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Et chez le Chappellier du coin de noftre place Autour d'un Caudebec j'en ai lû la Préface. L'autre jour fur un mot la Cour vous condamna. 60 Le bruit court qu'avant-hier on vous assassina. Un Ecrit fcandaleux fous voftre nom fe donne. D'un Pafquin, qu'on a fait, au Louvre on vous foupçonne. Moi ? Vous. On nous l'a dit dans le Palais Royal. Douze ans font écoulés, depuis le jour fatal,

REMARQUES.

M. Broffette, qu'on vient de cortiger ici. C'est ce que l'on pouyoit faire aifément, en jettant les feux fur une des Editions de Hollande. On dit dans la même Note, que Le Triomphe de Pradon mourut en naiffant, auffi-bien que Le Satirique berné. Ce tour femble annoncer que ce dernier Ouvrage foit de Pradon. On ne le connoît plus aujourd'hui. Il falloit s'expliquer plus claire

ment.

VERS 8. Autour d'un Caudebec. ] Sorte de chapeaux de laihe, qui fe font à Caudebec en Normandie. DESP.

CHANG. Ibid. Autour d'un Cau. debec.] Nôtre Auteur avoit mis dans toutes les Editions: A l'entour d'un Caftor. Mais à l'entour n'eft pas Prépofition. Il eft Adverbe, & par conféquent il n'a point de régime & fe dit abfolument. C'est ce qui lui fit mettre ici: Autour d'un Caudebec, dans fa dernière Edition de 1701.

Ibid. j'en ai lû la Préfa. ce.] C'eft celle que Pradon avoit fait imprimer à la tête de fa Tragédie de Phédre, au mois de Mars 1677. Cette Préface eft toute contre M. Defpréaux & M. Racine,

VERS 60. Le bruit court qu'avant

hier on vous affaffina. ] L'Abbé Tallemant l'aîné avoit fait courir ce faux bruit. Voïés Ep. VII. Vers 90. Pradon avoit dit, à la Table de M. Pellot, Premier Préfident de Rouen, que M. Despréaux avoit reçu des coups de bâton.

Nôtre Poëte fait bier d'une fillabe dans Avant-hier, quoiqu'il l'ait fait de deux fillabes dans le Vers 2. Hier, dit-on, de vous, &c. C'eft, difoit-il, parce que le mot, bier, ne feroit pas alfés foutenu, fi on ne le faifoit que d'une fillabe, quand eft feul; au lieu que joint avec avant dans Avant-hier, il eft affés foutenu. BROSS.

Ajoutons qu'effectivement dans la prononciation ordinai. re, hier, feul fait deux fillabes, & n'en fait qu'une dans Avant-hier.

VERS 61. Un Ecrit fcandaleux fous votre nom fe donne. ] On attribuoit à l'Auteur un Sonnet fatirique contre le Duc de Nevers. Voïés l'Avertissement fur l'Epitre VII.

VERS 63. -On nous l'a dit dans le Palais Royal.]Allusion aux Nouvelliftes, qui s'affemblent dans le jardin de ce Palais. DESP.

VERS 64. Douze ans font écon lés, &c.] La première Edition

65 Qu'un Libraire imprimant les effais de ma plume, Donna, pour mon malheur, un trop heureux volume. Toûjours, depuis ce temps en proye aux fots discours, Contre eux la verité m'eft un foible fecours.

Vient-il de la Province une Satire fade, 70 D'un Plaifant du païs infipide boutade;

REMARQUES,

des Satires fut faite au mois de Mars 1666. Aini la douziéme année couroit en 1677.

IMIT. Ibid. & Vers fuivans. Douze ans font écoulés depuis le jour fatal, &c. Toujours depuis ce temps en proye aux fots difcours, &c.]

Horace fe plaignoit auffi de ce que l'amitié dont Mecéne Phonnoroit depuis près de huit ans. l'avoit expofé aux traits des envieux. Liv. II. Sat, VII. Vers 40. 41. 42. & 47.

