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deux roues et les 150 à quatre roues qui circulent actuellement dans Paris, par des voitures électriques, et les 200 cochers que l'Administration emploie seront métamorphosés en chauffeurs. Puissent-ils en être plus heureux!

La traction télépathique.

Point n'est besoin d'être maître passé, ni même simple clerc és cinématique, pour savoir que tous les modes de transports terrestres généralement quelconques par véhicules à roues procèdent tous, saus exception, d'un seul et unique principe commun. Quelles que soient la forme et la destination du véhicule employé, qu'il s'agisse d'une brouette ou d'un train de chemin de fer, d'un omnibus ou d'un bicycle, d'une roulotte ou d'un huit-ressorts, quelle que soit, d'autre part, la nature de la force motrice énergie musculaire humaine ou animale, vapeur, électricité, gaz comprimé, air liquide, etc. — qui le pousse ou qui le tire, c'est toujours grâce à l'adhérence des roues au sol que le véhicule avance. Même sur rails lisses d'acier poli, les roues ne progressent qu'en s'agrippant, en se collant, en quelque sorte, à la surface de roulement, en vertu d'un phénomène général dont le système des chemins de fer à crémaillère n'est qu'une exagération.

Ce n'est pas pour une autre raison qu'il faut donner à une locomotive un certain poids minimum mathématiquement calculé; faute de quoi, elle serait exposée à dérailler avec trop de facilité ou à patiner sur place.

D'où cette conséquence, qui saute aux yeux, que la puissance utile dont on peut disposer en matière de traction est nécessairement variable, mais limitée, et que les grandes vitesses. au delà d'un certain maximum, rarement atteint, deviennent tout à fait utopiques et irréalisables.

Il parait qu'on songe à changer tout cela. D'audacieux réformateurs, en effet, rèvent de créer la traction indépendante de l'adhérence. Nous aurions ainsi des voitures qui marcheraient

sans moteur, par télépathie magnétique, en quelque sorte, comme qui dirait par l'opération du Saint-Esprit. Ce serait la traction ou plutôt (excusez l'allitération) l'attraction à dis

tance.

C'est à M. Korda, un ingénieur électricien bien connu, qu'appartient la paternité de cette originale idée, qu'il formula pour la première fois voici cinq ou six ans, mais à laquelle il n'avait pas encore paru possible de donner suite. Elle vient d'être reprise par un groupe d'ingénieurs de Charleroi, et quoique l'affaire n'en soit encore qu'à la période spéculative, elle fait déjà sensation en Belgique - et même ailleurs.

Tout est basé sur la théorie des courants dits polyphasés.

In moteur polyphasé, comme l'on sait, se compose essentiellement de deux pièces, l'une fixe, qu'on nomme, en raison précisément de sa fixité, le stator, et l'autre, mobile autour de la première, et baptisée le rotor. Ce sont deux enroulements isolés, ne se touchant par aucun point, sans liaison mécanique ni connexion électrique entre eux. Remarquez bien ceci : c'est le point capital.

Quand on fait passer un courant dans le stator, il se produit ce qu'on appelle un « champ tournant », c'est-à-dire une action magnétique rotative. Il n'en faut pas davantage pour que le rotor, qui pourtant ne touche pas au stator, soit entraîné par cette attraction rotative, et se mette à tourner, par suggestion en quelque sorte, ou par sympathie, à la façon d'un chien qui court après sa queue, « comme s'il voulait poursuivre et rattraper»le stator à la course.

C'est là un fait dont l'interprétation est peut-être malaisée, surtout pour des esprits habitués à ne pas concevoir une force sans point d'application, sans point d'appui matériel, mais dont la réalité est si peu contestable, que l'industrie s'en est emparée en vue de sa pratique quotidienne, et qu'elle en tire couramment profit.

Ceci posé, et bien compris, supposez que le stator et le rotor, au lieu d'être enroulés l'un autour de l'autre, en rond, soient étalés parallèlement l'un au-dessus de l'autre, en long. Supposez, pour préciser davantage, que le stator, l'inducteur fixe, soit déroulé en ligne droite sur le sol, et que le rotor, l'induit mobile, également déroulé, et porté sur un truck roulant, s'al

longe à quelques millimètres de distance au-dessus du stator.... Ni le rotor ni le stator n'auront, à ce changement de forme et de position, perdu leurs qualités primitives, et leurs sympathies magnétiques en particulier seront restées les mêmes.

Si donc on lance un courant dans le stator, il va s'y développer, comme à l'ordinaire, un champ magnétique; au lieu d'être un champ tournant, ce sera un champ voyageant, et le rotor se mettra de plus belle à courir après le stator, suivant l'axe de la voie, comme si vraiment il était inspiré par lui, ou plutôt remorqué par un entraîneur invisible, armé d'un aimant puissant.

Comme il est facile d'imaginer une série de stators posés, le long d'une voie ferrée, à la suite les uns des autres, à la façon des plots d'un tramway électrique à contacts superficiels, ce serait là un mode de traction d'une élégance et d'une simplicité sans égales.

