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ROSINE, en dedans, chante.

AIR du Maître en droit.

Tout me dit que Lindor eft charmant,
Que je dois l'aimer constamment...

(On entend une croisée qui fe ferme avec bruit.)

FIGARO.

Croyez-vous qu'on vous ait entendu cette

fois?

LE COMTE.

Elle a fermé fa fenêtre; quelqu'un apparemment est entré chez elle.

FIGARO.

Ah la pauvre petite! comme elle tremble en chantant! Elle eft prife, monfeigneur.

LE COMTE.

Elle fe fert du moyen qu'elle m'a indiqué. Tout me dit que Lindor eft charmant. Que de graces! que d'efprit!

FIGARO.

Que de rufe! que d'amour!

LE COMTE.

Crois-tu qu'elle se donne à moi, Figaro?

FIGARO.

allin

Elle paffera plutôt à travers cette jalousie que

d'y manquer.

LE COMTE.

C'en eft fait, je fuis à ma Rofine... pour la vie.

FIGARO.

Vous oubliez, monfeigneur, qu'elle ne vous entend plus.

:

LE COMTE.

Monfieur Figaro, je n'ai qu'un mot à vous dire elle fera ma femme; & fi vous servez bien mon projet en lui cachant mon nom... Tu m'entends, tu me connois...

FIGARO.

Je me rends. Allons, Figaro, vole à la fortune, mon fils.

LE COMTE.

Retirons-nous, crainte de nous rendre suspects.

FIGARO, vivement.

Moi, j'entre ici, où, par la je vais, d'un feul coup de ba

de mon art,

endormir la

vigilance éveiller l'amour, égarer la jaloufie, fourvoyer l'intrigue, & renverfer tous les obftacles. Vous, monfeigneur, chez moi, l'habit de foldat, le billet de logement, & de l'or dans vos poches.

LE COMTE.

Pour qui de l'or?

FIGARO, vivement.

De l'or, mon dieu, de l'or: c'eft le nerf de l'intrigue.

LE COMTE.

Ne te fâche pas, Figaro, j'en prendrai beau

coup.

FIGARO, s'en allant.

Je vous rejoins dans peu.

LE COMTE.

Figaro ?

FIGARO.

Qu'est-ce que c'est?

LE COMTE

Et ta guitare?

FIGARO revient.

'J'oublie ma guitare! Moi! je fuis donc fou!

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à quatre pas d'ici, peinte en bleu, vitrage en plomb, trois palettes en l'air, l'œil dans la main, Confilio manuque, FIGARO. (Il s'enfuit.)

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ACTE II.

Le théâtre représente l'appartement de Rofine. La croifée dans le fond du théâtre eft fermée par une jaloufie grillée.

SCENE PREMIÈRE.

ROSINE, feule, un bougeoir à la main. Elle prend du papier fur la table & fe met à écrire.

Marceline eft malade; tous les gens font occupés; & perfonne ne me voit écrire. Je ne fais fi ces murs ont des yeux & des oreilles, ou fi mon Argus a un génie mal-faifant qui l'instruit --à point nommé; mais je ne puis dire un mot, ni faire un pas, dont il ne devine fur-le-champ l'intention... Ah Lindor! (Elle cachete la lettre.) Fermons toujours ma lettre, quoique j'ignore quand & comment je pourrai la lui faire tenir. Je l'ai vu à travers ma jaloufie parler longtemps au Barbier Figaro. C'est un bon homme qui m'a

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