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Secretaire Général de la Marine, & des Commandemens de Monfeigneur le Comte de Toulouse.

OUI, l'Honneur, Valincour, eft cheri dans le monde :
Chacun pour l'exalter en paroles abonde;

A s'en voir revêtu chacun met fon bonheur ;
Et tout crie ici-bas l'Honneur! vive l'Honneur !

REMARQUES.

VERS 1. Oui, l'Honneur, ValinCour, &c.] J. B. Henri Du TroufJet de Valincour, Confeiller du Roi en fes Confeils Secretaire Général de la Marine, & des Commandemens de M. le Comte de Toulouse, êtoit lié d'une étroi

te amitié avec M. Defpréaux. Il êtoit de l'Académie de la Crufca de Florence, & fut reçu en 1699. à l'Académie Françoise à la place de M. Racine. Il mou. rut le 5. Janyier 1730. ED. P. 1735.

5 Entendons difcourir fur les bancs des Galeres, Ce Forçat abhorré, mefme de fes Confreres; Il plaint, par un Arreft injuftement donné, L'Honneur en fa perfonne à ramer condamné. En un mot, parcourons & la Mer & la Terre : Io Inrerrogeons Marchands, Financiers, Gens de guerre, Courtisans, Magistrats; chez Eux, fi je les croi, L'Intereft ne peut rien, l'Honneur feul fait la loi,

Cependant, lors qu'au yeux leur portant la lanterne, J'examine au grand jour l'efprit qui les gouverne, 15 Je n'aperçois par tout que folle Ambition, Foibleffe, Iniquité, Fourbe, Corruption; Que ridicule Orgueil de foi-mefme idolâtre. Le Monde, à mon avis, eft comme un grand Theâtre Ou chacun en public l'un par l'autre abusé,

20 Souvent à ce qu'il eft joue un rôle oppofé.

Tous les jours on y voit, orné d'un faux visage,
Impudemment le Fou reprefenter le Sage,
L'Ignorant s'eriger en Sçavant faftueux,
Et le plus vil Faquin trancher du Vertueux.
25 Mais, quelque fol efpoir dont leur orgueil les berce :
Bien-toft on les connoift, & la Verité perce.

REMARQUES.

VERS . Entendons difcourir fur les bancs des Galeres, &c.] Allufion à une action mémorable du Duc d'Offone, Viceroi de Sicile & de Naples. Ce Seigneur êtant un jour à Naples, & vifitant les Galères du Port, eut la curiofité d'interroger les Forçats; mais ils fe trouvèrent tous innocens, à l'exception d'un feul, qui avoua de bonne foi, que fi on

lui avoit fait juftice, il auroit êté pendu. Qu'on m'ôte d'ici ce coquin-là, dit le Duc en lui donnant la liberté; il gáteroit tous ces honnêtes-gens.

VERS 13.

lors qu'aux yeux leur portant la lanterne. ] Allufion au mot de Diogene le Cynique, qui portoit une lanterne en plein jour, & qui difoit qu'il cherchoit un homme. DE SP.

On a beau fe farder aux yeux de l'Univers, A la fin fur quelqu'un de nos vices couverts Le Public malin jette un œil inévitable; 30 Et bien-toft la Cenfure, au regard formidable, Sçait, le crayon en main, marquer nos endroits faux, Et nous développer avec tous nos defaux.

Du Menfonge toûjours le Vray demeure maistre. Pour paroiftre honneste Homme en un mot il faut l'estre; 35 Et jamais, quoi qu'il faffe, un Mortel ici-bas

Ne

peut aux yeux du Monde eftre ce qu'il n'est pas. En vain ce Misanthrope, aux yeux triftes & fombres : Veut par un air riant en éclaircir les ombres : Le Ris fur fon visage eft en mauvaise humeur ; 40 L'agrément fuit fes traits, fes careffes font peur; Ses mots les plus flateurs paroiffent des rudesses, Et la Vanité brille en toutes fes baffeffes. Le Naturel toûjours fort, & fçait se montrer. Vainement on l'arrefte, on le force à

rentrer >

REMARQUES.

CHANG. Vers 30. la Cenfure, au regard formidable. ] Première manière ? La Cenfure Epagneule admirable. Seconde manière: Au regard admirable.

VERS 37. En vain ce Mifanthrope, &c.] L'Auteur, en récitant, difoit toûjours: En vain ce faux Caton.

VERS 39. Le Ris fur fon visage
eft en mauvaife humeur.] Un jour
à Bâville, M. le Premier Préfi-

Naturam expellas furcâ;
Et mala perrumpet furtim
LA FONTAINE a paraphrafé ces

dent de Lamoignon pria l'Auteur de réciter la Satire à fon Efprit à un grand Seigneur très-cauftique, qui, l'aïant écoutée d'un air froid, lui dit très-sèchement Voilà de beaux Vers. C'est ce même Seigneur que l'Auteur peint ici. Voïés le Bolaana.

IMIT. Vers 43. Le Naturel
toûjours fort, & fait le montrer. ]
HORACE, Livre I. Epitre X.
Vers 24.

tamen ufque recurret
fallidia victrix.
Vers, Livre 2. Fable 18.

45 Il romp tout, perce tout, & trouve enfin passage.
Mais loin de mon projet je fens que je m'engage,
Revenons de ce pas à mon texte égaré.