Septimus octavo propior jam fugerit annus
Ex quo Mecenas me cepit habere fuorum

In numero

Per totum hoc tempus fubjectior in diem & horam
Invidia.

VERS 69. Vient-il de la Pro-
vince une Satire fade, &c. ] Dans
les Editions contrefaites des
Oeuvres de M. Despréaux les
Libraires ont inféré quantité de
méchantes Satires dont il n'eft
point l'Auteur, & qui font in-
dignes de lui. Telles font les
Satires contre le Mariage, contre
les Maltêtes Eccléfiaftiques; con-
tre les Directeurs, contre les Ab-
bés & plufieurs autres Pièces
de la même force. Quelque re-
marquable que foit la différen-
ce de ces Satires à celles de nôtre
Auteur, bien des gens qui n'a-
voient pas le difcernement aflés
jufte, ou qui n'en avoient point
du tout,ne laiffoient pas de les lui
attribuer. Il s'eft vu même ex-
pofé plus d'une fois au très-fen-
fible déplaifir de s'entendre loüer,
principalement fur ces Ouvra-
ges fuppofés, & par des gens,

qui ne lui difoient pas un mot de fes véritables Ouvrages. Lorfqu'il êtoit à Bourbon, un Capucin le télicita fur la Satire contre le Mariage, dont il lui récita les premiers Vers. M. Defpréaux fit de vains efforts pour perfuader à ce Connoiffeur, qu'il n'êtoit pas l'Auteur de cette pitoïable Pièce. Le Capucin n'en voulut rien croire, & fe mit à louer la modeftie avec laquelle M. Defpréaux refufoit l'honneur, qui lui revenoit d'un autli bel Ouvrage. Une autre fois je fus témoins d'une fcéne à peu près pareille. Un Provincial, qui fe difoit Neveu de feu M. Fourcroi, célèbre Avocat, vint voir nôtre Poëte, fous prétexte de le confulter fur une petite difficulté de Grammaire. Enfuite il s'avifa de parler des beaux Ouvrages de M. Despréaux, & fur-tout de fa

Pour la faire courir, on dit qu'elle eft de moi :
Et le fot Campagnard le croit de bonne foi.
J'ai beau prendre à témoin & la Cour & la Ville.
Non; à d'autres, dit-il; on connoist vostre stile.
75 Combien de temps ces vers vous ont-il bien coufté?
Ils ne font point de moi, Monfieur en verité.
Peut-on m'attribuer ces fottifes étranges?

Ah! Monfieur, vos mépris vous fervent de louanges,
Ainfi de cent chagrins dans Paris accablé,
80 Juge fi toûjours trifte, interrompu, troublé,
Lamoignon, j'ai le temps de courtifer les Mufes.
Le monde cependant fe rit de mes excuses,
Croit que pour m'inspirer fur chaque evenement,
Apollon doit venir au premier mandement.

85 Un bruit court que le Roy va tout reduire en poudre, Et dans Valencienne eft entré comme un foudre;

REMARQUES.

Satire contre les Gens d'Eglife. Il fe récria beaucoup fur ces gens de Mitre de Croffes, qui font rouler de fuperbes Caroffes. Il alloit continuer à citer les beaux traits qu'il avoit retenus, quand M. Defpréaux, indigné d'un Juge

ment & faux, lui dit avec un fou-
rire amer: Je vois bien que vous në
connoifes pas encore mes Ouvrages;
mais je veux vous apprendre à les
connoître , par ces vers que j'ai
faits contre ceux qui en jugent auffi
mal que vous.

Vient-il de la Province une Satire fade,
D'un Plaifant du pais infipide boutade:
Pour la faire courir on dit qu'elle eft de moi:
Et le fot Campagnard le croit de bonne foi.

En prononçant ce dernier Vers,
il jetta fur cet homme un regard
fier & méprifant, & le congé-
dia. BROSS.

