile que je ne penfois. En voicy la raison.

Tout le monde fçait que Monfieur Defpreaux eft de mes meilleurs amis, & qu'il m'a rendu des témoignages d'eftime & d'amitié en toutes fortes de temps. Un de mes Amis m'avoit envoyé fa derniere Satire. Je témoignai à cet Ami la fatisfaction que j'en avois euë, & lui marquai en particulier; que ce que j'en eftimois le plus, par rapport à la Morale, c'eftoit la maniere fi ingenieufe, & fi vive dont il avoit repréfenté les mauvais effets que pouvoient produire dans les jeunes perfonnes les Opera, & les Romans. Mais comme je ne puis m'empêcher de parler

REMARQUES.

& l'autre le 25. Juillet, quatorze jours avant fa mort arrivée le 8. Août 1694.

4°. Cette Lettre à M. Perrault ne lui fut point rendue, & fit à M. Arnauld une véritable affaire avec la plufpart de fes Amis de Paris. Le détail en feroit affés curieux, mais on fent que je n'y puis pas entrer. Ceux qui voudront s'en inftruire peuvent lire dans le Tome VII. des Lettres de M. Arnauld, les DCLVII. DCLX. DCLXIV, DCLXVIII. DCLXXV. & DCLXXVIII.avec une Lettre de M. Dodart, qui ter. mine le Vol. p. 616. Elle eft da. tée du 6. Août 1694, & n'arriva dans le lieu de la retraite de M. Arnauld qu'après fa mort. S'il avoit pu la recevoir, elle l'auroit comblé de joie, en l'inftruifant de la reconciliation de M. Defpréaux & de M. Perrault, qu'il fouhaitoit paffionnément, & pour laquelle beaucoup d'honnêtes gens s'entremettoient,

Ce fut M. Racine, qui les raccommoda dans les premiers jours du mois d'Août. Jufqueslà,comine on l'apprend par cette Lettre de M. Dodart, M. Perrault favoit feulement que M. Arnauld avoit écrit quelque chofe au fujet de la Préface de l'Apologie des Femmes, mais il n'en avoit encore rien vu. M. Racine, qu'il questionna fur ce fujet, ne le mit point au fait, & ne lui die que des généralités. Je ne dois pas oublier d'avertir d'une erreur de chifre qui fe trouve dans la Remarque 1. fur la Lettre de M. Delpréaux à M. Perrault Tome III. p. 368. On y lit: il eft certain que M. DESPRE AUX & M. PERRAULT êtoient reconciliés dès 1696. Il faut 1694. Je n'en ai parlé que d'après la Lettre de M. Dodart.

<. Avant la reconciliation de ces deux célèbres Adverfai res l'Ami , que M. Arnauld avoit chargé de fa Lestre, & qui

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à cœur ouvert à mes Amis, je ne lui diffimulai pas que j'aurois souhaité qu'il n'y eût point parlé (1) de l'Auteur de Saint Paulin. Cela a efté écrit avant que j'euffe rien fceu de l'Apologie des Femmes, que je n'ai receuë qu'un mois aprés. J'ay fort approuvé ce que vous y dites en faveur des peres & des meres qui portent leurs enfans à embraffer l'état du mariage par des motifs honneftes & chrétiens, & j'y ai trouvé beacoup de douceur & d'agrément dans les Vers.

Mais ayant rencontré dans la Préface diverfes chofes que je ne pouvois approuver fans bleffer ma confcience, cela me jetta dans l'inquietude de ce que j'avois à faire. Enfin, je me fuis déterminé à vous marquer à vous-mefme quatre ou cinq points qui m'y ont fait le

REMARQUES.

ne crofoit pas devoir la rendre à M. Perrault, n'avoit pas fait difficulté d'en donner une Copie à M. Defpréaux. Efpèce d'infidélité, que M. Arnauld défap prouva hautement.

