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d'amende, applicables aux supplians par forme de dommages et intérêts, et de renvoy des dits ouvriers;

Dixièmement, Faire également deffenses aux dits ouvriers de se transporter dans les pays étrangers, à peine de déchéance de tous droits et de confiscation de leur temporel;

Onzièmement, Faire pareillement très expresses inhibitions et deffenses à tous particuliers de quelque qualité et condition qu'ils soient, d'établir dans le Royaume, aucune manufacture de l'espèce de celle entreprise par les supplians, et ce, avant la révolution de cinquante années, à peine de la suppression de leur établissement, et de trente mille livres d'amende, applicable moitié au profit de Sa Majesté, et moitié au profit des supplians; Douzièmement, Enfin, exempter les dits suppliens du droit du marc d'or (1).

Vu la ditte requête,

Vu pareillement l'avis du sieur Intendant et Commissai.e départi en la généralité de Flandres;

Ouï le rapport du sieur de Calonne, conseiller ordinaire au Conseil Royal, contrôleur général des finances :

Le Roy, en son Conseil, a permis et permet au sieur Houzé de l'Aulnoit et à ses associés, d'établir dans la ville de Douay, une fabrique de fayance, ditte grès d'Angleterre, et de mettre sur la principale porte de cet établissement l'inscription suivante :

MANUFACTURE DES SIEURS HOUZE DE L'AULNOIT ET COMPAGNIE,
AUTORISÉE PAR LETTRES PATENTES DU ROY.

Ordonne que les dits entrepreneurs ne seront imposés pendant quinze années, à aucun droit d'industrie pour raison de la ditte manufacture, et que les bâtimens établis ou à établir dans son enceinte, seront exempts de logement des gens de guerre;

Veut Sa Majesté que le Directeur et les ouvriers employés aux travaux de la fabrique, soient exempts de milice, de guet et de garde et que le terrain sur lequel est sise la ditte manufacture, continue pendant ledit espace de quinze années, à être taxé dans le rôle des vingtièmes de la ville de Douay, sur le pied de sa valeur actuelle, sans avoir égard à l'augmentation et à l'amélioration résultantes des bâtiments que lesdits associés y font construire, et pourraient y faire élever par la suite, pour l'usage et les besoins de la ditte fabrique;

(1) Droit ou finance que le titulaire d'un office payait au Roi, avant d'en obtenir les provisions.

Ordonne pareillement que le Directeur et les principaux ouvriers, au nombre de quatre, jouiront de l'exemption des droits d'octroy sur les vins, bières et eau-de-vie, en raison de leur consommation présumée, laquelle sera fixée par les officiers municipaux, et en cas de difficulté, par le sieur Intendant et Commissaire départi en la province de Flandres: vcut Sa Majesté que les marchandises provenant de la ditte manufacture, soient imposées à trois livres du cent pesant, lorsqu'elles seront introduites dans les Provinces des Cinq grosses fermes (1);

Ordonne que celles qui seront expédiées pour l'étranger ou pour les Provinces réputées Etrangères, seront exemptes de tous droits, à la charge par les dits entrepreneurs, de joindre à toutes les expéditions des dites marchandises, un certificat qui constatera qu'elles auront été réellement fabriquées dans leur manufacture;

Accorde Sa Majesté aux dits entrepreneurs l'exemption de tous droits d'impôts sur les bois, charbons, terres et autres matières qu'ils tireront de l'étranger, et qui seront destinées à la fabrication et à la cuite de leurs fayances, à la charge par eux de justifier de la destination et emploi des dittes matières, dont la quantité ne pourra point excéder celle de leur consommation présumée, qui, en cas de contestation, sera fixée par le sieur Intendant et Commissaire départi en la généralité de Flandres, et seront sur le présent toutes lettres nécessaires expédiées.

Fait au Conseil d'État du Roy, tenu à Versailles, le treize janvier 1784. Signé HUGUES DE MOULEVRAU.

(Collationné avec paraphe) (2).

Cette décision ne remplissait que très imparfaitement le but des associés ; ils se proposaient surtout d'obtenir pendant cinquante ans, le monopole et le privilège exclusif de fabriquer et de vendre les fayances, dites Grès d'Angleterre, et cette partie de leur requête n'était point accueillie.

Aussi, lorsque M. Houzé de l'Aulnoit en eût connaissance, s'empressa-t-il d'adresser à M. De Calonne, contrôleur

(1) On appelait ainsi les provinces qui acceptèrent le tarif des droits dressé en 1664, par Colbert, pour remplacer tous les droits de traite à l'intérieur.

(2) Archives du Parlement de Flandres, No 64.

général des finances, ses réclamations les plus énergiques; il était malheureusement trop tard, le conseil d'Etat était dessaisi.

Après de nombreuses démarches, averti officieusement qu'il fallait renoncer au chiffre de 50 ans, il redigea une nouvelle requète dans laquelle il concluait à ce que la Société pût jouir du monopole exclusif pendant dix ans seulement, dans le ressort du Parlement de Flandres et dans la province d'Artois. A. l'appui de sa demande, il exposait que les dépenses de la Société, pour parvenir à force d'essais multipliés et successifs, au degré de solidité et de perfection qu'elle avait atteint, seraient en pure perte, dès que tout particulier pourrait placer près d'elle un établissement de la même nature, en lui enlevant ses ouvriers ; que la justice du Roi ne permettrait sans doute pas qu'une perspective aussi affligeante s'offrit plus longtemps aux yeux des supplians.

