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consiste dans la contemplation des choses célestes et l'investigation de la nature.

Parmi les disciples d'Anaximène, on compte encore Diogène d'Apollenie, né dans l'île de Crète. Il enseigna aussi à Athènes, et resta bien au-dessous d'Anaxagoras. Selon lui, le premier élément, la cause de toutes choses, a son principe constitutif dans l'air : l'intelligence n'est qu'un de ses attributs. Au rapport de Diogène Laërce, on lui doit l'énonciation d'une grande maxime logique : «< Celui qui se propose d'enseigner quelque chose doit, avant tout, établir un principe certain et indubitable, et l'exposer dans un langage simple et exact. »

Archélaüs de Milet (444 avant Jésus-Christ), autre disciple d'Anaxagore, transféra définitivement la philosophie à Athènes, et fut le dernier philosophe de l'école d'Ionie proprement dite. Il fit un mélange confus de la doctrine d'Anaxagore et de celle de Diogène, et finit par affecter à l'univers l'attribut de l'infini.

Par rapport au droit naturel, voici, selon Diogène Laërce 1, son principe fondamental : « Les hommes sont nés de la terre; ils ont ensuite établi des cités, créé les arts, institué les lois : la différence entre le juste et l'injuste n'est point fondée sur la nature, mais sur les lois positives. » Cette antiquaille philosophique est redevenue, après bien des siècles, une nouveauté sous la plume de Hobbes.

Parmi les disciples d'Archélaüs, on distingue Démocrite et Métrodore de Lampsaque. D'après saint Augustin 2, il fut aussi le maître de Socrate. Ceci nous conduit à une nouvelle phase de l'esprit philosophique, la fondation de l'Académie.

La secte Académique.

Nous avons déjà dit, dans notre coup d'œil historique sur le scepticisme, en quelles circonstances parut Socrate. Nous ne dirons rien de sa vie ni de sa manière de philosopher, ni de sa mort, qui sont connues de tout le monde. Parmi cette foule de philosophes qui ont paru sur la scène du monde, tous les siècles ont distingué le fils de Sophronisque, et l'ont proclamé le sage par excellence. Il fit deux choses: il exerça une critique victorieuse contre l'esprit dépravé des sophistes, et il s'efforça de restaurer la philosophie. Sa doctrine concernait, avant tout, la pratique : elle

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était morale; mais ensuite il voulut tracer à la raison une ligne également éloignée du scepticisme et des affirmations trop confiantes du dogmatisme.

Socrate est une des grandes figures de l'histoire; cependant nous voyons en lui ce que peut la faiblesse du philosophe livrée à ellemême, et combien cette philosophie, personnifiée dans son plus grand héros, est loin de la lumière véritable qui fit reconnaître la fausseté du polythéisme, ou du courage qui le fit braver publiquement lorsque l'Évangile parut sur la terre. Dans le discours qu'il adressa à ses juges, Sócrate déclara « que sa condamnation ne devait point lui abattre le courage, puisqu'il n'avait été convaincu d'aucun des crimes dont il avait été accusé; et que, ni dans ses sacrifices, ni dans ses serments, il n'avait jamais substitué des dieux nouveaux à Jupiter, à Junon, et autres divinités d'Athènes '."

Ce philosophe n'institua point une école, et ne laissa point d'écrits. Parmi ses disciples, il y en a deux qui nous ont transmis ses maximes, Xénophon et Platon. Ce dernier fut le fondateur de l'Académie, ainsi nommée du nom d'un faubourg d'Athènes où il fixa son école. Platon voyagea en Italie, où il vit les disciples de Pythagore; en Égypte, où il apprit la théologie des prêtres, et en Perse, où il consulta les mages. C'était toujours vers cet Orient, premier berceau du monde, que se dirigeaient d'abord ceux qui voulaient devenir sages. Le fondateur de l'Académie composa sa philosophie de celle d'Héraclite, de Pythagore et de Socrate. Il suivit Héraclite dans la physique, Pythagore dans la métaphysique, et Socrate dans la morale. Nous avons parlé fort au long de sa théorie sur l'origine des idées, et de la destinée que sa philosophie a eue dans le monde.

