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d'oublier les œuvres profanes. Si des manuscrits de Térence, de Pétrarque, de Froissart, des voyages de Marco Polo, et même du Décaméron de Boccace, contiennent des ornemens d'un style élégant et pur, pourquoi ne pas en faire hommage à ce beau livre de l'Imitation? En un mot, c'est tout un résumé de l'art de l'ornementation des manuscrits, et pour que ce résumé, qui parle aux yeux d'une manière si vive, soit encore plus intelligible, un héritier des bibliothécaires du moyen âge, M. Ferdinand Denis, maître expert en ces curieuses recherches, a donné dans un appendice de l'Imitation l'histoire complète de cet art et de ses gracieux chefs-d'œuvre.

Entre tous les manuscrits que M. Curmer a mis à profit pour composer ce brillant recueil, il en est un qui devait exciter particulièrement son attention c'est le livre d'heures d'Anne de Bretagne, conservé longtemps à la Bibliothèque impériale, et qui appartient aujourd'hui au Musée des Souverains. Quarante-neuf miniatures du plus précieux travail donnent à ce manuscrit une valeur inestimable; c'est le moment où le calligraphe devient un artiste, où le dessinateur d'arabesques s'élève à la dignité de peintre. Qui a dessiné ces figures si suaves et si pieusement recueillies? Qui a su leur donner cet air de calme, de simplicité domestique, joint à une si parfaite élégance? Les noms des peintres ont échappé jusqu'ici à toutes les recherches; on sait seulement que les ornemens qui couvrent les marges du manuscrit appartiennent à Jehan Poyet, le grand enlumineur et historieur comme on l'appelait au xve siècle. M. Curmer ne s'est pas contenté de faire des emprunts à Jehan Poyet pour son Imitation de Jésus-Christ; il a eu l'ambition de reproduire tout le manuscrit, « le plus beau, dit-il, le plus riche, le plus curieux de tous les monumens que nous ont légués les illustres inconnus du moyen âge. » Les quarante-neuf miniatures ont été photographiées, et grâce aux procédés de la gouache la couleur est aussi fidèlement rendue que le dessin. Tous ceux qui ont admiré l'Imitation de M. Gurmer voudront admirer aussi les Heures d'Anne de Bretagne. De telles œuvres font honneur à la fois à l'éditeur qui les entreprend et aux esprits éclairés qui les patronnent. L'Imitation est le spécimen le plus varié, le plus complet d'un art qui a joué un rôle considérable pendant huit ou dix siècles du monde chrétien. Les Heures d'Anne de Bretagne offriront le plus parfait chef-d'œuvre de cet art. Les deux ouvrages, et c'est à ce titre que nous en avons parlé ici, forment en quelque sorte un appendice à toutes les histoires de la culture intellectuelle en Europe. SAINT-RENÉ TAILLANDIER.

Légendes rustiques, texte par George Sand, dessins par Maurice Sand (1).

Il en est des nations comme des individus : elles sentent avant de penser. Lorsque les sociétés se forment, ou que les races se renouvellent, elles éprouvent des impressions collectives qu'elles ne savent pas définir, elles imposent à leur réflexion certaines limites qu'elles ne franchissent que pour entrer dans le domaine du merveilleux. L'imagination peuple de fantômes bizarres ce royaume surnaturel, ouvert seulement aux croyans et aux inspirés. Tout y est étrange et nouveau, et cependant éclairé par un reflet de (1) Chez Morel, 18, rue Vivienne.

la vie réelle. Les choses vulgaires y apparaissent en quelque sorte transfigurées. Dans ces mystérieuses atmosphères, les corps se subtilisent, de même que les esprits acquièrent une certaine densité. Cet idéal des peuples qui naissent est tout à fait semblable à l'idéal que nous nous créons dans les jeunes années de notre vie. Il touche à l'infini en même temps qu'il est resserré par l'horizon le plus prochain. La merveillosité, cette illusion collective qui se transmet par tradition, forme une interminable épopée, dont les esprits les plus humbles et les plus naïfs sont parfois les plus éloquens rhapsodes. La foi et l'espérance, tels en furent les premiers thèmes, tels ils devaient être, sortis du cœur des faibles et des opprimés; mais peu à peu croire et espérer dans la réalité devint une si amère tromperie, que le désespoir envahit jusqu'aux régions surnaturelles, créées cependant pour la consolation des pauvres et des affligés. D'ailleurs le mystère le plus doux finit lui-même par effrayer, et l'empire de la merveillosité fut bientôt abandonné aux choses terribles, aux choses hideuses. Du terrible au burlesque, il n'y a qu'un pas, et l'espace fut bientôt franchi par les esprits forts et les faibles intelligences, même chose, dit-on.

Ainsi se créèrent les légendes et se propagèrent les hallucinations : aux pâles rayons d'un astre sans chaleur, errèrent dans les landes et dans les plaines de blanches figures, tantôt plaintives, tantôt courroucées. La pierre, fouillée par un sculpteur invisible, montra des yeux caves où l'imagination mit une flamme; les arbres emprisonnèrent des âmes, et le sang coula sous la hache du bûcheron; au bord des marais dansèrent des feux bleuâtres, et le long des murs, au détour des buissons, se dressèrent d'étranges animaux pour attendre le paysan attardé. Chaque localité a sa version, mais le fonds reste le même. Avec toutes ces visions, et particulièrement avec celles du Berri, Mme Sand vient de composer douze récits fantastiques qu'accompagnent les dessins de M. Maurice Sand. Ces naïves légendes sont finement racontées, mais l'on se prend à regretter que l'auteur de la Mare au Diable et de la Petite Fadette n'ait point fait de cela quelque roman, car Mme Sand se fût ainsi obligée à croire elle-même à ce merveilleux, au lieu de l'expliquer, et par conséquent de le diminuer. Nous ne sommes pas tellement absorbés par la littérature réaliste, que nous n'aimions encore ces longues histoires racontées à voix basse aux hôtes qui se serrent devant le feu, la porte bien fermée, la vieille horloge accompagnant le récit de son tic tac monotone, tandis qu'au dehors le vent, les feuilles bruissent, et que la terre appartient aux esprits qui reviennent,

A l'heure où l'on entend les chiens hurler dans l'ombre!

Les dessins de M. Maurice Sand offrent les mêmes qualités que les peintures déjà exécutées par ce jeune artiste sous l'influence des paysages et des traditions du Berri. Le Casseu de bois et les Lupins se font remarquer, entre autres, par une composition tout empreinte de l'esprit de ces terribles et naïves légendes. EUGÈNE LATAYE.

V. DE MARS.

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DE LA CIVILISATION MODERNE, par M. CHARLES DE REMUSAT, de l'Académie
Française.....

UNE ANNÉE DANS LE SAHEL, JOURNAL D'UN ABSENT, première partie, par M. EU-
GENE FROMENTIN..

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DJI-SINDYAH, par M. THÉODORE PAVIE... . . . . .

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE, HISTOIRE POLITIQUE ET LITTÉRAIRE.

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UNE ANNÉE DANS LE SAHEL, JOURNAL D'UN ABSENT, seconde partie, par M. Eu-
GENE FROMENTIN.........

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LES VOYAGEURS EN ORIENT. LES PRINCIPAUTES DU DANUBE ET LA CONSTITUTION
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Chronique de LA QUINZAINE, HIStoire politique ET LITTÉRAIRE..

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POLITIQUES DE JOSEPH DE MAISTRE, D'APRÈS SES ŒUVRES ET SA CORRESPONDANCE
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