Plus loin la requête disait « que le monopole dans l'es»pèce ne pouvait être considéré que comme un dédomma»gement momentané des dépenses que la Société aurait

faites, et des soins qu'elle se serait donnés, pour trans>> porter en France une nouvelle branche de commerce; » qu'ici, cette exclusion devenait en quelque sorte néces» saire, à cause de la franchise du port et de la ville de >> Dunkerque, où tout anglais pourrait placer un appareil » de manufacture, qu'il fournirait de faïences fabriquées » en Angleterre, et les introduirait dans le Royaume >> comme provenant de Provinces réputées étrangères, ce » qui n'a pu avoir lieu jusqu'ici, parce qu'il n'existait » qu'en Angleterre des manufactures de cette faïence. »

Le Conseil d'Etat accueillit favorablement les justes observations de la société Houzé de l'Aulnoit et Compagnie, et par arrêt du 25 mars 1784, il lui accorda le privilége exclusif pendant dix ans, de la fabrication et de la vente de ses produits.

Jusqu'à ce jour, les lettres patentes revêtues de la for

1784.

mule exécutoire de l'arrêt du 13 janvier 1781, n'avaient point encore été expédiées. Après ce second arrêt, elles furent délivrées sous la date du 9 juin.

Le même jour, le Roi Louis XVI signait les secondes lettres patentes, en exécution de l'arrêt du 25 mai. Ces dernières sont ainsi conçues :

Lellres patentes portant privilège exclusif, pour dix années, de fabriquer la fayance ditte grès d'Angleterre, à Douay en Flandres, au sieur Houzé de l'Aulnoil.

Louis, par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre.

A nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre Cour du Parlement de Flandres à Douay, salut.

Notre bien amé le sieur Houzé de l'Aulnoit et Compagnie nous a fait exposer que, par arrêt de notre conseil du vingt-cinq may dernier, nous aurions ordonné que le privilège de fabriquer toutes sortes d'ouvrages et de pièces de fayance en grès à pâte blanche connue sous le nom de grès d'Angleterre, appartiendra exclusivement au dit exposant et Compagnie, dans tout le ressort du Parlement de Flandres pendant dix années; que par le même arrêt, nous avons ordonné que toutes lettres patentes nécessaires seraient expédiées sur celui, lesquelles l'exposant nous a très humblement fait supplier de les lui accorder.

A ces causes, voulant favorablement traiter le dit sieur Houzé de l'Aulnoit et Compagnie, de l'avis de notre Conseil qui a vu l'expédition du dit arrêt du 25 may dernier, laquelle est cy attachée sous le contre scel de notre chancellerie, nous avons ordonné et par ces présentes signées de notre main,

Ordonnons que le privilège de fabriquer toutes sortes d'ouvrages et de pièces de fayance en grès pâte blanche connue sous le nom de grès d'Angleterre, appartiendra exclusivement aux sieurs Houzé de l'Aulnoit et Compagnie, dans tout le ressort du Parlement de Flandres, et ce, pendant dix années, à la charge toutes fois par le dit Houzé de l'Aulnoit et Compagnie de ne pouvoir, en raison du dit privilège, inquiéter ni rechercher les établissements du même genre, qui auraient été formés précédemment dans le ressort du dit Parlement, si aucuns s'y trouvaient;

Faisons deffenses à tous particuliers de fabriquer ou faire fabriquer dans l'étendue du dit ressort, aucuns ouvrages et pièces de fayance en grès pâte

blanche façon d'Angleterre, et de les vendre et débiter, à peine de confiscation tant des dites fayances que des matières et ustensiles servant à leur fabrication, de la destruction des fours et de telles autres peines qu'il appartiendra. Si vous mandons, que ces présentes vous ayez à faire enregistrer et du contenu en icelles faire jouir et user l'exposant pleinement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements contraires; car tel est notre plaisir.

Donné à Versailles le neuvième jour de juin l'an de grâce mil sept cent. quatre-vingt-quatre et de notre règne le onzième.

el scellées du grand sceau
de cire jaune.

SIGNÉES LOUIS.

(Plus bas) Par le Roy,

LE MARECHAL DE SEGUR

Pour être parfaitement en règle, il fallait faire enregistrer ces actes; le Parlement de Flandres, après avoir préalablement ordonné que lesdits arrêts et lettres patentes seraient communiqués aux échevins de la ville de Douai, pour leur rescription vue, ètre ordonné ce qu'il appartiendrait, rendit le 3 juillet suivant, l'arrêt ci-après :

« La Cour a ordonné et ordonne que lesdites lettres >> patentes et arrêts du Conseil d'Etat seront enregistrés au Greffe, pour jouir par les supplians de l'effet et contenu >> en iceux, selon leur forme et teneur.»

Désormais assurée de l'avenir, disposant d'un magnifique établissement, la Société pouvait se livrer sans préoccupations à ses travaux. C'est cette seconde partie de l'histoire de la manufacture de grès, que nous allons maintenant aborder.

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