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Zcl.1.v. 83.

Lutrin,

ch. 2.

» Dieux & aux homes le retour du foleil.

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Pour dire que le jour finit, qu'il est tard advefperafcit, Virgile dit qu'on voit dèja fumer de loin les cheminées, que dèja les ombres s'alongent & femblent tomber des montagnes.

Et jam fumma procul villárum cúlmina fumant,
Majoréfque cadunt altis de móntibus umbræ
Boileau a dit par imitation:

Les ombres cependant fur la vile'épandues
Du faite des maisons descendent dans les rues.

On poura remarquer un plus grand nom-
bre d'exemples pareils dans les auteurs. Je
me contenterai d'obferver ici qu'on ne doit
se fervir de périphrafes que quand elles ren-
dent le difcours plus noble ou plus vif par
le fecours des images. Il faut éviter les péri-
phrafes qui ne préfentent rien de nouveau,
qui n'ajoutent aucune idée acceffoire, elles ne
fervent qu'à rendre le difcours languissant : fi
après avoir dit d'un home acablé de remords,
qu'il est toujours trifte vous vous fervez de
quelque périphrafe qui ne dife autre chofe,
finon que cet home est toujours fombre, rèveur, mé-
lancolique & de mauvaise humeur, vous ne ren-
dez guère votre discours plus vif par de tel-

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les expreffions. M. Boileau fur un fujet pa-
reil a fait d'après Horace une espèce de péri-
phrafe qui tire tout fon prix de la peinture
dont elle ocupe l'imagination du lecteur.

Ce fou rempli d'erreurs que le trouble acompagne Ep. v.
Et malade à la vile ainsi qu'à la campagne,

Envain monte à cheval pour tromper son ennui,
Le chagrin monte en croupe & galope avec lui.

Poft équi

tem fedet atra cura.

Hor. 1.111.

Le mème poète au lieu de dire pendant que je od.1.v. 40. fuis encore jeune, fe fert de trois périphrases qui

expriment cette mème penfée fous trois images diférentes:

Tandis que

libre encor, malgré les deftinées,

Mon corps n'eft point courbé fous le faix des

années;

Qu'on ne voit point mes pas fous l'âge chanceler
Et qu'il refte à la Parque encor dequoi filer.

On doit auffi éviter les périphrases obfcures
& trop enflées. Celles qui ne servent ni à
la clarté, ni à l'ornement du discours, font
défectueufes. C'eft une inutilité defagréable
qu'une périphrase à la fuite d'une pensée vive,
claire, folide & noble. L'efprit qui a été fra-

* Ut cùm decórum habet, períphrafis, ita cùm in vitium incidit eλyía dicitur: obftat enim quidquid non ádjuyat, Quint. Inftit. Orát. 1. v111, C. 6.

Sat. I

pé d'une pensée bien exprimée, n'aime point à la retrouver fous d'autres formes moins agréables, qui ne lui aprènent rien de nouveau, ou rien qui l'intéreffe. Après que le pére des trois Horaces, dans l'exemple que page 10. j'ai déja raporté, a dit qu'il mourut, * il devoit en demeurer là & ne pas ajouter :

Ou qu'un beau desespoir enfin le fecourut.
Marot, dans une de fes plus belles épitres,
raconte agréablement au Roi François I. le
malheur qu'il a eu d'avoir été volé par fon
valet, qui lui avoit pris son argent,
fes ha-
bits, & fon cheval : enfuite il diț :

Et néantmoins ce que je vous en mande,
N'eft pour vous faire ou requète ou demande;
Je ne veux point tant de gens
reffembler
Qui n'ont fouci autre que d'affembler ;
Tant qu'ils vivront ils demanderont, eux ;
Mais je comence à devenir honteux,
Et ne veux point à vos dons m'arêter.
Je ne dis pas, fi voulez rien prêter,
Que ne le prène : il n'eft point de prêteur
S'il veut prêter qu'il ne faffe un debteur,
Et favez-vous, Sire, coment je paye,
Nul ne le fait fi premier ne l'effaye.
Vous me devrez, fi je puis, de retour;
Et vous ferai encores un bon tour;

A celle fin qu'il n'y ait faute nulle,

Je vous ferai une belle cédule,

A vous payer, fans ufure il s'entend,

Quand on verra tout le monde content;
Ou fi voulez, à payer ce fera,

,

Quand votre los & renom ceffera.

Voilà où le génie conduifit Marot, & voilà où l'art devoit le faire arêter: ce qu'il dit enfuite que les deux princes Lorains le pleigeront, &

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Orat. 1. r.

n. XII. ali

Tout cela, dis-je, n'ajoute plus rien à la pen- Cic. de fée : c'eft ce que Cicéron apèle verbórum vel optimorum atque ornatiffimórum fónitus inánis. Que ter s1. s'il y avoit quelque chofe de plus à dire, ce font les douze derniers vers qui font un nouveau fens, & ne font plus une périphrase qui regarde l'emprunt.

Voilà le point principal de ma lettre,

Vous favez tout, il n'y faut plus rien mettre.
Rien mettre las! Certes & fi ferai,
En ce faisant mon stile j'enflerai,

Difant, ô Roi amoureux des neuf Mufes,
Roi, en qui font leurs fciences infuses,

Roi, plus que Mars, d'honeur environé,
Roi, le plus Roi qui fut onc couroné;
Dieu tout puiffant te doint, pour t'eftrèner,
Les quatre coins du monde à gouverner,
Tant pour le bien de la ronde machine,
Que pour autant que fur tous en es digne.

4. On fe fert de périphrase par néceffité, quand il s'agit de traduire & que la langue du traducteur n'a point d'expreffion propre qui réponde à la langue originale, par exemple, pour exprimer en latin une péruque, il faut dire coma adfcititia, une chevelure empruntée, des cheveux qu'on s'eft ajuftés. Il y a en latin des verbes qui n'ont point de fupin & par conféquent point de participe: ainfi au lieu de s'exprimer par le participe, on est obligé de recourir à la périphrase fore ut, esse futurum ut ; j'en ai doné plufieurs exemples dans la fyntaxe.

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