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de ce qui se passoit encore tout cela leur paroissoit-il supportable; mais quand, de sa propre autorité, Romulus vint à partager à ses soldats les terres conquises, et à rendre aux Véiens leurs ôtagés, sans se mettre en peine de ce qu'ils en pensoient, alors ils trouvèrent qu'il faisoit au sénat une injure trop profonde, et comme il disparut quelques jours après, les sénateurs furent soupçonnés d'avoir eu beaucoup de part à sa mort, qui arriva le septième de Juillet, appelé Quintillis.

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Voici comment quelques auteurs racontent ce fait : Romulus étant à une assemblée du peuple, hors de la ville, près du marais appelé le marais de la chèvre, tout d'un coup il se fit de grands changemens dans l'air, et il survint un orage épouvantable. Le jour fut changé en une nuit obscure, l'on entendoit de tous côtés et sans relâche des tonnerres effrayans et des tourbillons de vents impétueux. Pendant ce temps-là, le peuple étonné prit la fuite et se dispersa, il n'y eut que les sénateurs qui restèrent à leur place. L'orage cessé, et le soleil commençant à dissiper les ténèbres, le peuple revint dans le même lieu; et comme il cherchoît et redemandoit son Toi, qu'il ne voyoit plus paroître, les sénateurs lui défendirent d'en faire une plus longue recherche, et lui ordonhèrent de l'honorer et de le révérer comme celui qui avoit été enlevé au ciel, et qui au lieu d'un prince doux et favorable, leur seroit désormais un dieu propice, qui exauceroit tous leurs voeux. Les plus simples, ravís de cette bonne nouvelle, et pleins d'espérance, se retirèrent en adorant dans leur coeur ce nouveau dieu; mais les autres, approfondissant davantage ce mystère, avec un esprit d'animosité et de vengeance, donnoient beaucoup

l'inquiétudes aux sénateurs, car ils les accusoient d'être les seuls meurtriers du roi, et de n'amuser ainsi le peuple par des contes ridicules, que pour cacher leur crime.

A

Ces soupçons avoient déjà produit un effet dangereux sur l'esprit du peuple, lorsqu'un des plus nobles patriciens, et connu pour un des plus vertueux citoyens de la ville, Julius Proculus, qui avoit eu le plus de part à l'amitié et à la familiarité de ce prince, se présenta dans la grande place, et jura devant tout le monde sur ce qu'il y avoit de plus sacré, que comme il revenoit, Romulus lui avoit apparu beaucoup plus grand que de coutume, et couvert d'armes plus éclatantes que le feu ; que lui, tout étonné, lui avoit dit: « Ah! Romulus, que vous avons-nous fait, » et pourquoi nous avez-vous quittés si malheureuse»ment, en nous exposant au plus cruel de tous les repro » ches, et en plongeant toute votre ville dans le plus ⚫ grand deuil où elle puisse se trouver ?» et que Romulus avoit bien daigné lui répondre « Proculus, telle a été la » volonté des dieux, qu'après avoir été aussi long-temps avec les hommes, et avoir bâti, une ville qui doit être la » maîtresse de l'Univers et la plus glorieuse cité du monde, je retournasse ainsi au ciel d'où j'étois descen» du; mais prends courage, et ne manque pas de dire » aux Romains, qu'en s'exerçant aux grands travaux, et » en pratiquant la tempérance et la sagesse, ils s'éleveront » au plus haut degré de puissance où les hommes puissent » parvenir. Pour moi, sous le nom de Quirinus, je serai » désormais votre protecteur et votre dieu tutélaire. »

Ce témoignage, qui parut digne de foi, appaisa la multitude. Romulus avoit cinquante- quatre ans lorsqu'il mourut; il en avoit régné trente-huit.

COMPARAISON

DE THÉSÉE ET DE ROMULUS.

Vorcr les points de comparaison, entre Thésée et Romulus, qui sont les plus remarquables. Nés tous deux clandestinement, ils ont passé tous deux pour enfans des dieux, l'un de Mars, et l'autre de Neptune. Tous deux ont été vaillans et courageux : ils ont tous deux fondé les plus célèbres villes du monde, l'un en bâtissant Rome, et l'autre en fondant Athènes, en réduisant en corps de ville un peuple qui étoit dispersé dans des bourgs : ils ont tous deux, quoiqu'avec des motifs bien différens, et bien plus honorables pour Romulus, enlevé des femmes : ils sont tombés l'un et l'autre dans de grands malheurs domestiques: ils ont souillé leurs mains du sang de leurs proches, et à la fin de leur vie, ils se sont tous deux attiré la haine de leurs concitoyens.

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