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les Grecs, et les François perdent leurs vertus sur le même champ, où ils obtiennent la victoire.

Depuis ce moment, l'ambition des conquêtes et la soif de l'or, remplacèrent l'enthousiasme de la liberté. Les Grecs, conduits par d'autres généraux, non moins célèbres que les premiers,* parcoururent les rivages de l'Asie, de l'Afrique, de l'Europe, brûlant, pillant, détruisant tout sur leur passage, levant des contributions forcées et faisant vivre leurs armées à discrétion chez les nations vaincues. Je n'ai pas besoin de rappeller au lecteur l'incendie de l'Italie, les réquisitions, les spoli. ations des temples; les ravages des François dans le Brabant, en Allemagne, en Hollande, &c. J'ai dit ailleurs quelle fut la conséquence d'une telle conduite pour la Grèce. Le peuple d'Athènes, volage et cruel, qui s'étoit le plus distingué dans ces coupables excès, s'attira d'abord la guerre des Alliés; et finit par succomber dans celle du Péloponèse.

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Depuis la bataille de Platée jusqu'à la pacifieation générale, il s'écoula 30 années. Mais dans cet intervalle, les différens coalisés avoient traité partiellement avec le vainqueur. Les Carthaginois commencèrent, la Macédoine suivit; ensuite

* Les autres généraux dont il est parlé ici, sont: Cimon qui conquit la presqu'île de Thrace; et Myronidès qui s'empara de la Phocide et de la Béotie, &c.

+480 A. J. C.

Probablement après la bataille de Platée et la défaite complète des Perses, 479 A. J. C.

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les îles voisines, et différens Etats. Les uns se rachetèrent à force d'argent* d'autres furent contraints de se déclarer contre les Perses.† Ceci nous retrace la Prusse, l'Espagne, les petits princes d'Italie et d'Allemagne. Enfin, Artaxerxèst fatigué d'une guerre inutile, s'abaissa à demander la paix en suppliant. Voici les conditions qu'on daigna lui dicter. 1: Que ses galères armées ne pourroient naviguer dans les mers de la Grèce, 2. Que ses troupes ne s'approcheroient jamais à plus de trois jours de marche des côtes de l'AsieMineure. 3. Qu'enfin, les villes Ioniennes seroient déclarées indépendantes. Puisque les Perses avoient eu la folie d'entreprendre la guerre, ils devoient la soutenir noblement, n'eût-ce été que pour obtenir des conditions moins honteuses. Ce traité d'Artaxerxès fut le coup mortel, qui livra l'empire de Cyrus à Alexandre. Il en arriva au Grand Roi comme à plusieurs souverains de l'Europe moderne: il conclut, par lassitude, une paix ignominieuse au moment où il auroit pu en commander une en vainqueur. Les Grecs n'étoient déjà plus les Grecs de Platée. On ne parloit plus à Athènes que de la conquête de l'Egypte, de Carthage, de la Sicile: agrandir la république, amener toutes les puissances enchaînées à ses pieds, étoit la seule idée qui demeurât en possession des esprits.-Ainsi nous avons vu les François ne savoir plus où fixer les

*Telles que Thasos, Scyros, &c.

+ Les villes de Carie et de Lycie.
Il avoit succédé à Xerxès assassiné.

limites de leur empire.

Le Rhin, durant un

moment, leur offroit une frontière trop resserrée. Lorsqu'Athènes se flatta de conquérir le monde, le jour qui devoit la livrer à Lysander étoit venu.

Ainsi passa ce fléau terrible, né de la révolution républicaine de la Grèce. Depuis la première invasion des Perses* sous Darius, l'an 490 avant notre ère, jusqu'à l'époque du traité de paix sous Artaxerxès, l'an 449 même chronologie, il étendit ses ravages dans une période de 41 années. Jamais guerre (de même que la guerre de la révolu tion) ne commença avec de plus flatteuses espérances de succès, et ne finit par de plus grands revers,

CHAPITRE XLII.

Différence générale entre notre Siècle et celui où s'opéra la Révolution Républicaine de la Grèce.

APRES avoir examiné les rapports qui se trouvent entre la révolution républicaine de la Grèce et celle de la France, on ne peut, sans partialité, s'empêcher de considérer aussi leurs différences. Nous ne cherchons point à surprendre la foi des lecteurs, et à diriger leur opinion. Notre désir est d'éloigner de cet ouvrage tout esprit de systême, en exposant avec candeur la vérité.

* J'appelle la première invasion ce qui n'étoit effectivement que la seconde, Mardonius en ayant tenté une première sans succès avant Datis.

Il en est des corps politiques comme des corps célestes: ils agissent et réagissent les uns sur les autres, en raison de leur distance et de leur gravité. Si le moindre accident venoit à déranger le plus petit des satellites, l'harmonie se romproit en même temps partout; les corps se précipiteroient les uns sur les autres; un cahos remplaceroit un Univers; jusqu'au moment, où toutes ces masses, après mille chocs, et mille destructions, recommenceroient à décrire des courbes régulières, dans un nouveau systême.

En Grèce, une petite ville exile un tyran, et la commotion se fait sentir aussitôt aux extrémités de l'Europe et de l'Asie; mille peuples brisent leurs fers ou tombent dans l'esclavage; le trône des Cyrus est ébranlé, et le germe de tous les événemens, de tous les troubles futurs se déploye. Chaque révolution est à la fois la conséquence et le principe d'une autre; ensorte qu'il seroit vrai à la rigueur de dire, que la première révolution du globe a produit de nos jours celle de France.

Veut-on se convaincre de cette fatalité qui régle tout, qui se trouve en raison dernière de tout, et qui fait que si vous retranchiez un pied à l'insecte qui rampe dans la poussière, vous renverseriez des mondes? Supposez, pour un moment, que l'événement le plus frivole se fût passé autrement à Athènes qu'il n'est réellement arrivée; qu'il y eût existé un homme de moins, ou que cet homme n'eût pas occupé la même place; par exemple, Epycide l'emportant sur Thémistocle? Xerxès

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réduisoit la Grèce en servitude; c'en étoit fait des Socrate, des Platon, des Aristote; le rusé Philippe vieillissoit sous le fouet de son maître; Alexandre mouroit sur le Cothurne, ou brigand, sur la croix Tyrienne; d'autres chances se déve loppoient; d'autres Etats se levoient sur la scène, les Romains rencontroient d'autres obstacles à combattre l'Univers étoit changé.

Lorsqu'on vient à jetter les yeux sur l'état des hommes, lors de l'établissement des gouvernemens populaires à Sparte et à Athènes, et sur la position des peuples, à l'instant de l'abolition de la royauté en France, on est d'abord frappé d'une différence considérable. Au moment de la révolution de la Grèce, tout, ou presque tout se trouvoit république ; tout, ou presque tout monarchie, à l'époque de la révolution Françoise. Dans le premier cas, c'étoient des gouvernemens populaires, qui devoient agir sur des gouvernemens populaires : dans le second, une constitution républicaine, heurtoit des constitutions royales. Or, plus les corps en collision sont de matière hétérogène, plus l'inflammation est rapide. Il faut donc s'attendre que l'effet des mouvemens révolutionnaires de la France surpasse infiniment celui des troubles de la Grèce. N'avançons rien sans preuves.

Où la plus grande secousse se fit-elle sentir à l'époque des troubles de ce dernier pays? En Perse. Pourquoi ? Parce que ce fut là que les principes politiques se choquèrent avec le plus de violence. Mais ceci nous découvre une seconde disparité.

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