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moëns au Portugal, Ercilla à l'Espagne, Milton à l'Angleterre, Voltaire à la France, Klopstock à l'Allemagne : il n'a pas besoin de mes éloges.

Pour nous le côté intéressant des poèmes de ce sublime génie, est leur action sur la liberté de la Grèce. Lycurgue les apporta à Sparte et voulut que ses compatriotes y puisâssent cet enthousiasme guerrier qui met les peuples à l'abri de la servitude étrangère. Solon fit des loix expresses en faveur de ce même Homère qui comme historien, ne s'offre pas sous des rapports moins précieux. Aux seuls Athéniens il donne le nom de peuple, aux Scythes l'appellation des plus justes des hommes, et souvent caractérise ainsi, par un seul trait, la politique et la morale de l'antiquité.

Les ouvrages d'Hésiode sont pleins des plus excellentes maximes. Le Poëte ne voyoit pas les hommes sous des couleurs riantes. Il respire cette mélancolie antique qui semble être le partage des grands génies. On sait que Virgile a puisé dans les Travaux et les Jours, l'idée de ses Géorgiques. C'est de la belle description de l'Age d'Or qu'il a tiré ce morceau ravissant :

A

O fortunatos! nimium, sua si bona norint
Agricolas !

L'influence d'Hésiode sur son siècle dut être considérable, dans un temps où l'art d'écrire en prose étoit à peine connu. Ses poèsies tendoient à remener les hommes à la nature; et la morale revêtue du charme des vers, a toujours un effet certain.

Thalès de Crète, poète et législateur, dont nous

ne connoissons plus que le nom, fut le précurseur des loix à Lacédémone. Il consentit par amitié pour Lycurgue à se rendre à Sparte et à préparer par la douceur de ses chants et la pureté de ses dogmes, les esprits à la révolution. Ces grands hommes savoient qu'il ne faut pas précipiter toutà-coup les peuples dans les extrêmes, si l'on veut que les réformes soient durables. Il n'est point de révolution, là où elle n'est pas opérée dans le cœur. On peut détourner un moment par force le cours des idées; mais si la source dont elles découlent, n'est changée, elles reprendront bientôt leur pente ordinaire.

Ainsi les philosophes de l'antiquité adoucis soient les traits de la sagesse, en lui prêtant les grâces des Muses. Parmi les modernes, les Anglois ont eu l'honneur d'avoir appliqué les premiers la poésie à des sujets utiles aux hommes. Quant à nous, nous avons été préparés aux bonnes mœurs pár la Pucelle et d'autres ouvrages que je n'ose

nommer.

CHAPITRE XVI.

Siècles moyens.

LE siècle qui suivit immédiatement celui de Lycurgue fournit les noms de quelques législa teurs mais leurs écrits ne nous sont pas parvenus.

Dans l'âge subséquent, parut Tyrtée dont les chants firent triompher l'injustice; Archiloque plein de crimes et de génie, qui donna le premier exemple d'un homme qui ose publier l'histoire

intérieure de sa conscience, à la face de l'univers; Hipponax, exhalant le fiel et la haine. L'esprit des temps perce à chaque vers de ces poètes. La véhémence et l'enthousiasme dominent dans les passions qu'ils ont peintes. Ce fut le siècle de l'énergie, quoique ce ne fut pas celui de la plus grande liberté. La remarque n'est pas frivole: elle décèle cette fermentation qui devance et annonce le retour périodique des révolutions des peuples.

Dracon fleurissoit aussi à la même époque. Il avoit composé un ouvrage que J. J. Rousseau nous a donné dans son sublime Emile. C'étoit un traité de l'éducation, où, prenant l'homme à sa naissance, il le conduisoit à travers les misères de la vie jusqu'à son tombeau. Le destin des deux révolutions Grecque et Françoise fut d'être précédées à-peu-près par les mêmes écrits.

Epiménide chercha comme Fénélon à ramener les hommes au bonheur par l'amour et le respect des dieux. Si je ne craignois de mêler les petites choses aux grandes, je dirois encore, qu'il a payé son tribut à notre révolution, en fournissant à M. Flins le sujet de son ingénieuse comédie. *

Malheureusement nous n'avons ici que des dif férences. Quelle comparaison pourrions-nous découvrir entre les livres d'un âge moral et ceux des temps du Régent et de Louis XV? C'est envain que nous nous abusons: si, malgré Condorcet, et la troupe des philosophes modernes, nous

Le Réveil d'Epimenide.

jugeons du présent par le passé; si un siècle renferme toujours l'histoire de celui qui le suit; je sais ce qui nous attend.

CHAPITRE XVII.

Siècle de Solon.

C'EST ici l'époque d'une des plus grandes révolutions de l'esprit humain, de même qu'elle le fut d'un des plus grands changemens en politique. Toutes les semences des sciences, fermentées depuis long-temps dans la Grèce, y éclatèrent à la fois. Les lumières ne parvinrent pas, comme de nos jours, au zénith de leur gloire; mais elles atteignirent cette hauteur médiocre, d'où elles éclairent les hommes, sans les éblouir. Ils y voient alors assez pour tenir le chemin de la liberté ; et non pas trop pour s'égarer dans les routes inconnues des systêmes. Ils ont cette juste quantité de connoissances, qui nous montrent les principes; sans avoir cet excès de savoir, qui nous porte à douter de leur vérité. La tragédie prit naissance sous Thespis; la comédie, sous Susarion; la fable, sous Esope; l'histoire, sous Cadmus; l'astronomie, sous Thalès; la grammaire, sous Simonide. L'architecture fut perfectionnée par Memnon, Antimachide; la sculpture, par une multitude de statuaires; mais surtout la philosophie et la politique prirent un essor inconnu. Une foule de publicistes et de législateurs parurent

tout-à coup dans la Grèce et donnèrent le signal d'une révolution générale. Ainsi les Locke, les Montesquieu, les J. J. Rousseau, en se levant en Europe, appellèrent les peuples modernes à la liberté.

Jettons d'abord un coup-d'œil sur les beaux

arts.

CHAPITRE XVIII.

Poésie à Athènes. Anacréon, Voltaire. Simonide, Fontanes. Sapho, Parny. Alcée. Esope. Nivernois. Solon, les deux Rousseau.

PISISTRATE, en usurpant l'autorité souveraine, avoit senti que pour la conserver chez un peuple volage, il falloit l'amuser par des fêtes. 'On retient plus facilement les hommes avec des fleurs qu'avec des chaînes. Il remplit sa patrie des monumens du génie et des arts. Ses fils, imitant son exemple, firent de leur cour le rendezvous des beaux esprits de la Grèce. La capitale de l'Attique retentissoit, comme celle de la France, du bruit des vers, et des orgies. Ecoutons le chantre octogénaire de Téos, et le vieillard de Ferney, au milieu des cercles brillans de Paris et d'Athènes :

"Que m'importent les vains discours de la rhétorique? Qu'ai-je besoin de tant de paroles inutiles? Apprenez-moi plutôt à boire du jus vermeil de Bacchus; à folâtrer avec l'amoureuse Vénus, aux cheveux d'or. Garçon, couronne ma tête blanchie par les ans. Verse du vin pour assoupir mon âme.

F

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