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Le changement d'état par lequel un citoyen romain perdoit la liberté, ou aloit en éxil, ou changeoit de famille, s'apeloit cápitis minutio, diminution de tête : c'est encore une expreffion métaphorique qui peut auffi être raportée à la fynecdoque. Je crois qu'en ces ocafions, on peut s'épargner la peine d'une exactitude trop recherchée, & qu'il fufit de remarquer que l'expreffion eft figurée, & la ranger fous l'efpèce de trope auquel elle a le plus de raport.

X X.

De la fubordination des Tropes, ou du rang qu'ils doivent tenir les uns à l'égard des autres, & de leurs caractères particuliers.

Uintilien dit *

Qauffi-bien

que les Grammairiens que les Philofophes difputent beaucoup entre eux pour favoir combien il y a de diférentes claffes de tropes, combien chaque claffe renferme d'efpèces particuliè

*Circa quem [tropum ] inexplicábilis, & Grammáticis inter ipfos, & Philofophis pugna eft. Quæ fint génera qua fpécies, quis númerus, quis cui fubjiciátur. Quint. Inft. Orat. 1. VIII. c. 6.

res, & enfin quel eft l'ordre qu'on doit der entre ces claffes & ces espèces.

gar

1. IV. c. V.

Voffius foutient qu'il n'y a que quatre tro- Inft. Orat. pes principaux, qui font la Métaphore la > Art. 2. & Métonymie, la Synecdoque & l'Ironie, les c. x. art. 1. autres, à ce qu'il prétend, fe raportent à ceuxlà come les espèces aux genres; mais toutes ces difcutions font affez inutiles dans la pratique, & il ne faut point s'amufer à des recherches qui fouvent n'ont aucun objet cer

tain.

Toutes les fois qu'il y a de la diférence dans le raport naturel qui done lieu à la fignification empruntée, on peut dire que l'expreffion qui eft fondée fur ce raport apartient à un trope particulier.

C'est le raport de reffemblance qui eft le fondement de la catachrèse & de la métaphore; on dit au propre une feuille d'arbre & par catachrèse une feuille de papier, parce qu'une feuille de papier eft à peu près auffi mince qu'une feuille d'arbre. La catachrèse est la première espèce de métaphore. On a recours à la catachrèse par néceffité, quand on ne trouve point de mot propre pour exprimer ce qu'on veut dire, Les autres espèces de métaphores se font par d'autres mouve

Satire Ix.

mens de l'imagination qui ont toujours la reffemblance pour fondement.

L'ironie au contraire eft fondée fur un raport d'opofition, de contrariété, de diférence, &, pour ainfi dire, sur le contraste qu'il y a, ou que nous imaginons entre un objet & un autre ; c'est ainfi que Boileau a dit, Quinault eft un Virgile.

La métonymie & la fynecdoque auffi-bien que les figures qui ne font que des efpèces de l'une ou de l'autre, font fondées fur quelque autre forte de raport qui n'eft ni un raport de reffemblance, ni un raport du contraire. Tel est, par exemple, le raport de la cause à l'éfet ainfi dans la métonymie & dans la fynecdoque les objets ne font confidérés ni come femblables, ni come contraires, on les regarde feulement come aïant entr'eux quelque rélation, quelque liaifon, quelque forte d'unions mais il y a cette diférence, que, dans la mêtonymie, l'union n'empêche pas qu'une chofe ne fubfifte indépendanment d'une autre ; au lieu que, dans la fynecdoque, les objets dont l'un eft dit pour l'autre, ont une liaison plus page 106. dépendante, come nous l'avons dèja remarqué, l'un eft compris fous le nom de l'autre, ils forment un enfemble, un tout; par exem

ple, quand je dis de quelqu' un, qu'il a lu Cicéron, Horace, Virgile, au lieu de dire, les ouvrages de Cicéron, &c : je prens la cause pour l'éfet,c'est le raport qu'il y a entre un auteur & fon livre, qui eft le fondement de cette façon de parler : voilà une rélation, mais le livre fubfifte fans fon auteur & ne forme pas un tout avec lui; au lieu que,lorsque je dis cent voiles pour cent vaisseaux, je prens la partie pour le tout, les voiles font néceffaires à un vaiffeau: il en eft de même quand je dis qu'on a payé tant par tête, la tête est une partie effentièle à l'home. Enfin dans la fynecdoque il y a plus d'union & de dépendance entre les objets dont le nom de l'un fe met pour le nom de l'autre, qu'il n'y en a dans la métonymie.

L'allufion fe fert de toutes les fortes de rélations, peu lui importe que les termes conviènent ou ne conviènent pas entre eux, pourvu que par la liaison qu'il y a entre les idées acceffoires, ils réveillent celle qu'on a eu deffein de réveiller. Les circonftances qui acompagnent le fens litéral des mots dont on fe fert dans l'allufion nous font conoitre que ce fens litéral n'eft pas celui qu'on a eu deffein d'exciter dans notre ef

prit, & nous dévoilent facilement le fens fi→ guré qu'on a voulu nous faire entendre. L'euphémisme eft une efpèce d'allufion, avec cette diférence qu'on cherche à éviter les mots qui pouroient exciter quelque idée trifte, dure, ou contraire à la bienséance.

Enfin chaque efpèce de trope a fon caractère propre qui le diftingue d'un autre, come il a été facile de le remarquer par les obfervations qui ont été faites fur chaque trope en particulier. Les persones qui trouveront ces observations ou trop abstraites, ou peu utiles dans la pratique, pouront fe contenter de bien fentir par les exemples la diférence qu'il y a d'un trope à un autre. Les exemples les méneront insensiblement aux obfer

vations.

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