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PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE

PREMIÈRE PARTIE

PUBLIÉE

AVEC UNE PRÉFACE ET UNE TABLE DE DESCARTES

UNE INTRODUCTION ET DES NOTES

PAR T.-V. CHARPENTIER

Professeur de philosophie au lycée Louis-le-Grand

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cic

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

1892

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INTRODUCTION

De tous les grands systèmes que la philosophie moderne a produits, le Cartésianisme est, à la fois, le plus ancien et le plus important. Au dix-septième siècle, son influence est absolument dominante; au dix-huitième, elle semble diminuer un peu; de nos jours, elle prend une force nouvelle. Un des observateurs les plus pénétrants des choses de notre temps, M. Sainte-Beuve, a écrit :

« Fontenelle a fort bien dit, dans sa petite Digression sur les Anciens et les Modernes: Ce qu'il y a de principal dans la philosophie et ce qui de là se répand sur tout, je veux dire la manière de raisonner, s'est singulièrement perfectionné dans ce siècle... Avant M. Descartes, on raisonnait plus commodément; les siècles passés sont bien heureux de n'avoir pas eu cet homme-là. C'est lui, à ce qu'il me semble, qui a amené cette nouvelle manière de raisonner, beaucoup plus estimable que sa philosophie même, dont une bonne partie se trouve fausse ou incertaine, selon les propres règles qu'il nous a apprises. » M. Sainte-Beuve ajoute: « Descartes a contribué plus que personne à faire de l'esprit humain un instrument de précision, et cela mène loin1. »

D'autre part, le 15 mars 1884, M. Faye terminait une

1. Port Royal, t.. V, p. 197..

PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE.

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conférence à la Sorbonne sur la Formation de l'Univers et du Système solaire, en proposant d'ériger au milieu de la cour de la nouvelle Sorbonne une statue à René Descartes, le réformateur de la philosophie, l'inspirateur de la science moderne. Rien ne serait plus facile que de multiplier les autorités de ce genre. Nous pouvons, dès à présent, tenir pour certain que, sans une connaissance approfondie du Cartesianisme, le développement de la philosophie moderne demeure tout à fait inintelligible.

Descartes nous a laissé trois expositions de sa doctrine : le Discours de la méthode, 1637; les Méditations métaphysiques, 1641; les Principes de la philosophie, 1644. Chacun de ces trois ouvrages offre un intérêt particulier; les Méditations présentent, avec les développements les plus étendus, avec les discussions les plus approfondies, le système entier de la métaphysique cartésienne; le Discours de la méthode est, de tous les ouvrages de Descartes, celui que nous goûtons le plus aujourd'hui; nous y trouvons, avec un merveilleux résumé de toute la philosophie cartésienne, un tableau saisissant qui nous retrace l'histoire d'un des génies les plus extraordinaires qui aient jamais existé; les Principes ont un inappréciable avantage ils contiennent l'exposition la plus complète et la plus didactique de la philosophie cartésienne prise dans son ensemble. Au dix-septième siècle, ce sont les Principes qui ont le plus piqué la curiosité du public. Descartes est moins admiré comme réformateur de la métaphysique, comme inventeur d'une mathématique nouvelle, que comme auteur d'un nouveau système du monde. On trouve de ce fait des preuves aussi nombreuses, aussi décisives qu'on peut le désirer. Par exemple, entre Mme de Sévigné et Mde Grignan, il est bien plus souvent question des tourbillons et de la matière subtile que du cogito, ergo sum.

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Quand Molière veut amuser aux dépens des Cartésiens et des Cartésiennes, il fait dire à Trissotin:

Je viens vous annoncer une grande nouvelle;
Nous l'avons, en dormant, madame, échappé belle,
Un monde près de nous a passé tout du long,
Et chu tout au travers de notre tourbillon.
Et s'il eût en chemin rencontré notre terre,
Elle eût été brisée en morceaux comme verre '.

Ainsi, l'étude des Principes présente un intérêt non seulement philosophique, mais encore historique et littéraire. Toutefois, nous n'avons ici à nous occuper que de la première partie de ce grand ouvrage. Nous indiquerons, plus tard, comment nous essayerons de donner une idée du reste aux jeunes gens auxquels cette édition est destinée. Il nous suffit, pour le moment, d'indiquer comment nous diviserons cette Introduction, qui a pour unique objet de rendre plus intelligible la doctrine contenue dans l'ouvrage de Descartes. La première partie est une simple notice biographique; la seconde, un résumé très succinct de la philosophie cartésienne; la troisième, un ensemble de renseignements historiques et philosophiques indispensables sur le livre même des Principes.

1. Les Femmes savantes, acte IV, sc. IIL

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