VERS 78. Ah! Monfieur, vos mépris vous fervent de louanges. ] Le bon mot exprimé dans ce Vers eft un de ceux dont nôtre Auteur lui-même dit Ep. X. Vers

12. qu'ils font devenus Proverbes en naifant.

VERS 86. Et dans Valencienne, &c.] Le Roi aïant fait inveftir Valencienne au commencement de Mars 1677. cette Ville, après quelques jours de fiége, fut emportée d'affaut en moins d'une demie-heure. Les François en

Que Cambray, des François l'épouvantable écueil,
A veu tomber enfin ses murs & son orgueil :
Que devant Saint-Omer, Naffau, par fa défaite,
90 De Philippe vainqueur rend la gloire complete.
Dieu fçait comme les vers chés vous s'en vont couler,
Dit d'abord un Ami qui veut me cageoler,

Et dans ce temps guerrier, & fecond en Achilles,

Croit que l'on fait les vers, comme l'on prend les villes. 95 Mais moi, dont le genie eft mort en ce moment, Je ne fçai que repondre à ce vain compliment: Et juftement confus de mon peu d'abondance, Je me fais un chagrin du bonheur de la France.

REMARQUES.

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Caffel. Au bruit de fa marche, Monfieur laiffa des Troupes de vant la Place; & marcha pour combattre l'Armée ennemie. Malgré le défavantage du nom. bre & du lieu, ce Prince remporta une victoire complette le Dimanche des Rameaux 11. d'Avril 1677. & mit en fuite le Prince d'Orange avec les troupes. Après la Victoire de Caffel, il rentra dans les Lignes pour continuer le fiége de Saint-Omer qui capitula le 20. du même mois.

L'Auteur m'a fait remarquer, que dans les quatre Vers précédens, qui parlent des Conquêtes du Roi, il avoit emploïé tout ce que la Poëfie a de plus grand, & de plus magnifique. Mais que voulant enfuite parler dans ces deux derniers Vers des exploits de Monfieur, il avoit pris un ton moins haut, pour éviter de mettre ce Prince en parallèle avec le Roi. BROSS.

Qu'heureux eft le Mortel, qui du monde ignoré,

Too Vit content de foi-mesme en un coin retiré !

Que l'amour de ce rien, qu'on nomme Renommée,
N'a jamais enyvré d'une vaine fumée,

Qui de fa liberté forme tout fon plaifir,

Et ne rend qu'à lui feul compte de fon loisir ! 105 Il n'a point à souffrir d'affronts ni d'injustices, Et du peuple inconftant il brave les caprices. Mais nous autres faifeurs de livres & d'écrits, Sur les bords du Permeffe aux louanges nourris, Nous ne sçaurions brifer nos fers, & nos entraves ;. 110 Du Lecteur dedaigneux honnorables esclaves. Du rang où noftre efprit une fois s'eft fait voir, Sans un fâcheux éclat nous ne fçaurions déchoir. Le Public enrichi du tribut de nos veilles, Croit qu'on doit ajoûter merveilles fur merveilles, Au comble parvenus il veut que nous croiffions: Il veut en vieilliffant que nous rajeunissions. Cependant tout décroift, & moi-mefme à qui l'âge D'aucune ride encor n'a flétri le vifage,

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REMARQUES.

VERS 99. Qu'heureux eft le Mortel, &c.] Ange Politien fait le

même fouhait dans le Poëme, in titulé: Raflicus, Vers 17.

Felix ille animi, Divifque fimillimus ipfis,
Quem non mendaci refplendens gloria fuco
Sollicitat, non fafiofi mala gaudia luxus;
Sed tacitos finit ire dies, & paupere cultu
Exigit innocua tranquilla filentia vita.
VERS 116. Il vent en vieillissant Vers.
que nous rajeuniffions.]C'eft pour fe
plaindre de cette injuftice, qu'il
a compofé l'Epitre X. à fes

VERS 117.Et moi-meme à qui l'âge, &c. ] Il êtoit dans fa quarante-uniéme année,

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