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Voilà, pour le díre en passant, une étrange corporation de bienfaisance prouvant une fois de plus qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Sans citer cette aristocratique institution des pages qui, sous. Louis XIV, recevaient gaiement le fouet pour Monsieur le Dauphin, ne se rappelle-t-on pas qu'au moyen âge, dans notre Europe, il était d'usage de mettre fort sérieusement un pauvre religieux sous clef, dans une cour nue, où il jeûnait au pain et à l'eau pour le salut et le plus grand bien du peuple? La reine Ysabeau de Bavière n'a-t-elle pas multiplié, à grands frais de sous parisis et de francs, les neuvaines par procuration? En 1416, c'est le physicien (médecin) du Roi, Guillaume le Pelletier, qu'elle « encharge de faire faire à sa dévotion des neuvaines; » c'est un messager de pié qu'elle paye dix francs pour faire, à son intention, un pèlerinage en Avignon; en 1417, c'est une sœur Jehanne la brune, religieuse à Saint-Marcel, à qui elle baille neuf livres quatre sous pour trente-six jours qu'elle a jeûné aux lieu et place et « à la dévotion de ladicte dame la Royne Aujourd'hui même, s'il n'y a pas à Rome, comme à la Chine, de corporation de charité qui reçoive la bastonnade à prix convenus pour la caisse des pauvres, on a du moins ce pieux usage, quand on condamne à la peine du nerf de bœuf, d'ajouter d'office un certain nombre de coups rachetables au profit de la même caisse (1).

(1) Voir LEOPOLD ROBERT, Sa vie, ses œuvres et sa correspondance, p. 41 de l'édition in-12.

Dévotions

par procuration.

CHAPITRE IV.

Mode d'exécution

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Les fac-simile, disons-nous, sont fort répandus dans des fac-simile. cette terre classique de l'autographe. Le moyen qu'on y emploie pour faire, sur papier, des fac-simile aussi parfaits que possible, consiste à coller l'original sur une pierre très-polie, dans laquelle on sculpte en creux les moindres détails de chaque caractère. On passe ensuite une brosse imprégnée d'encre sur la pierre ainsi sculptée, et l'on tire sur du papier de grandeur voulue des fac-simile blancs à fond noir d'une précision remarquable. Il est vrai que, par ce procédé, l'autographe lui-même est détruit; mais la superstition chinoise attache une valeur si haute à la multiplication Fac-simile des simples fac-simile de l'écriture des hommes célèbres du Céleste Empire, que ce sacrifice est toujours amplement compensé par des tirages sans fin. M. Firmin et vine siècles Didot possède six volumes d'une Isographie, publiée vers 1845 à Nanking, où se trouve reproduite l'écriture de tous les illustres qui ont vécu sous la dynastie des Tang, c'est-à-dire, comme nous l'avons déjà dit, pendant les septième et huitième siècles de notre ère. La Bibliothèque impériale conserve six autres volumes analogues. La dynastie des Soung et les dynasties postérieures ont aussi leurs isographies, toutes exécutées d'après le même système, fond noir et lettres blanches.

de l'écriture

des

personnages célèbres des vue

de notre ère.

Le livre le plus curieux de ce genre est celui d'un lettré célèbre nommé Tchan - Pao qui, n'ayant pu

obtenir de l'empereur permission de voyager dans les pays extérieurs, fit le tour de l'empire, exécuta d'après nature les vues des plus beaux sites, fit partout moisson d'autographes, et, à son retour, imprima, par le procédé du décalque, autographes et dessins, et publia ce voyage pittoresque et autographique à ses propres frais. Il lui en coûta plus de quarante mille piastres d'Espagne, équivalant à peu près à deux cent mille francs de notre monnaie.

:

Le papier ne suffit pas à ces bons Chinois pour populariser l'écriture de leurs hommes illustres ils la reproduisent en creux ou en relief dorés sur des panneaux de bois; en creux, sur des bambous; en or, sur des tissus de soie ou des feuilles de carton à fond bleu ou rouge; en filigranes de perles, dans des ouvrages de broderie; en peinture, sur des laques, sur la porcelaine, et jusque sur des tasses à thé. Les inscriptions tracées sur les tasses et encadrées, en forme d'éventail sans monture, ou en forme de pancartes à demi déroulées, ne sont en effet autre chose que des fac-simile d'autographes célèbres.