L'élévation et la justesse des idées de Platon, en ce qui concerne la Divinité et la religion, ont fait penser aux anciens que ce philosophe avait eu quelque communication des livres saints. Il désire et semble pressentir l'arrivée d'un réparateur. « Le parti que nous avons à prendre, dit-il, dans son second Alcibiade, est d'attendre patiemment que quelqu'un vienne nous instruire de la manière dont nous devons nous comporter envers les dieux et les hommes. Mais quand arrivera ce temps, et quel est celui qui nous enseignera tout cela? Je verrais volontiers cet homme-là, qui que ce puisse être.!.... Qu'il vienne incessamment, je suis disposé à faire tout ce qu'il me prescrira, et j'espère qu'il me rendra meilleur; qu'il vienne, ce divin

1 Xenoph., Apol. Socrat.

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que

législateur, imprimer en traits de feu, sur le marbre et l'airain, la
loi antique que les passions et les préjugés ont effacée du cœur de
l'homme; qu'il vienne la proclamer aux quatre coins de l'univers;
qu'il dissipe tous les nuages. Si l'austérité de la loi décourage, si
elle effraie notre faiblesse, qu'il envoie encore un homme juste
dont les vertus servent d'encouragement et de modèle. Il faut
cet homme n'ait pas même la gloire de paraître juste, pour ne pas
être soupçonné de l'être par vanité. Il faut qu'il soit dépouillé de
tout, à l'exception de sa vertu; il faut que, sans nuire à personne,
il soit traité comme le plus méchant de tous; il faut qu'il persévère
jusqu'à la fin dans la justice; qu'il soit fouetté, chargé de fers;
qu'on l'attache en croix; qu'on le fasse expirer dans les plus cruels
supplices. »

De telles paroles proférées par le plus puissant génie de l'antiquité n'ont-elles pas de quoi consterner les philosophes pygmées, qui bafouent la doctrine de cet homme divin après qu'il est venu sur la terre pour enseigner et souffrir?

Platon avait raison de soupirer après une telle doctrine. Malgré la hauteur de sa philosophie, qui pourrait sembler parfois une irradiation céleste, on doit convenir qu'il a plongé souvent encore dans le milieu impur de l'erreur. Outre les vices de sa vie privée, dont je n'ai pas à m'occuper ici, sa doctrine se dément en plusieurs points: il veut la communauté des femmes ; il permet aux pères de tuer leurs enfants lorsqu'ils sont difformes, et aux maîtres de faire mourir leurs esclaves; il permet à tout le monde de s'enivrer par piété, pour honorer le dieu du vin. Voilà des préjugés païens que nulle philosophie ne pouvait déraciner.

Les successeurs de Platon furent Speusippe, son neveu, qui conserva sa doctrine et essaya de coordonner entre elles les sciences; Xénocrate de Calcédoine, qui succéda à Speusippe, et qui fit un mélange de la doctrine de Platon et de celle d'Aristote; Polémon, Cratès et Crantor, qui maintinrent les traditions de cette école. Là, finit la première Académie.

En parlant du scepticisme, nous avons vu comment cette école avait parcouru le cercle du doute universel pour revenir au point de départ. Cette période a ses quatre sectes nouvelles, qui font, avec la première, les cinq académies.

La secte des Péripatéticiens.

Le plus célèbre et le plus digne rival de Platon fut Aristote, né à

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Stagyre en Macédoine, en 384 avant Jésus-Christ. S'étant rendu à Athènes, il fut d'abord disciple du fondateur de l'Académie; puis il se retira à Atarne en Mysie, près de son ami Hermias, dont il épousa la sœur. Bientôt Philippe, roi de Macédoine, le choisit pour précepteur de son fils Alexandre. Il exerça ces fonctions pendant huit ans, ensuite il revint à Athènes, où il fit école dans le Lycée, qui lui fut donné par les magistrats pour y ras sembler les disciples d'Aristote. Le Lycée était un terrain que Périclès avait employé aux exercices militaires. Ses disciples furent nommés Péripatéticiens, du mot grec prat, qui signifie je me promène, parce que Aristote se promenait avec eux en leur don nant ses leçons.

Comme Platon, Aristote eut aussi une doctrine ésotérique, qu'il ne communiquait qu'à un petit nombre d'initiés, et une doctrine ordinaire, qu'il communiquait à ses autres auditeurs. Cependant il publia plus tard dans ses écrits les sciences acroamatiques. Du fond de l'Asie, Alexandre en adressa des reproches au philosophe, qui s'excusa en disant qu'il les avait publiés sans les publier'. L'obscurité de sa métaphysique justifiait cette réponse.

