Page images
PDF
EPUB

Et des Couvreurs grimpez au toit d'une maison,
En font pleuvoir l'ardoise & la tuile à foison.
Là fur une charrette une poutre branlante
Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente:
45 Six chevaux attelez à ce fardeau pefant,

[ocr errors]

Ont peine à l'émouvoir fur le pavé glissant:
D'un carroffe en tournant il accroche une rouë,
Et du choc le renverse en un grand tas de bouë.
Quand un autre à l'inftant s'efforçant de paffer,
Dans le mefme embarras fe vient embarrasser.
Vingt caroffes bien-toft arrivant à la file,

Y font en moins de rien fuivis de plus de mille:
Et pour furcroift de maux, un fort malencontreux
Conduit en cette endroit un grand troupeau de bœufs,
Chacun pretend paffer: l'un mugit, l'autre jure:
Des mulets en fonnant augmentent le murmure,
Auffi-toft cent chevaux dans la foule appellez,
De l'embarras qui croift ferment les défilez,

REMARQUES.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Sarraco veniente, abies, atque altera pinum
Plauftra vehunt, nulant altè, populóque minantur.

HORACE, dit, parlant des mêmes embarras, Liv. II. Ep. II. v. 734
Torquet nunc lapidem, nunc ingens machina tignum.
CHANG. Vers 47. D'un carroffe
en tournant &c. ] Avant l'Edi-
tion de 1713. il y avoit: D'un
carroffe en paffant &c.

VERS 14. un grand troupeau de bœufs.] L'ufage vicieux de quelques Provinces, où l'on prononce, Benfs au pluriel,

comme on le prononce au fingulier, m'oblige d'avertir que če mot fe prononce Beus. Ainfi il rime avec malencontreux, qui eft dans le Vers précédent. Op prononce auffi des Oeus, quoiqu'on écrive Oeufs. BROSSETTE.

VERS 17. Ausfi - toft cent che

Et par tout des paffans enchaînant les brigades,
60 Au milieu de la paix font voir les barricades.
On n'entend que des cris pouffez confufément,
Dieu, pour s'y faire ouïr, tonneroit vainement.
Moi donc, qui dois fouvent en certain lieu me rendre
Le jour déja baiffant, & qui fuis las d'attendre,
65 Ne fçachant plus tantoft à quel Saint me voüer,
Je me mets au hazard de me faire roüer.

Je faute vingt ruiffeaux, j'esquive, je me pouffe :
Guenaud fur fon cheval en paffant m'éclabouffe ;
Et n'ofant plus paroiftre en l'état où je suis ;
70 Sans fonger où je vais, je me fauve où je puis.
Tandis que dans un coin en grondant je m'effuie,
Souvent, pour m'achever, il furvient une pluie.
On diroit que le ciel qui fe fond tout en eau,
Veüille inonder ces lieux d'un déluge nouveau.
75 Pour traverser la ruë, au milieu de l'orage,

Un ais fur deux pavez forme un étroit paffage :
Le plus hardi laquais n'y marche qu'en tremblant.
Il faut pourtant paffer fur ce pont chancelant,

REMARQUES.

vaux, &c.] Ce Vers & les trois
fuivans n'êtoient pas dans la
première Edition faite en 1666.

VERS 60. -font voir les
barricades.] L'Auteur défigne en
cet endroit les Barricades qui fe
firent à Paris au mois d'Août
1648. pendant la Guerre Civile
de la Fronde.

VERS 68. Guenaud. ] C'eftoit le

Je me fauve à la nage,
VERS 73. On diroit que le
Ciel..... Veuille. ] Bien des gens

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

& j'aborde où je puis.
préfèrent Vent; & c'eft aujour
d'hui l'ufage le plus commun.

Et les nombreux torrens qui tombent des goutieres.
80 Groffiffant les ruiffeaux, en ont fait des rivieres.
J'y paffe en trebuchant; mais malgré l'embarras,
La frayeur de la nuit précipite mes pas.

Car fi-toft que du foir les ombres pacifiques
D'un double cadenas font fermer les boutiques;
85 Que retiré chez lui, le paifible Marchand
Va revoir fes billets, & compter fon argent :
Que dans le Marché-neuf tout eft calme & tranquille
Les Voleurs à l'inftant s'emparent de la ville.

[ocr errors]

Le Bois le plus funefte, & le moins fréquenté, 90 Eft, au prix de Paris, un lieu de feureté.

Malheur donc à celui qu'une affaire imprevuë
Engage un peu trop tard au détour d'une ruë.
Bien-toft quatre Bandits lui ferrant les coftez:
La bourse: il faut fe rendre ; ou bien non, réfiftez:
95 Afin que voftre mort de tragique mémoire,

Des maffacres fameux aille groffir l'Hiftoire.

REMARQUES.

IMIT. Vers 83. Car fi-toft que Juvenal, dans fa troifiéme Sadu foir les ombres pacifiques, &c.] tire, v. 303.

