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peuples de la France, ont aussi un caractère à eux. Ils semblent avoir conservé le génie factieux de leurs fondateurs, leur courage bouillant et éphémère, leur enthousiasme de liberté. On nie le pouvoir du sang; mais il est certain que, les races d'hommes se perpétuent comme les races d'animaux. C'est pourquoi les anciens législateurs, vouloient qu'on n'élevât que des enfans forts et robustes; comme on prend soin de ne nourrir que des coursiers belliqueux.

CHAPITRE XXX.

L'Italie.

L'ITALIE, à l'époque de la révolution républicaine en Grèce, étoit, ainsi que de nos jours, divisée en plusieurs petits Etats à-peu-près semblables de mœurs et de langage. Nous les considérerons à la fois, pour éviter les détails inutiles. La constitution monarchique régnoit généralement chez tous ces peuples.

Leur religion ressembloit à celle des Grecs; ils y ajoutèrent l'art des augures.

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Leurs coutumes n'étoient pas sans luxe; leurs usages sans corruption; l'un et l'autre y avoient été introduits par les cités de la grande Grèce.

* Au siècle le plus vertueux de Rome, le fils du grand Cincinnatus, fut accusé de fréquenter le quartier des courtisannes. On connoît le luxe du dernier Tarquin.

Déjà ces nations comptoient quelques philo sophes :

Tages, le plus ancien d'entr'eux, fut un imposteur, ou un insensé, qui inventa la science des présages.

Un autre auteur inconnu, écrivit sur le systême de la nature. Il disoit, que le monde visible mit soixante siècles à éclore, avant d'être habité; qu'il en dureroit encore soixante avant de se dissoudre ; fixant à douze mille ans la période complète de son existence. *

En politique, Romulus et Numa avoient brillé. Plutarque a comparé celui-là à Thésée, et celui-ci à Lycurgue. Le premier parallèle est aussi heureux, que le second semble intolérable. Qu'avoient de commun les loix théocratiques du Roi de Rome, avec les institutions sublimes du législateur de Sparte? Plusieurs philosophes se sont enthousiasmés de Numa, sur la seule idée qu'il étudia sous Pythagore. La chronologie a prouvé un intervalle de plus d'un siècle, entre l'existence de ces deux sages. Que devient le mérite du premier? Il y a beaucoup d'hommes qu'on cesseroit d'estimer, si on pouvoit ainsi relever toutes les erreurs de compte.

* A la longueur des périodes près, ce systême rappelle celui de Buffon.

† La preuve du vice de ces loix, c'est qu'elles furent renversées cent années après; et que le Sénat, dans la suite, fit brûler les livres de Numa, retrouvés dans son tombeau.

CHAPITRE XXXI.

Influence de la Révolution Grecque sur Rome.

A l'époque de l'établissement des républiques en Grèce, une grande révolution s'étoit pareillement opérée en Italie. L'année qui vit bannir le tyran de l'Attique, vit aussi tomber celui du Latium. Que si l'on considère les conséquences de ces deux événemens, cette année passera pour la plus fameuse de l'histoire.

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La réaction du renversement de la monarchie à Athènes fut vivement sentie à Rome. Brutus avoit été envoyé par Tarquin vers l'oracle de Delphes à l'époque de la chûte d'Hippias.* Je ne puis croire que le cœur du patriote, ne battit pas avec plus d'énergie, lorsqu'en sortant de son pays esclave, il mit le pied sur cette terre d'indépendance. Le spectacle d'un peuple en fermentation et prêt à briser ses fers, dût porter la flamme dans le sang du magnanime étranger. Peut-être au récit de la mort d'Harmodius, raconté par quelque prêtre du temple, le front rougissant de Brutus dévoila-t-il toute la gloire future de Rome. Il re

* Tite-Live qui rapporte ce voyage, n'en marque pas la durée; mais il dit que Brutus trouva à son retour, les Romains se préparant à aller assiéger Ardée. Or Tarquin fut chassé de Rome dans les premiers mois de cette entreprise. Hippias ayant quitté l'Attique l'année même de la mort de Lucrèce; il résulte que Brutus avoit fait le voyage de Delphes, entre l'assassinat d'Hipparque et la retraite d'Hippias, c'est-à-dire entre le 66ème et-la 67ème Olympiade.

tourna aux bords du Tibre, non vainement inspiré de cet esprit qui agite une foible Pythie; mais plein de ce dieu qui donne la liberté aux empires, et ne se révèle qu'aux grands hommes.

Rome, dans la suite, eut encore recours à la Grèce; et les Athéniens devinrent les législateurs du premier peuple de la terre. Ceci tient à l'influence éloignée de la révolution, dont je parlerai ailleurs.

Mais la politique verbeuse de l'Attique, qui entroit en Italie par le canal de la grande Grèce, trouva une barrière insurmontable dans l'heureuse ignorance des peuples de l'intérieur. Le citoyen, accoutumé aux exercices du Champ de Mars, à l'obéissance des loix et à la crainte des dieux, n'alloit point dans des écoles de démagogie, apprendre à vociférer sur les droits de l'homme et à bouleverser son pays. Les magistrats veilloient à ce que des lumières inutiles ne corrompissent la jeunesse. Rome enfin opposa à la Grèce république à république, liberté à liberté, et se défendit des vertus étrangères avec ses propres

vertus.

Que si l'on s'étonne de ceci: je n'ai pas dit vertu, mais vertus, choses totalement différentes, et que nous confondons sans cesse. La première est immuable, de tous les temps, de toutes les choses. Les secondes sont locales, conventionnelles; vices ici; vertus ailleurs. Distinction peu juste, répliquera-t-on, puisqu'alors vous faites de la vertu un sentiment inné; et que cependant les

Et pourquoi

enfans semblent n'en avoir aucune. demander du cœur ses fonctions les plus sublimes, lorsque le merveilleux ouvrage est entre les mains de l'ouvrier?

Qu'on ne dise pas qu'il soit futile, de s'attacher à montrer le peu d'influence, que l'établissement des gouvernemens populaires, parmi les Grecs, dut avoir à Rome; objectant que celle-ci étant républicaine, des républiques ne pouvoient agir sur elle. La France n'a-t-elle pas détruit Genève, la Hollande, Gênes, et Venise, et ébranlé la Suisse ? N'a-t-elle pas été sur le point de bouleverser l'Amé rique même ?

CHAPITRE XXXII.

La Grande-Grèce.

SUR les côtes de l'Italie, les Athéniens, les Achéens, les Lacédémoniens, à différentes époques, avoient fondé plusieurs colonies; et c'est ce qu'on appelloit la Grande-Grèce. Entre ces cités, Sybaris, Crotone, Tarente, devinrent bientôt célèbres par leurs dissentions politiques, leurs mauvaises mœurs et leurs lumières. De même qué les peuples dont elles tiroient leur origine, elles chérissoient la liberté, qu'elles ne savoient retenir. Tour-à-tour républiques, ou soumises à des tyrans, elles passoient, par un cercle de révolutions continuelles, de la licence la plus effrenée, au plus honteux esclavage.

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