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senti la justesse pour la Peinture, qui est une Poésie muette. J'en rapprochai les idées d'Horace, de Boileau, de quelques autres grands Maîtres. J'y joignis plusieurs traits échappés à d'autres Auteurs sur cette matiere; la maxime d'Horace se trouva vérifiée par l'examen: ut Pictura Poesis. Il se trouva que la Poésie étoit en tout une imitation, de même que la Peinture. J'allai plus loin: j'esseyai d'appliquer le même principe à la Musique, à l'Art du geste, et je fus étonné de la justesse avec laquelle il leur convenoit. C'est ce qui a produit ce petit Ouvrage, où on sent bien que la Poésie doit tenir le

principal rang; tant à cause de sa dignité, que parce qu'elle en a été l'occasion. Il s'est formé presque sans dessein, et par une progression d'idées dont la premiere a été le germe de toutes les autres.

PRINCIPES

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I. TRAITÉ.

LES BEAUX ARTS

RÉDUITS

A UN MÊME PRINCIPE.

LA plupart de ceux qui ont voulu

traiter des beaux Arts, l'ont fait dans tous les temps, avec plus d'ostentation que d'exactitude ou de simplicité. Qu'on en juge par l'exemple de la Poésie. On croit en donner des idées justes en disant qu'elle embrasse tous les Arts; c'est, dit-on, un composé de Peinture, de Musique et d'Eloquence.

Comme l'Eloquence, elle parle : elle prouve: elle raconte. Comme la Tome I.

A

Musique, elle a une marche réglée, des tons, des cadences dont le mélange forme une sorte de concert. Comme la Peinture, elle dessine les objets elle y répand les couleurs : elle y fond toutes les nuances de la nature en un mot, elle fait usage des couleurs et du pinceau: elle emploie la mélodie et les accords: elle montre la vérité, et sait la faire aimer.

La Poésie embrasse toutes sortes de matieres; elle se charge de ce qu'il y a de plus brillant dans l'Histoire : elle entre dans les champs de la Philosophie: elle s'élance dans les Cieux pour y admirer la marche des Astres: elle s'enfonce dans les abymes, pour y examiner les secrets de la nature : elle pénetre jusques chez les morts, pour y voir les récompenses des justes et les supplices des impies: elle comprend tout l'univers. Si ce monde ne lui suffit pas, elle crée des mondes nouveaux, qu'elle embellit de demeures enchantées, qu'elle peuple de mille habitans divers. Là, composant les êtres à son gré, elle n'enfante rien que de parfait elle enchérit sur toutes les productions de la nature. C'est une

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espece de magie: elle fait illusion aux yeux, à l'imagination, à l'esprit même, et vient à bout de procurer aux hommes, des plaisirs réels, par des inventions chimériques. C'est ainsi que la plupart des Auteurs ont parlé de la Poésie.

Ils ont parlé à-peu-près de même des autres Arts. Pleins du mérite de ceux auxquels ils s'étoient livrés, ils nous en ont donné des descriptions pompeuses, pour une seule définition précise qu'on leur demandoit: ou s'ils ont entrepris de nous les définir comme la nature en est d'elle-même très-compliquée, ils ont pris quelquefois l'accessoire pour l'essentiel, et l'essentiel pour l'accessoire. Quelquefois même entraînés par un certain intérêt d'Auteur, ils ont profité de l'obscurité de la matiere, et ne nous ont donné que des idées formées sur le modele de leurs propres ouvrages.

Notre objet dans ce premier Traité est d'écarter ces nuages, d'établir les vrais principes des Arts, et d'en fixer les notions avec le plus de précision qu'il sera possible.

Il est divisé en trois parties. Dans

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