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La vigne offroit par tout des grappes toûjours pleines,
Et des ruiffeaux de lait ferpentoient dans les plaines.
Mais dés ce jour Adam déchû de son état,
D'un tribut de douleurs paya fon attentat.
65 Il fallut qu'au travail son corps rendu docile,
Forçaft la terre avare à devenir fertile.

Le chardon importun heriffa les guerets;
Le ferpent venimeux rampa dans les forests:
La canicule en feu defola les campagnes :
70 L'Aquilon en fureur gronda fur les montagnes.
Alors pour fe couvrir durant l'âpre faifon,

Il fallut aux brebis dérober leur toifon.

La Peste en mesme temps, la Guerre & la Famine
Des malheureux Humains jurerent la ruine :
75 Mais aucun de ces maux n'égala les rigueurs
Que la mauvaise honte exerça dans les cœurs.
De ce nid à l'inftant fortirent tous les vices.
L'Avare des premiers en proye à fes caprices,
Dans un infame gain mettant l'honnesteté,
30 Pour toute honte alors compta la pauvreté.

REMARQUES.

Cette Figure eft femblable à l'hé
rétique douleur, du douziéme
Vers; & au lit effronté de la Sa-
tire X. Vers 345. BROSSETTE.

Ce n'eft affurément pas de
l'Auteur que M. Broffette tient
cette réflexion fi fauffe: Héréti-
que, Effronté font des Adjectifs,
dont le fens eft paffif, qui con-
viennent aux perfonnes, & que
l'Auteur a tranfportés aux cho-
fes. Le fens de pénible eft actif,

il ne convient qu'aux chofes, & il eft emploïé ici dans fa fignification naturelle.

VERS 80. Pour toute honte alors compta la pauvreté. ] M. CharlesMaurice Le Tellier, Archevêque de Rheims, mort fubitement Paris le 22. de Février 1710. dans fa foixante-neuviéme année, êtoit un Prélat très-recommandable par l'étendue de fes lumiéres, par fon amour pour la

L'Honneur & la Vertu n'oferent plus paroiftre.
La Piété chercha les deserts & le Cloiftre.
Depuis on n'a point vû de cœur fi détaché,
Qui par quelque lien ne tinft à ce peché.

85 Trifte & funefte effet du premier de nos crimes!
Moi-mefme, Arnauld, ici, qui te prêche en ces rimes
Plus qu'aucun des Mortels par la honte abattu,
En vain j'arme contre elle une foible vertu.
Ainfi toûjours douteux, chancelant & volage,
90 A peine du limon, où le vice m'engage,

J'arrache un pié timide, & fors en m'agitant,
Que l'autre m'y reporte, & s'embourbe à l'inftant.
Car fi, comme aujourd'hui, quelque rayon de zele
Allume dans mon cœur une clarté nouvelle,

95 Soudain aux yeux d'autrui s'il faut la confirmer,
D'un gefte, d'un regard je me fens alarmer ;

REMARQUES.

faine Doctrine, & par fon zèle pour le maintien de la Difcipline Eccléfiaftique. Mais tout le monde fait qu'il avoit pris le carac. tère exprimé dans ce Vers. Il ne faifoit cas d'un homme qu'à proportion du bien qu'il avoit. Selon lui, le plus grand mérite

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confiftoit dans les richefles. C'eft auffi lui qui difoit, qu'il ne concevoit pas comment on pouvoit vivre fans avoir cent mille écus de rente. V. Boleana, n. LXVI.

IMIT. Vers 90. A peine du limon, où le vice m'engage. ] HoRACE, Liv. II. Sat. VII. Vers 37.

Nequicquam ceno cupiens evellere plantam.

VERS 92. Que l'autre m'y reporte, & s'embourbe à l'inflant. ]

A peine du limon où le

L'Auteur avoit ainfi exprimé fa pensée :

Vice m'engage.

J'arrache un pié timide, . . . . . .

Que l'autre m'y reporte, & s'embourbe à l'inftant.