On fait, cela va de soi, quelques objections à ce hardi projet qui vous a des allures presque fabuleuses. Les unes sont purement techniques, mais il semble que MM. Rosenfeld, Zelenay et Dulait, qui ont repris pour leur compte l'idée de M. Korda, y ont assez heureusement répondu. Les autres sont d'ordre économique et visent les frais d'établissement, qui ne laisseraient pas d'ètre singulièrement dispendieux, étant donné que la voie devrait être littéralement blindée de bobines, c'est-à-dire de fer et de cuivre, et que la plus grande partie de l'énergie constamment distribuée sur toute la longueur de la ligne serait dépensée en pure perte. Les promoteurs annoncent, il est vrai, qu'ils tourneront la difficulté à l'aide d'un stator discontinu ne recouvrant guère plus qu'un cinquième de la voie totale. Qui vivra verra!

Au demeurant, il est question de construire une voie d'essai d'un ou deux kilomètres de longueur. Ce sera le meilleur moyen de voir si le nouveau mode de traction, la traction tangentielle. comme on l'appelle, est effectivement praticable.

Les rails continus.

Avez-vous quelquefois regardé venir de loin un train express roulant à toute vapeur? Vu ainsi en bout, le monstre palpite et se trémousse étrangement il a l'air tout à la fois de piaffer comme un cheval et de se tortiller comme un ver. Et ce n'est pas là seulement une illusion d'optique. Positivement, le train subit ces deux mouvements simultanés analogues au tangage et aux roulis des bateaux, connus sous les noms caractéristiques de lacet et de galop.

La substitution à la locomotive à vapeur de la locomotive électrique, dans laquelle la force motrice agit directement sur l'essieu qu'elle fait tourner d'emblée, est appelée à considérablement atténuer cet inconvénient, sinon même à le supprimer tout à fait.

La locomotive électrique, en effet, ne doit, théoriquement parlant, pas plus goloper que serpenter. Ce serait donc un délice de se faire véhiculer par elle, si les rails sur lesquels elle roule étaient d'un seul tenant. Le malheur est que tous les dix ou douze mètres ils s'interrompent, laissant entre deux tronçons une solution de continuité plus ou moins accentuée. C'est uniquement pour cela en effet que le chemin de fer est si bruyant.

A chaque passage, en effet, d'un rail à l'autre, d'une masse articulée roulant avec une vitesse qui dépasse souvent 60 ou 70 kilomètres à l'heure et dont chaque « article » pèse plusieurs tonnes, il y a fatalement un choc violent.

Voilà pourquoi, au bout de quinze heures de chemin de fer, vous vous sentez aussi démoli que si vous aviez fait la route à pied.

Il n'y aurait à cela qu'un remède ce serait de supprimer les intervalles et les joints des rails de façon à faire de la voie un ruban de fer continu.

Pendant de longues années, on s'était imaginé que ce n'était pas possible, attendu que, de toute nécessité, il fallait laisser aux rails assez de marge, à chaque bout, pour leur permettre de se dilater sans se tordre sous l'influence des changements de température. Sans doute le coefficient de dilatation de cha

que rail se chiffre par des fractions de millimètre. Mais, si minuscules qu'elles soient, toutes ces fractions totalisées finissent par faire une somme, qui, sur une longueur d'une lieue, par exemple, représente une déformation sensible, très capable de rendre la voie impraticable ou de faire dérailler un train.

Nous en étions là, quand, un beau jour, en Amérique, un ingénieur s'avisa de poser une voie de tramways, sans joints intermédiaires. Il fit mème mieux i osa souder ses rails bout à bout, de façon à ne plus faire, d'un terminus à l'autre, qu'une seule et unique poutre métallique. Le succès devait, contre toute apparence, si bien lui donner raison, que désormais on ne construit plus aux États-Unis une seule ligne de tramways sans souder préalablement les rails.

Non pas que le fer et l'acier aient renoncé à se dilater et à se contracter tour à tour sous l'influence des variations de tempé rature. Les anciennes lois physiques sont toujours en vigueur. Seulement l'action de la température ne se fait pas sentir d'une façon aussi directe et aussi intense sur des rails de tramways enchassés dans une chaussée aménagée tout exprès, et avec laquelle ils font corps, pour ainsi dire, assez étroitement pour que tous les efforts subis se trouvent à peu près compensés.

En serait-il de même pour une ligne de chemin de fer? Oui, affirme catégoriquement un ingénieur suisse, qui s'est livré, avec sa haute compétence professionnelle, à une étude approfondie de la question. Raisonnant sur des rails de 12 mètres de long pesant 55 kilogrammes, exposés sans joints à des variations de température de 55 degrés, ce spécialiste conclut saus hésiter à la possibilité d'employer sans inconvénient des rails continus.

Tout d'abord, l'effort maximum résultant de la dilatation d'un rail ne dépasserait guère, à l'extrémité dudit rail, 8 kilogrammes par centimètre carré. Or, dans un rail de ce genre, la résistance à la pression n'est jamais inférieure à 80 kilogrammes par centimètre carré. L'effort supplémentaire développé par la dilatation peut donc être considéré comme une quantité négligeable.

Si encore cet effort se transmettait intégralement d'un bout de rail à l'autre ! Mais il s'en perd beaucoup en route, par cette simple raison que le rail fixé par ses attaches aux traverses, les

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