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on a obfervé long-temps en Allemagne de laiffer dans la diete générale du corps Germanique une place vacante pour le Duc de Curlande, & de renverfer fa chaife après l'avoir nommé. L'Electeur de Cologne, qui étoit alors Grand-Maître de cet ordre, fit une proteftation contre l'élection du nouveau Duc de Curlande; & dans un mémoire présenté (a) à la diete de Ratisbonne, ce Grand-Maître entreprit de prouver que les Duchés de Curlande & du Semigalle devoient retourner à fon ordre, puifque la Maifon de Ketler étoit éteinte. Il pria l'Empereur & les autres Etats de l'Empire de concerter les mefures à prendre, afin de procurer la réunion de ces deux Duchés au corps Germanique. Il ajouta qu'il comptoit d'autant plus fur les foins de l'Empereur à cet égard, que ce chef du corps Gerimanique s'étoit obligé (b) de réunir au domaine de l'Empire tout ce qui en a été détaché, de faire une recherche exacte de tous les fiefs qui en ont été aliénés, & d'accorder particuliérement fa protection aux Chevaliers de l'Ordre Teutonique, & de celui de Saint Jean de Jérufalem, pour les faire rentrer dans les biens dont ils ont été injuftement dépouillés.

Des Commiffaires affemblés à Dantzick, tant de la part du Roi & de la République de Pologne, que de la part de la Czarine & du nouveau Duc de Curlande, convinrent des articles fuivans qui furent enfuite approuvés par les Puiffances dont ces Commiffaires avoient reçu leurs pouvoirs.

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» I. Le nouveau Duc jouira des deux Duchés aux mêmes conditions que la Maison de Ketler en a joui. «

» II. En qualité de feudataire du Roi & de la République de Pologne, il fera obligé de fe rendre à Varfovie pour prêter ferment, foi & hommage à Sa Majefté, & il s'engagera à ne fe foumettre à aucune Puiflance étrangere, à maintenir les Duchés de Curlande & du Semigalle réunis, à n'en aliéner aucune partie, fous quelque prétexte que ce puiffe être, & à acquitter toutes les dettes dont font chargés les biens domaniaux & allodiaux de ces deux Duchés & des fiefs qui en dépendent, fans être jamais en droit de prétendre aucun remboursement, ni aucune indemnité à cet égard.

» III. Non-feulement l'exercice public de la Religion Catholique fera permis en Curlande & dans le Duché du Semigalle, mais les personnes qui la profeffent, auront droit de rebâtir leurs anciennes Eglifes & d'en conftruire de nouvelles. Les biens Eccléfiaftiques feront exempts de tous impôts & de toutes charges publiques, & les Catholiques pourront, auffibien que les Proteftans, prétendre aux charges & aux emplois. On fera reftituer aux Catholiques deux Eglifes, dont ils ont demandé qu'on les

(a) Dans le mois de Novembre 1737.

(6) Art. X, de la Capitulation de Charles VI,

remit en poffeffion, & on leur fournira les fommes qui feront néceffaires pour en bâtir une à Libau. «<

» IV. Lorsque la République de Pologne fera en guerre avec quelqu'une des Puiffances voifines, les Duchés de Curlande & du Semigalle lui fourniront 500 hommes d'infanterie & 200 de cavalerie, «

» V. On réglera, de concert avec la Czarine, le nombre des troupes qui feront mifes dans ces deux Duchés, & les quartiers qu'elles y occu

peront. «<

» VI. Les Gentilshommes de Pologne & de Lithuanie qui poffedent des biens dans les deux mêmes Duchés, jouiront de tous les privileges des Curlandois, & ils auront, dans tous procès civils & criminels, le droit d'appel au Roi & à la République de Pologne.

» VII. Tous les Polonois & les Lithuaniens détenus prifonniers en Curlande ou dans le Semigalle, feront remis en liberté, & l'on ne pourra continuer les procédures intentées contre eux, ni former aucune prétention à leur charge.