La difficulté êtoit d'achever le fecond Vers. Il confulta M

Et mefme fur ces vers que je te viens d'écrire,

Je tremble en ce moment de ce que

l'on va

REMARQUES.

Racine qui trouva la chofe très difficile. Cependant M. Defpréaux lui dit le lendemain la fin du Vers: & Jors en m'a

dire.

gitant. Cette fin eft d'autant plus belle, qu'elle fait une image, qui n'eft pas dans le Vers d'Horace :

Nequicquam cano cupiens ovellere plantam.

AVERTISSEMENT

SUR

L'EPISTRE IV.

JE ne fçai fi les rangs de ceux qui passèrent le

Rhin à la nage devant Tolhuys, font fort exactement gardés dans le Poëme que je donne au Public; & je n'en voudrois pas être ga rant: parce que franchement je n'y eftois pas, & que je n'en fuis encore que fort mediocrement inftruit. Je viens mefme d'apprendre en ce moment que (1) M. de Soubize, dont je ne parle point, eft (2) un de ceux qui s'y eft le plus fignalé. Je m'imagine qu'il en eft ainfi

REMARQUES.

(1) M. de Soubize. ] FRANÇOIS DE ROHAN Prince de Soubile, traverfa le Rhin à la nage à la tête des Gendarmes de la Garde. dont il êtoit Capitaine Lieutenant. Il êtoit le fecond fils d'Hercule de Rohan, Duc de Monthazon & Gouverneur de Paris & de l'Ile de France, & de Marie de Fretagne Vertus. Il a êté Lieutenant Général des Armées du Roi, & Gouverneur & Lieutenant Général pour Sa Majefté, de la Province de Ber

ri, puis de celle de Champagne & Brie. Il mourut le 24. Août 1712. dans fa quatre-vingt & uniéme année. M. le Duc de Ro ban (HERCULE MERIADEC DE ROHAN-SOUBISE) & M. le Cardinal de Roban, font fes Fils.

(2) eft un de ceux qui s'y est le plus fignalé. ] Il eut êté plus correct de dire: un de ceux qui s'y font fignalés. BROSSETTE,

Sans contredit, la Syntaxe le veut. Mais l'autre manière eft autorifée par un ufage commun.

de beaucoup d'autres, & j'efpère de (3) leur faire juftice dans une autre édition. Tout ce que je fçai, c'eft que ceux dont je fais mention ont paffé des premiers. Je ne me declare donc caution que de l'Hiftoire du Fleuve en colere, que j'ai apprife d'une de fes Naïades, qui s'eft refugiée dans la Seine. J'aurois bien pû auffi parler de la fameufe rencontre qui fuivit le paflage: mais je la réferve pour un Poëme à part. C'eft la que j'efpère rendre aux mânes de (4) M. de Longueville l'honneur que tous les Ecrivains lui doivent, & que je peindrai cette Victoire qui fut arrofée du plus illuftre Sang de l'Univers. Mais il faut un peu reprendre haleine pour cela.

auroit

VOILA ce que M. Defpréaux avoit mis à la tête de la première Edition de l'Epitre IV. pour parer aux reproches de n'avoir pas dit tout ce qu'il dire, & de n'avoir pas nommé tous ceux qui s'étoient fignalés au Paffage du Rhin. Onignore s'il avoit réellement conçu le deffein du Poëme. qu'il annonce dans cet Avis. Il n'en dit rien en

pu

REMARQUES.

"

(3) leur faire juftice. ] C'est une faute contre la propriété du Langage Faire jullice ne fe prend qu'en mauvaise part, & fignifie toûjours, punir quelqu'un d'un crime ou d'une faute, & la phrafe eft: Faire justice de quel qu'un, Mais rendre juftice à quel

qu'un, n'eft fufceptible que d'un fens favorable; & fignifie toû jours, réparer le tort qui a été fait à quelqu'un.

(4) M. de Longueville,] CHAR. LES-PARIS D'ORLEANS, Duc de Longueville & d'Ellouteville, Piince Souverain de Neufchâtel, fut

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