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amitié, lui disant qu'il lui devoit déjà deux cents talents; car, puisqu'il s'étoit présenté lui-même, il étoit juste qu'il reçût la récompense qui avoit été promise à celui qui le lui ameneroit. Il lui fit ensuite de plus grandes promesses, le rassura entièrement, et lui ordonna de dire avec une pleine confiance tout ce qu'il avoit à proposer sur la Grèce. Thémistocle lui répondit : « Que le » discours de l'homme ressemble proprement à une tapis» serie à personnages, car l'un et l'autre, en se dévelop» pant, étalent les images; au lieu qu'ils les cachent et » les gâtent en demeurant resserrés et pliés ; qu'ainsi il » avoit besoin de temps pour développer son discours. » Le roi, charmé de cette comparaison, lui permit de demander tout le temps qu'il voudroit. Thémistocle demanda un an ; et dans ce temps-là, ayant suffisamment appris la langue des Perses, il parla au roi sans truche

ment.

On crut d'abord que Thémistocle n'avoit entretenu le roi que des affaires de la Grèce; mais les changemens qui survinrent à la cour, à cette époque, le rendirent suspect aux grands seigneurs, qui crurent qu'il avoit eu l'audace de parler librement au roi sur leur compte. Aussi les honneurs que le roi faisoit aux autres étrangers n'approchoient pas de ceux qu'il faisoit à Thémistocle. Il le menoit à la chasse, lui faisoit partager tous ses plaisirs, et s'entretenoit familièrement avec lui. Il le présenta même à la reine sa mère, qui l'honora de son affection et lui donna les entrées chez elle. Il voulut aussi qu'il apprît la magie, qui étoit alors la philosophie des Perses.

La plupart des auteurs assurent que le roi lui donna trois villes pour son pain, pour son vin et pour sa viande,

savoir: Magnésie, Lampsaque et Myonte; Percore et Palaescepsis, pour ses meubles et pour ses habits.

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Pendant que Thémistocle jouissoit paisiblement des bienfaits de Xercès, on apprit que l'Egypte, assistée des Athéniens, s'étoit révoltée ; que les vaisseaux des Grecs s'étoient avancés jusqu'à l'île de Cypre et des côtes de Cilicie, et que Cimon étoit maître de la mer. A cette nouvelle, Xercès ordonna qu'on levât partout des troupes, et fit partir des couriers vers Thémistocle, qui étoit alors à Magnésie, pour l'engager à prendre en main la conduite de cette guerre contre les Grecs, et d'accomplir les promesses qu'il avoit faites.

Thémistocle ne put être tenté de se mettre à la tête de cette expédition, ni par le ressentiment qu'il conservoit contre sa patrie, ni par la gloire de se voir élevé à ce haut point de puissance et d'autorité. Il craignit sur-tout de voir déshonorer ses grandes actions et ses anciens trophées, par cette lâcheté. Pour se mettre donc à couvert de ce malheur, il prit la généreuse résolution de terminer sa vie par une fin digne de lui. Il fit un sacrifice solennel auquel il appela ses amis; et après les avoir embrassés et leur avoir fait les derniers adieux, il but du sang de taureau, ou, selon d'autres, il avala un poison fort prompt, et mourut ainsi à Magnésie, âgé de soixantecinq ans, dont il avoit passé la plus grande partie dans le gouvernement de la république et dans le commandement des armées. Le roi, ayant appris la cause et le genre de sa mort, l'estima et l'admira encore davantage, et continua de traiter favorablement ses amis et ses domestiques.

FURIUS CAMILLUS.

FURIUS Camillus fut le premier de la maison des Fu

rius, qui acquit une grande réputation. Jeune, il se signala dans la fameuse bataille contre les Eques et les Volsques, où il n'étoit que simple cavalier. Ce fut lui qui commença la charge, en poussant son cheval entre les deux armées ; quoiqu'il eût reçu un coup de javeline à la cuisse, il ne se retira point, il arracha lui-même le fer de sa plaie, et il attaqua avec tant d'impétuosité les plus vaillans qu'il les mit en fuite. Cette action lui fit donner la charge de censeur, qui étoit alors très-considérable.

Dans cette charge, il fit deux choses remarquables: il obligea par ses remontrances et par des amendes ceux qui n'étoient pas mariés à épouser les veuves, qui étoient en fort grand nombre; et il imposa les orphelins, qui, jusqu'alors, avoient été exempts de toutes contributions.

Dans la dixième année du siége de Veïes, le sénat ayant déposé tous les autres magistrats, créa dictateur Furius Camillus, qui nomma pour général de la cavalerie, Cornélius Scipion, et promit que, s'ils donnoient une heureuse fin à cette guerre, il célébreroit les grands jeux, et rebâtiroit le temple de la déesse, que les Romains appellent la mère Matuta, et qui est la même que Leucothoé.

Après avoir fait ces vœux, Camillus marcha contre

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