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PUBLICO LA.

PUBLIUS VALÉRIUS, à qui le peuple Romain donna, par honneur et par reconnoissance, le surnom de Publicola, et que nous comparerons à Solon, étoit descendu de cet ancien Valérius, qui contribua plus que personne à mettre la paix entre les Romains et les Sabins, et à n'en faire qu'un seul et même peuple; car ce fut lui qui porta les deux rois à une entrevue, et qui les obligea d'écouter des propositions d'accommodement. Quoique Rome fût encore sous la domination des rois, lorsque Publius Valérius entra dans la carrière politique, il acquit beaucoup de considération par son éloquencé et par ses richesses. Il se servoit de l'une avec autant de droiture que de liberté pour le maintien de la justice, et il employoit généreusement les autres au secours de ceux qui en avoient besoin; de sorte qu'il étoit visible que, si l'état se changeoit en république, il y tiendroit le premier rang.

Tarquin-le-Superbe, qui étoit parvenu à l'empire par des voies iniques, et qui exerçoit en tyran son pouvoir, s'étant rendu insupportable, et le peuple s'étant révolté après la mort de Lucrèce, qui s'étoit tuée elle-même, parce que le fils de Tarquin lui avoit fait violence; Lucius Brutus, après s'être mis à la tête de ce parti, alla trouver Valérius pour lui communiquer son dessein. Celui-ci le seconda de toutes ses forces, et par son secours les Tarquins furent chassés de Rome.

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Cet événement ne produisit pas en faveur de Publius Valérius, ce qu'il avoit droit d'en attendre; Brutus et Collatin, mari de Lucrèce, furent élus consuls, et Valérius, offensé de ce qu'on ne l'avoit pas cru capable de défendre la patrie, se retira du sénat, abandonna le barreau, et renonça entièrement à toutes les affaires publiques. Cette conduite affligea vivement le peuple, qui craignit que le ressentiment ne le portât à rétablir les rois, et à ruiner les fondemens de la république encore mal affermie. Mais quand Brutus, qui soupçonnoit d'autres citoyens, voulut faire jurer le sénat sur les sacrifices, et qu'il eut assigné un jour pour recevoir ce serment, Valérius descendit dans la place avec un visage riant, et jura le premier qu'il n'écouteroit jamais aucune proposition de Tarquin, et qu'il lui feroit une guerre éternelle pour la défense de leur liberté.

Les effets répondirent bientôt à ses paroles; car les Tarquins ayant trouvé les moyens de fomenter dans Rome une puissante conjuration, et de mettre dans leur parti les fils même de Brutus, Valérius qui fut le premier instruit du complot, par la voie d'un esclave appelé Vindex, n'hésita pas à se rendre au lieu où étoient réunis les conspirateurs, se saisit de toutes les pièces qui attestoient leur crime, et les traîna eux-mêmes, malgré leur résistance, jusque dans la place.

Après la punition et la mort des conjurés, le peuple, d'une commune voix, nomma Valérius consul; bientôt après, il marcha, avec son collègue Brutus, contre les Tarquins, qui, désespérant de remonter sur le trône par la ruse et par la trahison, s'étoient retirés vers lesToscans, et s'avançoient vers Rome avec une puissante armée.

Les deux armées se mirent en bataille dans des lieux sacrés; celle des Toscans près du bois d'Arsia, et celle des Romains dans la prairie Æsuvienne. Dès le cómmencement du combat, Aruns, fils aîné de Tarquin, et le consul Brutus, se reucontrèrent, moins conduits par le hasard, que poussés par leur haine : car l'un cherchoit le tyran et l'ennemi de sa patrie, et l'autre le principal auteur de sa honte et de son exil. Ils ne se furent pas plutôt aperçus dans la mêlée, que poussant l'un contre l'autre avec plus de fureur que de précaution, et avec plus d'envie de frapper que de soin de se couvrir, ils se tuèrent tous deux. La suite du combat ne fut pas moins sanglante que cette première charge. Le carnage fut horrible et égal des deux côtés; un orage seul put séparer les deux armées.

La nuit étant survenue, Valériùs la passa dans une cruelle agitation, ne sachant à qui la victoire étoit demeurée; car le nombre des morts étoit si égal de part et d'autre, qu'il étoit très-difficile de juger de quel côté étoit resté l'avantage; et chacun des deux partis qui voyoit ce qu'il avoit perdu, et qui ne jugeoit de la perte de l'ennemi que par conjecture, se croyoit plutôt vaincu que vainqueur. Tandis que le silence et la terreur régnoient dans les deux camps, on dit qu'une voix se fit entendre du bois sacré, et prononça distinctement ces mots: qu'Il étoit mort un homme de plus du côté des Toscans que du côté des Romains. C'étoit sans doute quelque voix divine; car dès ce moment les Romains, reprenant courage, remplirent l'air de cris de joie, et les Toscans, effrayés, abandonnèrent leurs retranchemens et prirent la fuite, laissant leur camp au pillage, et près

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