Vous à qui je défends de parler à personne? CÉLIE Autrefois j'ai connu cet honnête garçon; Et vous n'avez pas lieu d'en prendre aucun soupçon. MASCARILLE. Est-ce là le seigneur Trufaldin? CÉLIE. Oui, lui-même. MASCARILLE. Monsieur, je suis tout vôtre, et ma joie est extrême De pouvoir saluer en toute humilité Un homme dont le nom est partout si vanté Très humble serviteur. TRUFALDIN. MASCARILLE. J'incommode peut-être ; Mais je l'ai vue ailleurs, où m'ayant fait connoître Les grands talents qu'elle a pour savoir l'avenir, Je voulois sur un point un peu l'entretenir. TRUFALDIN. Quoi! te mêlerois-tu d'un peu de diablerie? CÉLIE. Non, tout ce que je sais n'est que blanche magie. MASCARILLE. Voici donc ce que c'est. Le maître que je sers Sous quel astre ton maître a-t-il reçu le jour ? MASCARILLE. Sous un astre à jamais ne changer son amour. CÉLIE. Sans me nommer l'objet pour qui son cœur soupire, Elle n'est pas d'humeur à trop faire connoître MASCARILLE. O merveilleux pouvoir de la vertu magique! CÉLIE. Si ton maître en ce point de constance se pique, Qu'il n'appréhende plus de soupirer en vain 2; MASCARILLE. C'est beaucoup; mais ce fort dépend d'un gouverneur CÉLIE. C'est là tout le malheur 3. MASCARILLE, à part, regardant Lelie. Au diable le fàcheux qui toujours nous éclaire 4 ! CÉLIE. Je vais vous enseigner ce que vous devez faire. Cessez, ô Trufaldin, de vous inquiéter; C'est par mon ordre seul qu'il vous vient visiter, VAR. Je vais en peu de mots vous les découvrir tous. 2 VAR. Qu'il n'appréhende pas de soupirer en vain. 3 Cette situation, dans laquelle des intérêts de cœur se traitent en présence d'un rival, d'un père ou d'un tuteur, à la faveur d'une fiction qui l'empèche d'y rien comprendre, est toujours d'un grand effet au théâtre, quand la fiction est ingénieuse et vraisemblable. Molière l'a employée encore dans la XIV scène du II' acte de l'École des Maris, la x1 scène du III' acte de l'Avare, et la vio scène du II⚫ acte du Malade imaginaire. (Auger.) Éclairer, dans le sens d'espionner. La peste soit la bête! MASCARILLE. TRUFALDIN. Ho! ho! qui des deux croire? Ce discours au premier est fort contradictoire. MASCARILLE. Monsieur, ce galant homme a le cerveau blessé : Ne le savez-vous pas ? TRUFALDIN. Je sais ce que je sai. J'ai crainte ici dessous de quelque manigance. (à Célie.) Rentrez, et ne prenez jamais cette licence. C'est bien fait. Je voudrois qu'encor, sans flatterie, LÉLIE. Je pensois faire bien. MASCARILLE. Oui, c'étoit fort l'entendre. Mais quoi cette action ne me doit point surprendre : Vous êtes si fertile en pareils contre-temps, Que vos écarts d'esprit n'étonnent plus les gens. LÉLIE. Ah! mon Dieu! pour un rien me voilà bien coupable! Le mal est-il si grand qu'il soit irréparable? Enfin, si tu ne mets Célie entre mes mains, Songe au moins de Léandre à rompre les desseins; Qu'il ne puisse acheter avant moi cette belle. De peur que ma présence encor soit criminelle, MASCARILLE, seul. Fort bien. A dire vrai, l'argent Seroit dans notre affaire un sûr et fort agent; Mais ce ressort manouant, il faut user d'un autre. SCÈNE VI. - ANSELME, MASCARILLE. ANSELME. Par mon chef, c'est un siècle étrange que le nôtre ! Les dettes aujourd'hui, quelque soin qu'on emploie. MASCARILLE, à part les quatre premiers vers. ANSELME. Et qui? MASCARILLE. Votre Nérine. ANSELME. Que dit-elle de moi cette gente assassine? MASCARILLE. Pour vous elle est de flamme. ANSELME. Elle? MASCARILLE. Et vous aime tant, Que c'est grande pitié. ANSELME. Que tu me rends content! MASCARILLE. Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure. ANSELME. Mais pourquoi jusqu'ici me les avoir celées? MASCARILLE. Oui, vraiment, ce visage est encor fort mettable; MASCARILLE prend la bourse, et la laisse tomber. La bouche avec la sienne. ANSELME. Ah! je t'entends. Viens çà lorsque tu la verras, MASCARILLE. Laissez-moi faire. ANSELME. Adieu. MASCARILLE. Que le ciel vous conduise! Ah! vraiment, je faisois une étrange sottise, |