Page images
PDF
EPUB

soit puni. Que le novateur proposant un changement dans les loix antiques, se présente la corde au cou afin d'être étranglé, si son statut est rejetté."

Zaleucus fondoit sa législation sur le principe du théisme: "Dieu excellent, demande des âmes pures, charitables et aimant les hommes." Les loix somptuaires de ce philosophe, montrent son peu de connoissance de l'humanité. Il crut bannir le luxe et dévoiler la corruption, en laissant aux gens de mauvaises mœurs, l'usage exclusif des riches parures. Il ne vit pas qu'il n'en coûtoit au citoyen diffamé qu'un masque de plus, l'hypocrisie, pour paroître honnête homme. Ce n'étoit pas la peine de lui laisser ses vices, et d'en faire de plus un comédien.

CHAPITRE XXXIII.

Influence de la Révolution d'Athènes sur la GrandeGrèce.

L'INFLUENCE de la révolution de la Grèce sur ses colonies d'Italie fut considérable et dans un sens excellent. Crotone et Sybaris, au moment du renversement de la monarchie à Athènes, étoient, de même que les colonies de la France l'ont été, plongées dans les horreurs des guerres civiles, et ravagées par des brigands. C'est une

* C'est ce qui se prouve par la mort de Charondas. On sait

chose remarquable, que les rameaux d'un Etat surpassent bientôt le tronc paternel en luxe et en beauté vicieuse. Des hommes laissés sur une côte déserte, se croient tout-à-coup délivrés du frein des loix; et, loin de l'œil du magistrat, s'abandonnent aux désordres de la société, sans avoir les vertus de la nature. La fertilité d'un sol nouveau les élève bientôt à la prospérité: et de ces deux causes combinées, résultent ce mêlange de richesses et de mauvaises mœurs, qu'on trouve dans les colonies.

Quoiqu'il en soit, la révolution républicaine de France a précipité la destruction des îles de l'Amérique; tandis que l'établissement du gouvernement populaire à Athènes, retarda au contraire, celle des villes Grecques d'Italie. Athènes, plaignant le sort de ces malheureuses cités, fit partir une nouvelle association de ses citoyens qui rétablit le calme et bâtit une ville* à laquelle Charondas donna des loix. Mais ces réformes ne fu rent que passagères. La corruption avoit jetté des racines trop profondes, pour être désormais extirpées; et la maladie du corps politique, ne pouvoit finir que par sa mort.

qu'il se perça de son épée, pour être entré en armes, contre ses propres loix, dans l'assemblée du peuple en revenant de poursuivre des brigands.

[blocks in formation]

CHAPITRE XXXIV.

La Sicile.

A l'extrémité de la Grande-Grèce se trouvoit P'île de Sicile,* où l'on comptoit déjà plusieurs villes célèbres. Nous ne nous arrêterons qu'à Syracuse, qui occupa une place si considérable dans l'histoire des hommes.

Archias, Corinthien, avoit jetté les fondemens de cette colonie, vers la 4ème année de la 17ème olympiade. Depuis cette époque jusqu'aux beaux jours de la liberté en Grèce, on ignore presque sa destinée. Si l'obscurité fait le bonheur, Syracuse fut heureuse.

Il lui en coûta cher pour ces instans de calme. On ne jouit point impunément de la félicité. Ce n'est qu'une avance que la nature vous a faite, sur la petite somme des joies humaines. On n'est heureux que par exception et par injustice: si vous avez eu beaucoup de prospérités, d'autres ont dû beaucoup souffrir; parce que la quantité des biens étant mesurée, il a fallu prendre sur eux pour vous donner; mais tôt ou tard vous serez tenus à rembourser à gros intérêt: quiconque a été très-fortuné, doit s'attendre à de très-grands revers de ceci les Syracusains sont un exemple. Depuis le moment de l'invasion de Xerxès en

* Elle porta tour-à-tour le nom de Trinacrie, Sicanie, et Sicile; et avant tout, celui de pays des Lestrygons.

Grèce, jamais peuple n'offrit un plus étonnant spectacle. Une révolution étrange et continuelle commença son cours, et ne finit qu'à la prise de la métropole par les Romains. Ce fut une chose commune que de voir les rois tombés du faîte des grandeurs, au plus bas degré de la fortune; monarque aujourd'hui, pédagogue demain. N'anticipons pas ce grand sujet.

La forme du gouvernement en Sicile avoit été républicaine, jusques vers le temps de la chûte des Pisistratides à Athènes. Les mœurs, la politique, la religion, étoient celles de la mère-patrie. Un historien, nommé Antiochus, plusieurs sophistes, quelques poëtes,* avoient déjà paru. Bientôt cette île célèbre devint le rendezvous des beaux esprits de la Grèce, Ils y acoururent de toutes parts, allêchés par l'or des tyrans, qui s'amusoient de leur bavardage politique et de leurs dissentions littéraries.t

*Stesichore, Parmenide, &c.

+ Pindare appelloit, à la cour d'Hierion, ses rivaux Simonide et Bacchylide, des corbeaux croassant, et ceux-ci le rendoient en aussi bonnes plaisanteries au Lyrique. D'une autre part, le poëte Simonide débitoit gravement des maximes politiques au tyran cacochime et de mauvaise humeur, qui sans doute se rappelloit que le flatteur d'Hipparque avoit aussi élevé les assassins de ce même prince aux nues. Pindare de son côté harrassoit les muses, pour célébrer les chevaux d'Hierion, &c. Quand done est-ce que les gens de lettres sauront se tenir dans la dignité qui convient à leur caractère? Quand ne chanteront-ils que la vertu, quand cesseront-ils d'encenser les tyrans, de quelques noms que ceux-ci se revêtissent ?

Que la réaction du renversement de la monarchie en Grèce fut grande, prompte et durable sur la Sicile, c'est ce que nous avons déjà entrevų ailleurs.* Syracuse, par le contre-coup de la chûte d'Hippias, se vit attaquée des Carthaginois. Elle obtint la victoire en même temps qu'elle se forgea des chaînes. Les Syracusains, par reconnoissance, élevèrent Gélon, leur général, à la royauté. Ainsi au gré de ces chances, mères des vertus et des vices, de la réputation et de l'obscurité, du bonheur et de l'infortune, la même révolution qui donna la liberté à la Grèce, produisit l'esclavage en Sicile.

Un sujet plus aimable nous appelle. Il est doux de ramener ses yeux, fatigués du spectacle des vices, sur les scènes tranquilles de l'innocence. En traversant la mer Adriatique, nous allons chercher aux bords de l'Ister,† les vertus que nous n'avons su trouver sur les rivages de l'Italie. On peut s'arrêter quelques instans avec une sorte d'intérêt dans une société corrompue, mais le cœur ne s'épanouit qu'au milieu des hommes justes.

CHAPITRE XXXV.

Les trois Ages de la Scythie et de la Suisse.+ LES heureux Scythes, que les Grecs appelloient barbares, habitoient ces régions Septentrionales qui

A l'article Carthage.

+ Le Danube.

Je vais présenter au lecteur l'âge sauvage, pastoral, agricole, philosophique et corrompu, et lui donner ainsi, sans sortir du sujet, l'index de toutes les sociétés, et le tableap racourci, mais complet, de l'histoire de l'homme.

« PreviousContinue »