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Si vous prenez le terme de fynonime dans id. p. 26. » un fens étendu pour une fimple reffemblan- & 27 » ce de fignification, il y a des termes fyno

nimes, c'est-à-dire, qu'il y a des mots qui

» expriment une mème idée principale: «< ferre, bajuláre, portáre, tóllere, fuftinére, gérere, geftáre, feront en ce fens autant de fynoni

mes.

Mais fi par fynonimes, vous entendez des p. 28. mots qui ont » une reffemblance de figni»fication fi entière & fi parfaite, que le fens

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pris dans toute fa force & dans toutes fes >> circonftances foit toujours & abfolument » le même, enforte qu'un des fynonimes ne »fignifie ni plus ni moins que l'autre ; qu'on puiffe les employer indiferament dans >> toutes les ocafions, & qu'il n'y ait pas plus >> de choix à faire entre eux pour la fignifi»cation & pour l'énergie qu'entre les goutes » d'eau d'une mème fource pour le gout & » pour la qualité : dans ce second fens il n'y >> a point de mots fynonimes en aucune lan» gue. « Ainfi ferre, bajuláre, portáre, tollere, fuftinere, gérere, geftáre, auront chacun leur destination particulière : en éfet,

Ferre, fignifie porter, c'eft l'idée principale.

Tite Live,l.

Bajuláre, c'eft porter fur les épaules ou fur le cou.

Portáre fe dit proprement lorsqu'on fait porter quelque chofe fur des bêtes de fome, fur des charètes ou par des crocheteurs. Portári dicimus ea quæ quis juménto fecum ducit. Voyez le titre XVI. du cinquantième livre du Digefte de verborum fignificatione.

Tollere, c'eft lever en haut; d'où vient le xxxvIII.n. substantif tolléno, ónis, c'est une machine à 5. Feftus, tirer de l'eau d'un puits.

V. Tolléno.

Sustinére, c'est soutenir, porter pour empê

cher de tomber.

Corn. Nep. Gérere, c'eft porter fur foi: Gáleam gérere in cápite.

14.3.

Geftare vient de gérere, c'est faire parade de ce qu'on porte.

Malgré ces diférences, il arive souvent que dans la pratique on emploie ces mois l'un pour l'autre par figure, en confervant toujours l'idée principale & en aïant égard à l'ufage de la langue; mais ce qui fait voir qu'à parler exactement ces mots ne font pas fynonimes, c'est qu'il n'est pas toujours permis de mètre indiférament l'un pour l'autre. Ainfi quoi qu'on dife morem gérere, on ne diroit pas morem ferre ou morem portáre, &c.

Les Latins fentoient mieux que nous ces diférences délicates, dans le tems même qu'ils ne pouvoient les exprimer, nihil inter factum L. licet. 58. Digeft. de & geftum intereft,licet videátur quædam fubtilis dif- verbórum ferentia, dit un ancien Jurifconfulte. D'autres fignificatio ont remarqué que alta própriè ad togam spectant, gefta ad militiam. Varron dit que c'est une erreur de confondre ágere, fácere & gérere, & qu'ils ont chacun leur destination particulière. *

Nous avons quelques recueils des anciens Grammairiens fur la propriété des mots latins: Tels font Feftus de verborum fignificatione; Nonius Marcellus de váriâ fignificatione fermónum. Voyez Grammatici véteres.

On peut encore confulter un autre recueil qui a pour titre Autóres linguæ latina. De plus, nous avons un grand nombre d'observations répandues dans Varron de linguâ latinâ, dans les comentaires de Donat & de Servius: elles

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* Propter fimilitúdinem agéndi, & faciéndi, & geréndi,quidam error his qui putant effe unum: poteft enim quis áliquid fácere & non ágere ut poéta facit fábulam & non agit; contra actor agit & non facit, & fic à poéta fábula fit & non ágitur, ab actóre ágitur & non fit : contra Imperátor qui dicitur res gérere in co neque agit, neque facit, fed gerit, id eft fuftinet: tranflátum ab his qui ónera gerunt quod fuftinent. Varr. de ling, lat. I. v. sub ́finem.

ne.

Cicer. Ep. ad fam. 1.9.

Ep. 14.

font voir les diférences qu'il y a entre plufieurs mots que l'on prend comunément pour synonimes. Quelques auteurs modernes ont fait auffi des réflexions fur le mème fujet, tels font le P.Vavaffeur Jéfuite dans fes remarques fur la langue latine, Sciopius, Henri Etiène, de latinitáte falsò fufpéctâ, & plusieurs autres.

On tire auffi la mème conféquence de plufieurs paffages des meilleurs auteurs; voici deux exemples tirés de Cicéron,qui font voir la diférence qu'il y a entre amáre & diligere.

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Quis erat qui putaret ad eum amórem quem erga te habébam, poffe áliquid accédere? Tantum acceffit, ut mihi nunc dénique amáre videar, anteà dilexiffe. Qui l'auroit pu croire, dit Cicéron, que » l'afection que j'avois pour vous eut pu rece> voir quelque degré de plus: cependant elle >> eft fi fort augmentée que je fens bien qu'à >> la vérité vous m'étiez cher autrefois, mais » qu'aujourd'huy je vous aimę tendrement. ce

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Et au livre 13. Ep. 47. Quid ego tibi comméndem eum quem tu ipfe diligis ; fed tamen, ut fcires eum non à me diligi folum, verum étiam amári, ob eam rem tibi hæc fcribo. » Vous l'aimez, mais je >> l'aime encore davantage; & c'est pour cela » que je vous le recomande. se

Voilà une diférence bien marquée entre

n. Is.

amáre & diligere ; Cicéron obferve ailleurs Tufcul. 1.2. qu'il y a de la diférence entre dolére & laboráre, lors même que ce dernier mot eft pris dans le fens du premier : Intereft áliquid inter labórem & dolorem, funt finitima omnino, fed tamen differt áliquid labor eft functio quædam vel ánimi vel córporis, gravióris óperis vel múneris ; dolor autem motus afper in córpore... áliud inquam eft dolére, áliud laboráre. Cum várices fecabántur Cn. Mário, dolébat ; cum aftu magno ducébat agmen, laborábat.

Les favans ont obfervé de pareilles diférences entre plufieurs autres mots, que les jeunes gens & ceux qui manquent de gout & de réflexion regardent come autant de fynonimes. Ce qui fait voir qu'il n'eft peut-être pas auffi utile qu'on le pense de faire le thème en deux façons.

M. de la Bruyère remarque » qu'entre toutes Caract, des les diferentes expreffions qui peuvent rendre une feule Ouv. de » de nos pensées, il n'y en a qu'une qui foit la bone:

» que tout ce qui ne l'est point eft foible & ne fatis» fait pas un home d'efprit. Ainfi ceux qui fe font doné la peine de traduire les auteurs latins en un autre latin, en afectant d'éviter les termes dont ces auteurs fe font fervis, auroient pu s'épargner un travail qui gâte plus le gout qu'il n'aporte de lumière. L'une

l'esprit.

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