Si nous avions à faire la biographie d'Aristote, nous dirions bien des choses qui ne feraient pas honneur à sa philosophie; mais nous ne parlons ici que des opinions des écoles. Nous avons déjà vu quelle était la ligue profonde de démarcation qui séparait Aristote de Platon, au sujet de l'origine de nos connaissances. Aristote faisait tout dériver de l'expérience sensible; ce fut là le principal point de division entre l'Académie et le Lycée. Nul homme n'embrassa jamais un plus vaste cercle scientifique que le philosophe de Stagyre. La physique, la zoologie, la métaphysique, la morale, la politique, la poésie, la rhétorique, il toucha à tout; mais il s'appliqua principalement à la dialectique, dont il fit un code renfermant toutes les formules possibles de raisonnements; théorie laborieuse et stérile, par le moyen de laquelle on peut disputer sur tout sans rien apprendre. Nous avons vu quelle fut la destinée d'Aristote, et principalement de sa logique dans la suite des siècles. Jamais homme ne fut plus loué et plus déprécié que lui. On ne saurait disconvenir que dans la métaphysique et la morale il ne se soit élevé à une grande hauteur, et qu'il n'ait réduit en démonstrations précises et rigoureuses les aperçus plus ou moins vagues de ses ses prédécesseurs; mais il est souvent rempli de contradictions: il prétend que

Plutarq., in Alex, Aul. Gell., lib. XX, c. v.

Dieu

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est sujet aux lois de la nature, sans prévoyance et sans intelligence de ce qui regarde les hommes; il croit le monde éternel, et, selon l'opinion publique des commentateurs, l'âme mortelle. Il accuse d'imprudence ceux qui veulent ramener les hommes à la croyance d'un seul dieu. Dans sa politique, il approuve que les enfants mal constitués soient mis à mort, et il conseille de faire avorter les femmes pour éviter la trop grande multiplication des citoyens. Du reste, l'obscurité qui règne dans les écrits de ce philosophe a pu souvent donner lieu à des conjectures contradictoires. Avicenne, suivant quelques auteurs, fut assez patient pour lire quarante-trois fois ses livres de métaphysique sans les entendre, jusqu'à ce qu'un commentaire arabe lui en expliqua enfin le sens.

Le successeur d'Aristote, dans l'enseignement du Lycée, fut Théophraste d'Erèse, ville de l'île de Lesbos, dont il nous reste des caractères traduits par La Bruyère. Il fut vanté pour le charme de son style, et on prétend qu'il avait plus de deux mille disciples, dont les plus célèbres furent Straton de Lampsaque et Démétrius de Phalère. C'est à lui que son maître avait confié ses écrits avant sa mort. Il serait trop long de raconter par quelle suite de révolutions ces écrits, copiés, commentés, défigurés, transportés à Rome, chez les Egyptiens et chez les Arabes, sont venus jusqu'à nous à travers les siècles du Bas-Empire et du moyen âge. Patricius, habile écrivain du xve siècle, compte plus de douze mille volumes composés sur la seule philosophie d'Aristote.

La secte des Cyrénaïques.

Le second des disciples de Socrate qui fonda une secte, fut Aristippe, natif de Cyrène en Libye, d'où ses disciples prirent le nom de Cyrénaïques. Ce philosophe vécut en vrai épicurien, dans les plaisirs de la table et dans les amours impurs; il faisait consister le souverain bien dans la volupté, qu'il expliquait par la satisfaction des sens. On conçoit l'affinité d'une telle doctrine avec celle qui fait dériver la connaissance et la certitude des perceptions sensibles, sans vouloir pénétrer plus avant. Aussi, les philosophes de l'école de Cyrène furent confondus par quelques-uns avec les sceptiques. Ils se contentaient de jouir, et affectaient un dédain pour la science physique.

fond

Aristippe vécut splendidement à la cour de Denis le Tyran; il eut de fréquentes querelles avec Diogène le Cynique, et témoigna en toute rencontre l'arrogance classique des philosophes qui se croient nés pour être les précepteurs du genre humain. Le seul.

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