» VIII. Le Duc de Curlande n'accordera à perfonne le droit de naturalité, mais il renvoyera à la Diete générale de Pologne ceux qui défireront d'obtenir ce droit, a

» IX. La convention faite en 1685, entre Etienne Battori, Roi de Pologne, & Frédéric II, Roi de Danemarc au fujet de la confervation des franchises attachées au diftrict de Pyltin, fera exécutée. « » X. La Czarine défirant favorifer le Duc de Curlande, confent que les habitans de Curlande & du Semigalle ayent la propriété de la moitié de la riviere de Dwyna, & qu'ils jouiffent librement de la pêche du faumon. «< » XI. Cette Princeffe eft auffi difpofée à rendre les Illes de Roon & de Spielhorn, & les autres Ifles qui font dans le Golfe de Livonie, & dont les Etats de Curlande ont demandé la reftitution, comme des fiefs qui ont fait autrefois partie du domaine des Ducs de Curlande. «<

» XII. Le Duc promet, de fon côté, à la Czarine, de ne point troubler la navigation des vaiffeaux Ruffes, & de modérer les droits qui fe percevoient en Curlande fur les marchandifes de Mofcovie. «

Deux ans après, Finck, Chancelier de Curlande, muni de la procuration & du plein-pouvoir du nouveau Duc de Curlande, reçut folemnellement au nom de fon maître, l'inveftiture des Duchés de Curlande & du Semigalle. (a).

La fortune précipita bientôt Biron, du faîte où elle l'avoit élevé, dans l'abîme des malheurs. C'eft ce qu'on verra à l'article RUSSIE, ainfi que les événemens arrivés depuis l'époque dont nous parlons. Il fuffit de remarquer ici que la révolution arrivée à la Cour de Pétersbourg, fit va

(a) Le 20 de Mars 1739, à Varsovie, par le Roi Auguste affis fur fon trône dans la falle des Sénateurs.

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quer le Duché de Curlande. Durant la détention de Biron, les Etats députerent M. de Schopping à Varfovie pour y exécuter auprès du Roi & de la République de Pologne, une commiffion qui embraffoit plusieurs objets, dont voici le précis.

M. Jean-Erneft de Schopping, Député des Etats de Curlande à Varfovie 1o. Affurera avec le plus profond refpect S. M. notre très-gracieux Roi & Suzerain, de la foumiffion & de la fidélité inviolable de ces Duchés, & les recommandera très-humblement à la bienveillance & à la protection paternelle de Sa Majefté.

2o. Il suppliera très-refpectueufement S. M. & l'illuftre République de procurer la délivrance de l'infortuné Duc & de fa famille.

3o. Comme fon Excellence de Malachowski, grand Chancelier de la Couronne, a écrit aux Etats qu'on ne devoit plus efpérer la délivrance de ce Duc & de fes defcendans mâles, que M. de Simofin, Conseiller de la Chancellerie, & Miniftre accrédité de Sa Majefté Impératrice de toutes les Ruffies dans ces Duchés, a déclaré & confirmé la même chose par ordre de la Cour, ajoutant que Sa Majefté Impératrice de toutes les Ruffies verroit de bon œil qu'on élût pour Duc de Curlande Son Alteffe Royale le Prince Charles de Pologne; & comme Sa Majefté Impératrice Czarine a donné ses mêmes inftructions à fon Miniftre à Varfovie; M. le Député doit auffi représenter à M. le Grand Chancelier de la Couronne, que fuivant les propres termes des conftitutions de notre gouvernement, l'affemblée des Etats ne peut rien entreprendre contre l'inveftiture des Duchés & que tant que le Roi & l'illuftre République ne déclareront point le fiege vacant, nous devrons, felon nos loix, continuer de prier pour notre infortuné Seigneur & pour fa famille.

4°. Or comme Son Alteffe Royale le Prince Charles s'eft concilié la vénération de tous les cœurs par fes grandes qualités & par fes manieres gracieuses, tant en allant à Pétersbourg, qu'en revenant de cette Cour M. le Député doit, en cas que le fiege de ce Duché foit déclaré vacant, faire connoître l'inclination des Etats pour ce Prince, & dire qu'ils s'eftimeroient fort heureux fi Son Alteffe Royale vouloit faire profeffion de la confeffion d'Augsbourg, & les mettre par-là en état de fupplier très-humblement Sa Majefté de vouloir lui accorder la Souveraineté de ces Duchés.

5o. Cela fuppofe, fi fon Alteffe Royale veut bien, fuivant l'usage, affurer préalablement au pays tous fes droits tant féculiers qu'eccléfiaftiques, M. le Député déclarera qu'alors les Etats ne balanceront pas un moment de profiter des difpofitions de l'Impératrice de toutes les Ruffies en faveur de ce Prince, & qu'ils la fupplieront de lui accorder la Souveraineté de ces Duchés.