6. Plufieurs des Amis du Docteur trouvoient mauvais qu'il eût écrit fur les matières, qui font l'objet de la Préface de l'Apologie des Femmes. Comme c'eft une objection que l'on a depuis oppofée plufieurs fois à la Lettre de M. Arnauld, je crois qu'il eft de l'équité de rapporter ce qu'il écrivit fur ce fujet pour fa défenfe dans la Lettre DCLXXV. Je n'ai point encore parlé du principal de vôtre Lettre (y dit-il à M. DoDART), qui eft qu'il y va de mon bonneur qu'on ne voie point celle que j'ai écrite à M. Perrault. C'est de quoi, Monfieur, je ne faurois demeurer d'accord. Car qu'il me convienne ou non de juger des Cuarages de deux Poëtes, ce n'eft pas de quoi il s'agit. La Préface de Apologie des Femmes, qui eft

le fujet de ma Lettre, n'eft point une Pièce de Poefie, & quand c'en feroit une, je n'en aurois pas moins de droit comme Théologien, & même comme Chretien, de répréfenter à l'Auteur qu'il a eu très-grand tort de blåmer ce qui eft dans la X. Satire contre les Opera & contre les Romans, & de reprocher à M. Defpréaux de s'être cru permis, à l'exemple d'Horace & de Juvenal, de parler contre le Mariage d'une manière fcandaleufe, & en des termes qui bleffent la pudeur, ce qui eft une outrageuse calomnie, Enfin je ne vois rien dans ma Lettre, qui foit indigne de moi, fur quoi on me puiffe faire des affaires, fi ce n'eft fort mal à propos.

(1) de l'Auteur de Saint Pau lin.] Dans la première Edition de la Satire X. l'Auteur avoit mis quatorze Vers contre M. Perrault, Auteur du Poëme de S. Paulin. Ces Vers ont êté retranchés dans les Editions fuivantes. Voïés la Remarque fur le Vers 459. de la X, Satire.BROSs.

plus de peine, dans l'efperance que vous ne trouveriez pas mauvais que j'agiffe à votre égard avec cette naïve & cordiale fincerité, que les Chrétiens doivent pratiquer envers leurs Amis.

La premiere chofe que je n'ai pû approuver, c'eft que vous ayez attribué à votre adverfaire cette propofition generale: Que l'on ne peut manquer en fuivant l'exemple des Anciens ; & que vous ayez conclû; que parce qu'Horace & Juvenal ont declamé contre les Femmes d'une maniere fcandaleufe, il avoit pensé qu'il etoit en droit de faire la même chofe. Vous l'accufez donc d'avoir déclamé contre les Femmes d'une maniere fcandaleufe, & en des termes qui bleffent la pudeur, & de s'eftre crû en droit de le faire à l'exemple d'Horace & de Juvenal. Mais bien loin de cela, il declare pofitivement le contraire. Car aprés avoir dit dans fa Préface, qu'il n'apprehende pas que les Femmes s'offenfent de fa Satire, il ajoute, qu'une chose au moins dont il eft certain qu'elle loueront, c'est d'avoir trouvé moyen dans une matiére auffi délicate que celle qu'il y traitoit, de ne pas laiffer échapper un feul mot qui put bleffer le moins du monde la pudeur. C'eft ce que vous-même, MONSIEUR, avez rapporté de lui dans votre Préface; & ce que vous prétendez avoir refuté par ces paroles: Quelle erreur! Eft-ce que des Heros à voix luxurieufe, des Morales lubriques, des rendez-vous chez la Cornu, les plaifirs de l'Enfer qu'on goûte en Paradis, peuvent fe prefenter à l'efprit, fans y faire des images dont la pudeur eft offenfée?

Je vous avoue MONSIEUR, que j'ai efté extrê mement furpris de vous voir foûtenir une accufation de cette nature contre l'Auteur de la Satire avec fi peu de fondement. Car il n'eft point vray que les termes que vous rapportez foient des termes deshonnêtes, & qui bleffent la pudeur : & la raifon que vous en donnez ne le prouve point. S'il eftoit vrai que la pudeur fuft offensée de tous les termes qui peuvent pre

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