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6.

pour dire que l'hiver eft paffé & que les gla

ces font fondues, il s'exprime de cette

forte:

Liv. 3. Ode L'hiver, qui fi long tems a fait blanchir nos plaines,
N'enchaine plus le cours des paifibles ruiffeaux ;
Et les jeunes zéphirs de leurs chaudes haleines
Ont fondu l'écorce des eaux.

6. Chaque langue a des métaphores par ticulières qui ne font point en usage dans les autres langues; par exemple : les Latins difoient d'une armée dextrum & finiftrum cornu, & nous difons l'aile droite & l'aile gauche.

Il eft fi vrai que chaque langue a ses métaphores propres & confacrées par l'usage, que fi vous en changez les termes par les équivalans même qui en aprochent le plus, vous vous rendez ridicule.

Un étranger, qui depuis devenu un de nos citoyens, s'eft rendu célèbre par fes ouvra ges, écrivant dans les premiers tems de fon arivée en France, à fon protecteur, lui difoit, Monfeigneur, vous avez pour moi des boyaux de péres il vouloit dire des entrailles.

On dit mettre la lumière fous le boiffeau, pour

dire cacher fes talens, les rendre inutiles, Poème de l'auteur du poème de la Madeleine ne devoit

la Madel.

1. 7. p.117. donc pas dire mettre le flambeau fous le mui.

L

XI.

LA SYLLEPSE ORATOIRE.

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que

Comprehen

fio,complé

λαμβάνω

comprehén

A Syllepfe oratoire eft une espèce de Evans métaphore ou de comparaison, par laquelle un mème mot eft pris en deux fens xio. Eundans la mème phrase, l'un au propre, l'autre au figuré; par exemple, Corydon dit do. Galathée eft pour lui plus douce que le thym du mont Hybla; ainfi parle ce berger dans une églogue de Virgile : le mot doux eft au propre par raport au thym, & il eft au figuré par raport à l'impreffion que ce berger dit que Galathée fait fur lui. Virgile fait dire enfuite à un autre berger, & moi quoique je paroiffe à Galathée plus amer que les herbes de Sardaigne, &c. ** Nos bergers difent plus aigre qu'un

citron verd.

Pyrrhus fils d'Achile, l'un des principaux chefs des Grecs, & qui eut le plus de part à l'embrafement de la vile de Troie, s'exprime en ces termes dans l'une des plus belles pièces de Racine :

Ecl. 7. v. 37

**

Galathea thymo mihi dúlcior Hyblæ. Virg.

ego Sardóis videar tibi amárior herbis, ibid.v. 41.

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Rac. An

drom. act. I. fc. 4.

Je foufre tous les maux que j'ai faits devant Troie;
Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé,
Brulé de plus de feux que je n'en alumai.

Brulé eft au propre par raport aux feux que
Pyrrhus aluma dans la vile de Troie; & il
est au figuré, par raport à la paffion violente
que Pyrrhus dit qu'il reffentoit pour Andro-
maque. Il y a un pareil jeu de mots dans le
diftique qui eft gravé fur le tombeau de Def-
pautère :

Hic jacet unóculus vifu præftantior Argo
Nomen Joánnes cui ninivíta fuit.

Vifu eft au propre par raport à Argus, à qui
la fable done cent yeux; & il eft au figuré
par raport à Despautère : l'auteur de l'épita-
phe a voulu parler de la vue de l'efprit.

Au reste cette figure joue trop fur les mots pour ne pas demander bien de la circonfpection; il faut éviter les jeux de mots trop afectés & tirés de loin.

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XII.

L'ALLEGORIE.

mutátio fi

Lmétaphore; l'allégorie n'eft même qu'une mutatiqua beaucoup de raport avec la Manisa

métaphore continuée.

áliud díci

gnificátur,

L'allégorie eft un difcours, qui eft d'abord tur,aliud fi présenté fous un fens propre, qui paroit toute R. Aλ autre chose que ce qu'on a deffein de faire entendre, & qui cependant ne fert que de comparaison, pour doner l'intelligence d'un autre fens qu'on n'exprime point.

La métaphore joint le mot figuré à quelque terme propre ; par exemple, le feu de vos yeux yeux eft au propre : au lieu que dans l'allégorie tous les mots ont d'abord un fens figuré; c'est-à-dire, que tous les mots d'une phrase ou d'un discours allégorique forment d'abord un fens litéral qui n'est pas celui qu'on a deffein de faire entendre: Les idées acceffoires dévoilent enfuite facilement le véritable fens qu'on veut exciter dans l'efprit, elles démafquent, pour ainfi dire, le fens litéral étroit, elles en font l'aplication.

Quand on a comencé une allégorie, on doit conferver dans la fuite du discours, l'image

K

áliud,op vel αγορεύω, narro conália

ciónor, vel

>

ayoed, cón

cio,orátio..

Poéfies de

Mad. des
Houl. T. 2.

P. 88.

dont on a emprunté les premières expreffions. Madame des Houlières, fous l'image d'une bergère qui parle à fes brebis, rend compte à ses enfans de tout ce qu'elle a fait pour leur procurer des établiffemens ; & fe plaint tendrement fous cette image de la dureté de la fortune:

Dans ces prés fleuris
Qu'arofe la Seine,

Cherchez qui vous mène
Mes chères brebis :

J'ai fait pour vous rendre

Le deftin plus doux,

Ce qu'on peut

atendre

D'une amitié tendre;

Mais fon long couroux
Détruit, empoisone

Tous mes foins pour vous,
Et vous abandone

Aux fureurs des loups.
Seriez-vous leur proie,
Aimable Troupeau!
Vous de ce hameau
L'honeur & la joie,
Vous qui gras & beau
Me doniez fans ceffe

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