Nam, qui fpoliet te

graffator agit rem, &c.

Non deerit: claufis domibus, poftquam omnis ubique
Fixa catenata filuit compago taberna.
Interdum & ferro fubitus
VERS 88. Les Voleurs à l'in-
fiant &c.] On voloit beau-
coup en ce temps-là dans les rues
de Paris. DES P.

[ocr errors]

Les défordres que les Voleurs commettoient dans Paris, & le danger qu'il y avoit à fe trouver la nuit dans les rues, font ici décrits fort naïvement. En 1667. le Roi pourvut à la fûreté publique par l'établiffement des Lan

ternes, par le redoublement du Guet & de la Garde; par un re. & glement fur le port d'armes, contre les gens fans aveu ; & par plufieurs autres Ordonnances dont l'exécution fut confiée à M. de la Reynie, Lieutenant Général de Police. En peu de tems la fûreté fut rétablie dans Paris.

VERS 96. Des massacres fameux, &c.] Il y a une Hiftoire intitu

Pour moi fermant ma porte, & cedant au fommeil,
Tous les jours je me couche avecque le Soleil.

Mais en ma chambre à peine ay-je éteint la lumiere, 100 Qu'ils ne m'eft plus permis de fermer la paupiere. Des Filous effrontez, d'un coup de piftolet,

Ebranlent ma feneftre, & percent mon vôlet.
J'entens crier par tout, au meurtre, on m'affaffine;
Ou, le feu vient de prendre à la maison voifine.
105 Tremblant & demi mort, je me leve à ce bruit,
Et fouvent fans pourpoint je cours toute la nuit.
Car le feu, dont la flâme en ondes fe déploye,
Fait de noftre quartier une feconde Troye ;
Où maint Grec affamé, maint avide Argien,
IIO Au travers des charbons va piller le Troyen.
Enfin fous mille crocs la maison abysmée
Entraine auffi le feu qui se perd en fumée.

Je me retire donc, encor pâle d'effroi :
Mais le jour est venu quand je rentre chez moi.
115 Je fais pour repofer un effort inutile:

Ce n'eft qu'à prix d'argent qu'on dort en cette Ville.

[blocks in formation]

120

Il faudroit, dans l'enclos d'un vafte logement,
Avoir loin de la rue un autre appartement,
Paris eft pour un Riche un païs de Cocagne :
Sans fortir de la ville, il trouve la

campagne :

Il peut dans fon jardin tout peuplé d'arbres verds,
Receler le printems au milieu des hyvers,
Et foulant le parfum de fes plantes fleuries,
Aller entretenir fes douces rêveries.

REMARQUES.

d'énergie c'eft comme fi l'on difoit, plus il en coute, & mieux on dort.

Epigrammes contre les perturba teurs du repos de la nuit, dit dans la LVII. du Liv. XII. qu'on a déja citée : Nec cogitandi fpatium, nec quiefcendi In Urbe locus eft pauperi.

Martial, qui a fait plufieurs

VERS 119. un pais de Cocagne.] Pais imaginaire, où les habitans vivent dans une heureuse abondance, fans rien faire. On eft incertain fur l'o rigine de ce nom. Furetiere dit, que dans le Haut-Languedoc on appelle Cocagne; un petit pain de Pattel: & que comme le Paftel eft une herbe, qui ne croît que dans des terres extrêmement fertiles, on a nommé ce Païs-là, un Pais de Cocagne. En Italie, fur la route de Rome à Lorette, il ya, dit-on, une petite contrée, qu'on nomme Cucagna dont la fituation eft très-agréable, & le terroir très-fertile; mais fur tout, les denrées y font excellentes & à bon marché. Ne feroit ce point le Pais de Cocagne? M. De la Monnoye, de l'Académie Françoife, qui a pris la peine de revoir ces Remarques, eft perfuadé que cette façon de parler vient du fameux Merlin Cocare, qui, tout au commen

cement de fa première Macaronée, après avoir invoqué Togna, Pedrala, Mafelina, & autres Mufes Burlesques, décrit les Montagnes où elles habitent, comme un féjour de faufles, de potages, de brouets, de ragoûts, de reftaurans; où l'on voit couler des fleuves de vin, & des ruiffeaux de lait. Il y a bien de l'apparence, qu'un tel Païs a tiré fon nom de celui de fon Inventeur, & que de Cocayo, on aura fait Cocagna. Cette façon de parler n'eft pas ancienne dans nôtre Langue: on ne la trouve ni dans Rabelais, ni dans Marot, ni même dans Regnier. Merlin Cocaie, dont le jargon n'est pas fort aifé à entendre, a trouvé peu de Lecteurs en France; & la traduction qu'on nous en a donnée en profe, n'a êté imprimée qu'en 1606. Enfin, le favant M. Huet ancien Evêque d'Avranches, a bien voulu enrichir cette Remarque de les con

« PreviousContinue »