Il n'est pas rare qu'en tête de leurs livres les auteurs placent un fac-simile de leur propre autographe, en manière de préface; mieux encore, qu'ils donnent le fac-simile de l'approbation autographe de l'empereur auquel ils l'ont soumis. C'est toujours par le procédé du décalque, sacrifiant l'autographe lui-même, que ces fac-simile s'exécutent.

Matières sur reproduisent les fac-simile

lesquelles se

auto

graphiques.

Quel est le plus ancien

calligraphe

dont on ait

de l'écriture

à la Chine.

Comment on obtenait des autographes

CHAPITRE V.

Au premier rang des plus anciens autographes chinois que l'on connaisse communément, il faut placer ceux de Wan-Hi-Che, magistrat illustre qui vécut sous la dynastie des Tsin, vers la fin du troisième siècle de notre ère, et qui, pour la Chine, est le Raphaël de la calligraphie. Les caractères sortis du pinceau de ce Jarry chinois sont empreints d'un cachet unique et inimitable qui fait immédiatement reconnaître à l'œil exercé les autographes vrais des nombreux faux que la spéculation n'a pas manqué de jeter dans la circulation depuis quinze siècles.

Che

Mais autant Wan-Hi-Che excellait dans l'art d'écrire, autant il lui répugnait de donner de ses autographes ; et il fallait user de stratagème ou le prendre par un faible pour vaincre sa modestie sur ce point. On raconte que la plupart de ses autographes, dont la postérité s'enorgueillit, étaient dus à l'adresse d'un bonze qui, connaissant le goût tout particulier de Wan-Hipour les oies, alléchait sa friandise par un cadeau du célèbre de ces grasses dépouilles, spolia opima, sous la condicalligraphe Wan-ili-Che. tion qu'il lui écrivit quelques caractères. Les oies apparemment étaient alors une rareté en Chine, et le mandarin calligraphe était pauvre et simple de mœurs. On couvrirait aujourd'hui de pâtés de foie gras une partie de la grande muraille avec le prix des autographes du grand Wan-Hi-Che; car son écriture bien authentique se vend (sous main) de quatre cents à huit cents taëls

[huit francs chaque taël environ de notre monnaie]: soit, de trois mille deux cents francs à six mille quatre cents.

Le goût de la calligraphie a été poussé fort loin également chez les Arabes, les Turcs, les Indiens, les Persans. Chez ces derniers, les manuscrits d'une belle exécution se vendent très-cher, quand ils sont un peu anciens. On célèbre les autographes des fameux calligraphes nommés Imád et Dervich qui florissaient il y a près d'un siècle. On en suppute la valeur par lettre, et chaque lettre dans une pièce autographe est portée de cinq à dix francs, suivant la beauté des caractères. Il y a deux ans, de petits autographes de ces khochnewis (c'est ainsi qu'on appelle les calligraphes persans) se sont payés cinquante tomans; encore n'étaient-ils pas d'une conservation parfaite.

Il existe en turc un livre spécial sur la calligraphie.

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CHAPITRE VI.

échangés en présents entre les

négociateurs signé, en 1844,

du traité

Chez nous, le fleuriste peut offrir en cadeau ses fleurs; le peintre, son tableau; le dessinateur, son dessin : le Chinois grand seigneur offre son autographe, Autographes présent toujours acceptable pour qui le reçoit, peu coûteux pour qui l'offre. Ainsi, dans la première entrevue diplomatique entre M. de Lagrené et les hauts mandarins de Canton, à Macao, le haut commissaire impérial Ki-Ing offrit à l'ambassadeur de France et aux principaux membres de son ambassade, alors présents, des éventails d'une valeur intrinsèque de vingtcinq centimes la pièce, mais que les collègues de Ki

au nom

de la France

et de la Chine.

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