L'Honneur par tout, difois-je, eft du monde admiré.
Mais l'Honneur en effet qu'il faut que l'on admire,
50 Quel eft-il, Valincour? pourras-tu me le dire !
L'Ambitieux le met fouvent à tout brûler ;:
L'Avare à voir chez luy le Pactôle rouler;
Un faux Brave à vanter fa proüeffe frivole;
Un vrai Fourbe à jamais ne garder fa parole;
55 Ce Poëte à noircir d'infipides papiers :

Ce Marquis à fçavoir frauder fes Creanciers ;
Un Libertin à rompre & jeûnes & Carêmes,
Un Fou perdu d'honneur à braver l'Honneur mesme.
L'un d'Eux a-t'il raifon ? Qui pourroit le penfer?
60 Qu'est ce donc que l'Honneur que tout doit embrasser
Eft-ce de voir, dis-moy, vanter noftre éloquence,
D'exceller en courage, en adreffe, en prudence,
De voir à noftre aspect tout trembler fous les Cieux
De poffeder enfin mille dons precieux?

65 Mais avec tous ces dons de l'efprit & de l'ame,
Un Roy mefme souvent peut n'eftre qu'un infâme,
Qu'un Herode, un Tibere effroyable à nommer.
Où donc eft cet Honneur qui feul doit nous charmer?

REMARQUES.

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VERS (2.le Pactôle, &c.] Fleuve de Lydie, où l'on trouve de l'or ainfi que dans plufieurs

autres Fleuves. DE SP.

CHANG. Vers 55. Ce Poëte à voircir d'infipides papiers. ] Nô

tre Auteur difoit quelquefois en récitant: Linière à barbouil ler d'infipides papiers. BROSSETTE.

Cela n'êtoit pas exact, l'Auteur n'aïant point mis d'autres Noms propres dans fon énumération.

Quoi qu'en fes beaux difcours Saint Evremond nous prône, 70 Aujourd'huy j'en croirai Seneque avant Petrône.

REMARQUES.

VERS 69. Quoi qu'en fes beaux difcours Saint Evremond, &c.] S. Euremond a fait une Differta tion, dans laquelle il donne la preference à Petrône fur Seneque.

DES P.

Morale êtoit une Morale de Cour, d'autant plus dangereufe qu'il avoit l'art de la faire paffer par une ingénieufe délicatesse. BROSSETTE.

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2

M. Du Monteil dans une Note critique fur cette Remarque, qu'il trouve longue reproche d'abord à M. Broffette, d'avoir fupprimé la petite Note de l'Auteur. La préférence, dit-il enfuite, ,, que M. de S. Evremond donne à Petrone fur Sénèque, ne regarde pas le le vrai & le faux Honneur qui eft le fujet de cette Satire ; ainfi M. Def préaux eft forti de fon fujet, ,, pour faire entrer ici M. de S.

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Evremond. Son Commentateur ,, ne l'a pas fenti & n'en a pas

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L'Auteur oppofe ici la Morale
auftère de Sénèque à la Morale li-
centienfe de Pétrone, pour con-
damner un fentiment déraifon-
nable de S. Evremond, qui, dans
fon Jugement fur Sénèque, Plutarque
&Pétrone, débute ainfi : Je com-
mencerai par Sénèque, & vous di-
rai avec la dernière impudence, que
j'eflime beaucoup plus fa Perfonne
que fes Ouvrages. J'eflime le Pré-
cepteur de Néron, l'Amant d'A-
grippine, un ambitieux qui pré-
tendoit à l'Empire du Philofo-
phe & de l'Ecrivain, je n'en fais
pas grand cas. Au contraire, les
loiianges,que S. Eremond donne
aux fentimens délicats, au luxe
poli, & aux voluptés étudiées
de Pétrone, qu'il appelle un des
plus honnêtes hommes du monde
font bien juger qu'il a regardé
ce fameux Epicurien comme fon
Héros en fait de Morale. Voïés
fes Réf. fur la Doctrine d'Epicure.
Nôtre Auteur regardoit M. de
S. Euremond comme un homme,
qui avoit toûjours fait profeffion
d'une Philofophie profane &
voluptueufe, dont les maximes
ne feroient autorifées qu'à peine
dans la licence du Paganifme. Sa
Quoi qu'en fes beaux difcours Saint Euremond nous prône,
Aujourd'huy j'en croirai Seneque avant Petrone ;

S'il eft vrai que les Principes de
celui-ci font moins conformes à
la faine Morale que ceux de celui-
jà. M. Broffette n'a donc pas tort

fçu la raifon,,. Fauffe Critique. 1°. C'eft mal connoître le génie de la Satire, & n'être guère verfé dans la lecture des Poëtes, qui fe font adonnés à ce genre de Poëme , que de s'imaginer qu'on doive dans une Satire traiter didactiquement un fujet, & que l'on en choififfe un pour autre chofe, que pour y ramener les différens objets, fur lefquels on a des traits fatiriques à lancer. 20. M. Defpréaux, aïant à parler d'un point de Morale très important & devant s'attacher aux Principes les plus exacts, a pu dire fans fortir de fon fujer:

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de n'avoir pas fenti ce qui n'eft pas. Il eft inutile, après cela, de nous citer La Vie de M. de Saint Evremond par M. Des-Mai

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