6o. Mais puifque, fuivant les pactes de fujettion, les garanties de religion & autres documens, ces Duchés doivent avoir, comme par les paffé, une Magiftrature Teutonique de la Confeffion d'Augfbourg; qu'on ne peut Tome XIV.

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faire aucun changement à cet égard fans manquer aux affurances données & confirmées par ferment; & vu que Gothard, premier Duc de Curlande, a confervé en qualité de Grand-Maître l'administration entiere des affaires Eccléfiaftiques, ce qu'ont fait auffi les Princes proteftans, en conféquence des pactes de fujettion, dont l'autorité doit être immuable felon les conftitutions du Gouvernement, M. le député infiftera toujours & de la maniere la plus forte fur cet objet, repréfentant très-humblement la ferme perfuafion où font les Etats que Sa Majefté & l'illuftre République prendront en confidération lefdites affurances données à ce pays par les Prédéceffeurs de Sa Majefté, & lui conferveront la Magiftrature Teutonique qu'il a eue depuis fa fujettion à la République jusqu'à présent, savoir un Prince de la Confeffion d'Augfbourg.

7°. Au refte, les Etats perfifteront toujours avec la fidélité la plus inviolable à vivre fous la gracieuse fuzeraineté de Sa Majefté & de l'illuftre République de Pologne, & jamais ils ne fouhaiteront de Duc qui ne foit agréable à leur gracieux Suzerain. Voilà ce que M. le député déclarera; & on lui recommande de fe conformer exactement à fes inftructions fans s'en écarter d'un feul point. Sur quoi on lui fouhaite un bon voyage, & un heureux fuccès dans fa négociation. Fait à Mittaw le 13 Septembre 1758.

Ces inftructions étoient fignées par Chriftophe-Frédéric Sacken, Gouverneur, Othon Choyft, Chancelier, & Henri Choctein Dozenberg, Burgrave, ainsi que par les vingt-cinq députés des paroiffes de Curlande.

Le Comte de Malachowski, Grand Chancelier de la Couronne, remit le 10 Novembre 1758, au Prince Charles de Saxe, le Diplôme qui confirmoit l'élection de Son Alteffe Royale en qualité de Duc de Curlande & du Semigalle. L'inveftiture en fut fixée au 2 Janvier 1759; ce Prince la reçut, & fut reconnu avec la plus grande fatisfaction de fes fujets.

Lorfque dans les affaires Eccléfiaftiques le Duc, qui est le Chef de fon Eglife, tient une Cour qu'on appelle Ducale Confiftoriale, quelques-uns de fes Confeillers, des Surintendans, & des anciens du Clergé y affiftent. II n'y a point d'appel de cette Cour au Roi de Pologne, même dans les causes des nobles.

Dans les affaires civiles, il y a des fuprêmes Staroftes, qu'on appelle les Juges de la premiere inftance, comme auffi des Staroftes qui jugent des procès entre les Gentilshommes & les citoyens, ou des citoyens entr'eux. Il y a appel de cette Cour inférieure à la Cour Aulique du Duc, qui eft compofée du Duc lui-même qui y préfide, & de deux Confeillers d'Etat, ou de quatre fuprêmes Confeillers qui font Affeffeurs du Prince. Un Gentilhomme peut appeller de cette Cour au Roi de Pologne, lorfque la fomme va au-delà de 500 florins; mais les citoyens ne jouiffent pas de ce droit d'appel.

Les affaires criminelles font jugées par quatre fuprêmes Confeillers, quatre

fuprêmes Staroftes, & deux Confeillers d'Etat. Cette Cour ne connoît que des procès entre les Gentilshommes, ou d'un citoyen contre un Gentilhomme. Dans les crimes publics, c'eft-à-dire, ceux qui font exprimés dans les loix & dans les ftatuts de Curlande, il n'y a point d'appel de cette Cour; mais dans les autres cas, on peut en appeller au Roi de Pologne, dans une caufe fufceptible d'appel.

Les loix de ce pays font courtes & claires, de forte que la plupart des nobles plaident eux-mêmes. Il n'y a pas dans le pays plus de fix ou sept

Avocats.

Fin du Tome quatorzieme.

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