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qu'une bone intelligence entre la France & l'Espagne : c'est une métonymie du figne, ou une métalepfe : les Pyrénées ne feront plus un figne de féparation.

L'Aigle eft le fymbole de l'Empire; l'Empereur porte un aigle à deux têtes dans fes armoiries ainfi, dans l'exemple que je viens de raporter, l'aigle fignifie l'Alle magne. C'est le figne pour la chofe fignifiée: c'est une métonymie.

Neptune étoit le Dieu de la mer, il eft pris dans le même exemple pour l'Ocean, pour la mer des Indes orientales & occidentales: c'eft encore une métonymie. Nous remar querons dans la fuite ces diférences particuliéres qui font les diférentes espécès de tropes. Il y a autant de tropes qu'il y a de maniéres diférentes, par lefquelles on done à un mot une fignification qui n'eft pas précisément la fignification propre de ce mot: Aveugle dans le fens propre, fignifie une perfone qui eft privée de l'ufage de la vue: fi je me fers de cemot pour marquer ceux qui ont été guéris de leur aveuglement, come quand Jefus Matt. 6. Chrift a dit, les aveugles voient, alors aveugles X1.v. §. n'eft plus dans le fens propre, il est dans un fens que les Philofophes apèlent fens divife:

B

ce fens divisé est un trope, puisqu'alors avent gles fignifie ceux qui ont été aveugles, & non pas ceux qui le font. Ainfi outre les tropes dont on parle ordinairement, j'ai cru qu'il ne feroit pas inutile ni étranger à mon fujet, d'expliquer encore ici les autres fens dans lefquels un même mot peut être pris dans le difcours.

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Le traité des Tropes eft du reffort de la Grammaire. On doit conoitre les Tropes pour bien entendre les Auteurs, &pour avoir des conoif fances exactes dans l'art de parler & d'écrire.

A

U refte ce traité me paroit être une

partie effentièle de la Grammaire, puifqu'il eft du reffort de la Grammaire de faire entendre la véritable fignification des mots, & en quel fens ils font employés dans le difcours.

Il n'eft pas poffible de bien expliquer l'auteur même le plus facile, fans avoir recours aux conoiffances dont je parle ici. Les livres que l'on met d'abord entre les mains des començans, auffi-bien que les autres livres, font pleins de mots pris dans des fens détournés

&éloignés de la premiére fignification de

ces mots par exemple:

Títyre, tu pátulæ, recubans sub tégmine fagi, Virg. Edi Sylveftrem, ténui, mufam meditáris, avénâ.

Vous méditez une Mufe, c'est-à-dire, une chan Jon, vous vous exercez à chanter. Les Muses étoient regardées dans le Paganisme come les Déeffes qui infpiroient les Poétes & les Muficiens, ainsi Muse se prend ici pour la chanfon même, c'est la caufe pour l'éfet, c'est une métonymie particuliére, qui étoit en ufage en latin; nous l'expliquerons dans la fuite. Avéna dans le fens propre, veut dire de l'a veine, mais parce que les Bergers se servirent fe de petits tuyaux de blé ou d'aveine pour en faire une forte de flute, come font encore les enfans à la campagne ; delà par extension on a apelé avéna un chalumeau, une flute de Berger.

On trouve un grand nombre de ces fortes de figures dans le Nouveau Teftament, dans l'Imitation de J. C. dans les fables de Phédre, en un mot, dans les livres mêmes qui font écrits le plus fimplement, & par lesquels on comence : ainsi je demeure toujours con

I. V. Ia

tion.

vaincu que cette partie n'eft point étrangère

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à la Grammaire, & qu'un Grammairien doit avoir une conoiffance détaillée des tropes." Réponse à Je conviens, fi l'on veut, qu'on peut bien une objec- parler fans jamais avoir apris les noms particuliers de ces figures. Combien de perfones fe fervent d'expreffions métaphoriques, fans savoir précisément ce que c'est que métaphore? C'est ainfi qu'il y avoit plus de Moliére quarante ans que le Bourgeois-Gentilhome Bourg.cen- difoit de la Profe, fans qu'il en fut rien. Ces conoiffances ne font d'aucun ufage pour faire un compte, ni pour bien conduire une maison, Ibid. act. come dit Me. Jourdain, mais elles font uti11. f. 3. les & néceffaires à ceux qui ont besoin de

tilh.act. II.

[c. 4.

favoir l'art de parler & d'écrire ; elles mettent de l'ordre dans les idées qu'on fe forme des mots; elles fervent à démêler le vrai fens des paroles, à rendre raifon du difcours, & donent de la précision & de la justesse.

Les Sciences & les Arts ne font que des obfervations fur la pratique : l'ufage & la pratique ont précédé toutes les fciences & tous les arts; mais les fciences & les arts ont enfuite perfectioné la pratique. Si Moliére n'avoit pas étudié lui-même les obfervations détaillées de l'art de parler & d'écrire, fes pièces n'auroient

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été que des pièces informes, où de génie, à la vérité, auroit paru quelquefois : mais qu'on auroit renvoyées à l'enfance de la Comédie: fes talens ont été perfectionés par les obfervations, & c'est l'art même qui lui a apris à faifir le ridicule d'un art déplacé.

On voit tous les jours des perfones qui chantent agréablement, fans conoitre les notes, les clés, ni les règles de la Mufique, elles ont chanté pendant bien des années des fol & des fa, fans le favoir; faut-il pour cela qu'elles rejettent les fecours qu'elles peuvent tirer de la Mufique, pour perfectioner leur talent.

Nos péres ont vêcu fans conoitre la circu lation du fang; faut-il négliger la conoiffance de l'Anatomie? & ne faut-il plus étudier la Physique, parce qu'on a refpiré pendant plufieurs fiécles fans favoir que l'air eut de la pefanteur & de l'élafticité? Tout a fon tems & fes ufages, & Molière nous déclare dans fes préfaces, qu'il ne fe moque que des abus & du ridicule.

* B iij

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