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XXII.

1. Des Tropes dont on n'a point parlé. II. Variété dans la dénomination des Tropes.

C

I. Ome les figures ne font que des manières de parler qui ont un caractère particulier auquel on a doné un nom; que d'ailleurs chaque forte de figure peut être variée en plufieurs manières diférentes, il est évident que fi l'on vient à obferver chacune de ces manières & à leur doner des noms particuliers, on en fera autant de figures. Delà les noms de miméfis, apóphafis, catáphafis,afteismus, myƐterismus, charientismus, diafyrmus, far& autres pareils qu'on ne trouve guè re que dans les ouvrages de ceux qui les ont imaginés.

casmus,

Les expreffions figurées qui ont doné lieu à ces fortes de noms peuvent aisément être réduites fous quelqu'une des claffes de tropes dont j'ai déja parlé: Le farcasme, par exem→ ple, n'eft autre chose qu'une ironie faite avec aigreur & avec empörtement. On trouve

* Eft autem farcásmus hoftilis irrífio... cum quis morfis labris fubsánnat álium ... irrífio quæ fiat diductis labris, oftensáque déntium carne. Voffius, Inft. Orat. 1. Y . 13. De Sarcasmo.

* N

Cic. Orat. n. 94. áli

ter XXVII.

l'infini partout: mais quand une fois on eft parvenu au point de division où ce qu'on divise n'est plus palpable, c'est perdre son tems & fa peine que de s'amufer à divifer.

II. Les auteurs donent quelquefois des noms diférens à la mème espèce d'expreffion figurée, je veux dire, que l'un apèle hypallage ce qu'un autre nome métonymie: les noms de ces fortes de figures étant arbitraires & quelques uns aïant beaucoup de raport à d'autres felon leur étimologie, il n'est pas étonant qu'on les ait fouvent confondus. Aristote done le nom de métaphore à la plupart des tropes qui ont aujourdui des noms particuliers. Ariftoteles ifta ómnia tranflatiónes vocat. Cicéron remarque auffi que les Rhéteurs noment hypallage la mème figure que les Grammairiens apèlent métonymie. Aujourd'hui que ces dénominations font plus déterminées, on doit se conformer sur ce point à l'ufage ordinaire des Grammairiens & des Rhéteurs. Un de nos Poètes a dit :

Leurs cris rempliffent l'air de leurs tendres fouhaits.
Selon la conftruction ordinaire on diroit

* Hanc hypállagen Rhétores, quia quafi fummutántur verba pro verbis; metonymiam Grammatici vocant, quòd nómina transferuntur. Cicero, Orátor. n. 93. á¡¡ter xxv1-1,

plutot que ce font les fouhaits qui font pousser des cris qui retentiffent dans les airs. L'auteur du Dictionaire Néologique done à cette expreffion le nom de métathèfe: les façons de parler femblables qu'on trouve dans les anciens font apelées des hypallages : le mot de métathèse n'eft guère d'ufage que lorsqu'il s'agit d'une tranfpofition de lettres. *

M. Gibert nous fournit encore un bel exemple de cette variété dans les dénominations des figures, il apèle métaphore † ce que

* Merdos, mutátio, feu transpositio líteræ, ut Evendre pro Evander; Tymbre pro Tymber. Ifidor. liv. 1. C. 34.

Metáthefis, ( apud Rhétores) eft figúra quæ mittit áni→ mos júdicum in res prætéritas aut futúras,hoc modo: Revo cáte mentes ad fpectáculum expugnáta mífera civitátis, &c in futúrum autem, eft anticipátio córum quæ dictúrus eft adversárius. Idem l. 2. C. 21.

† M. Gibert a suivi en ce point la divifion d'Ariftote, il ne s'est écarté de ce philofophe que dans les exemples. Voici les paroles d'Ariftote dans fa Poétique,c. xxI. & felon M. Dacier c. xx11. Je me fervirai de la traduction de M. Dacier.

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» La métaphore, dit Ariftote, eft un transport d'un nom qu'on tire de fa fignification ordinaire. Il y a quatre fortes » de métaphores : celle du genre à l'efpèce, celle de l'efpèce au genre, celle de l'efpèce à l'espèce, & celle qui eft fon»dée sur l'analogie. J'apèle métaphore du genre à l'efpèce » come ce vers d'Homère: Mon vaisseau s'eft arêté loin de la vile dans le port. Car le mot s'arêter eft un ter» me générique, & il l'a apliqué à l'espèce pour dire étre dans le port.

Voici la remarque que M. Dacier fait enfuite fur ces paroles d'Ariftote; Quelques anciens, dit-il, ont condâné

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Quintilien & les autres noment antonomafe » Il y a, dit M. Gibert, quatre espèces de pag. 55. métaphores; la première emprunte le nom >> du genre pour le doner à l'efpèce, come

Rhetor.

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quand on dit l'Orateur pour Cicéron, ou le Philofophe pour Ariftote : « Ce font là cependant les exemples ordinaires que les Rhéteurs donent de l'antonomase: mais, après tout, le nom ne fait rien à la chose ; le principal est de remarquer que l'expreffion eft figurée, & en quoi elle eft figurée.

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» Ariftote de ce qu'il a mis fous le nom de métaphore les. deux premières qui ne font proprement que des fynecdoques;mais Ariftote parle en général,& il écrivoit dans un »tems où l'on n'avoit pas encore rafiné fur les figures pour » les diftinguer & pour leur doner à chacune le nom qui »en auroit mieux expliqué la nature. Dacier, Poètique » d'Ariftote, page 345.

* Artwroμacía, quæ áliquid pro nómine ponit, poétis frequentiffima... Oratóribus étiam fi rarus ejus rei, non nullus tamen ufus eft: nam ut Tydíden & Peliden non díxerint, ità dixérunt everfórem Carthaginis & Numántiæ pro Scipióne; & románæ eloquéntiæ príncipem pro Ciceróne posuiffe non dúbitent. Quintil. Inft. Orat. l. VIII. C. 6.

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XXIII.

Que l'usage & l'abus des Tropes font de tous les tems & de toutes les langues.

Ne mème caufe dans les mèmes cir

UN

conftances produit des éfets femblables.. Dans tous les tems & dans tous les lieux où il y a eu des homes, il y a eu de l'imagination, des paffions, des idées acceffoires, & par conféquent des tropes.

Il y a eu des tropes dans la langue des Caldéens, dans celle des Egyptiens, dans celle des Grecs & dans celle des Latins : on en fait ufage aujourdui parmi les peuples même les plus barbares, parce qu'en un mot ces peuples font des homes, ils ont de l'imagination & des idées acceffoires.

Il est vrai que telle expreffion figurée en particulier n'a pas été en ufage partout; mais partout il y a eu des expreffions figurées. Quoique la nature foit uniforme dans le fonds des chofes, il y a une variété infinie dans l'exécution, dans l'aplication, dans les circonftances, dans les manières.

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