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traites de celles à impofer dans l'année fuivante, fans pouvoir être, fous aucun prétexte, confondues avec la maffe de nos finances, & verfées dans notre Tréfor Royal. Nous avons cru néceffaire auffi de régler, par le préfent Edit, la comptabilité des deniers provenans de cette contribution, tant en nos Chambres des Comptes qu'en nos Bureaux des finances; & d'intéreffer la fidélité que ces Tribunaux nous doivent, à ne jamais paffer aucun emploi de ces fonds, étranger à l'objet auquel nous les deftinons.

Par le compte que Nous nous fommes fait rendre des routes à conftruire & à entretenir dans nos différentes Provinces, Nous croyons pouvoir affurer nos fujets, qu'en aucune année la dépenfe, pour cet objet, ne furpaffera la fomme de dix millions pour la totalité des pays d'élection.

Cette contribution ayant pour objet une dépenfe utile à tous les propriétaires, Nous voulons que tous les propriétaires privilégiés & non privilégiés, y concourent, ainfi qu'il eft d'ufage pour toutes les charges locales; & par cette raifon, Nous n'entendons pas même que les terres de notre Domaine en foient exemptes, foit qu'elles foient en nos mains, foit qu'elles en foient forties, à quelque titre que ce foit.

Le même efprit de juftice qui Nous engage à fupprimer la Corvée, & charger de la conftruction des chemins les propriétaires qui y ont intérêt, Nous détermine à ftatuer fur l'indemnité légitimement due aux propriétaires d'héritages, qui font privés d'une partie de leur propriété, foit par l'emplacement même des routes, foit par l'extraction des matériaux qui doivent y être employés. Si la néceffité du fervice public les oblige céder leur propriété, il eft jufte qu'ils n'en fouffrent aucun dommage & qu'ils reçoivent le prix de la portion de cette propriété qu'ils font obligés de céder.

A ces caufes, & autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre Confeil, & de notre certaine fcience, pleine puiffance & autorité Royale, Nous avons, par le préfent Edit perpétuel & irrévocable, dit, ftatué & ordonné; difons, ftatuons & ordonnons, voulons & nous plaît ce qui fuit :

ARTICLE PREMIER.

» Il ne fera plus exigé de nos fujets aucun travail, gratuit ni forcé; fous le nom de Corvée, ou fous quelqu'autre dénomination que ce puiffe être, foit pour la conftruction des chemins, foit pour tout autre ouvrage public, fi ce n'eft dans le cas où la défenfe du pays, en temps de guerre, exigeroit des travaux extraordinaires; auquel cas il y feroit pourvu en vertu de nos ordres adreffés aux Gouverneurs, Commandans ou autres Adminiftrateurs de nos Provinces: Défendons, en toute autre circonftance, à tous ceux qui font chargés de l'exécution de nos ordres,

d'en commander ou d'en exiger; nous réservant de faire payer ceux que, dans ce cas, la néceffité des circonftances obligeroit d'enlever à

leurs travaux. «

» II. Les ouvrages qui étoient faits ci-devant par Corvée, tels que les conftructions & entretiens des routes, & autres ouvrages néceffaires pour la communication des Provinces & des Villes entr'elles, le feront à l'avenir, au moyen d'une contribution de tous les propriétaires de biens-fonds ou de droits réels, fujets aux Vingtiemes, fur lefquels la répartition en fera faite à proportion de leur cottifation au rôle de cette impofition. Voulons que les fonds & droits réels de notre Domaine, y contribuent dans la même proportion. «<

» III. A l'égard des conftructions de ponts & autres ouvrages d'art, il continuera d'y être pourvu fur les mêmes fonds qui y ont été destinés par le paffé. «

» IV. Voulons que les propriétaires des héritages & des bâtimens qu'il fera néceffaire de traverfer ou de démolir pour la conftruction des chemins, ainsi que de ceux qui feront dégradés par l'extraction des matériaux foient dédommagés de la valeur defdits héritages, bâtimens ou dégradations; & fera le dédommagement payé fur les fonds provenans de la contribution ordonnée par l'article II, ci-deffus. «

» V. Le montant de ladite contribution, dans chaque généralité, sera réglé tous les ans fur le prix des conftructions, entretiens & dédommagemens que nous aurons ordonnés dans ladite généralité pendant l'année; à l'effet de quoi il fera arrêté tous les ans, en notre Confeil, un état particulier pour chaque généralité, qui comprendra toutes lefdites dépenfes.

» VI. Il fera fait des devis & détails, & paffé des adjudications defdits ouvrages & des baux de leur entretien, dans la forme qui fera par nous prefcrite; & l'état arrêté par Nous en notre Confeil, mentionné en l'article précédent, fera compofé du montant defdites adjudications & baux Nous réfervant, comme par le paffe, & à notre Confeil, la connoiffance de la direction des routes, des eftimations, adjudications, & de toutes les claufes qui pourront y être contenues, circonftances & dépendances.

» VII. Il nous fera rendu compte en notre Confeil, chaque année, de l'emploi desdites fommes provenantes de la contribution ordonnée ; & dans le cas où elles n'auroient pas été confommées en entier, il en fera fait mention dans l'état de l'année fuivante, & la fomme qui n'aura pas été employée fera retranchée de la contribution de ladite année suivante. Dans le cas au contraire où quelque caufe imprévue obligeroit de faire une dépenfe qui n'auroit pas été comprife dans quelques-unes des adjudications, il nous en fera rendu compte, & fi cette dépense eft approuvée par nous, elle fera comprise dans l'état arrêté pour l'année fuivante, «

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forme & teneur; & copies collationnées envoyées aux Bailliages & Séné chauffées du reffort, pour y étre pareillement lu, publié & regiftré: Enjoint aux Subftituts du Procureur-général du Roi d'y tenir la main, & d'en certifier la Cour dans le mois. Fait à Versailles, le Roi féant en fon Lit de Juftice, le douze mars mil fept cent foixante-feize. Signé LE

BRET.

EXTRAIT D'UN MÉMOIRE SUR LES CORVÉES, Préfenté aux Etats de Bretagne par M. le Vicomte DE TOUSTAIN.

EN

N 1776, les Etats de Bretagne par délibération unanime des trois ordres, dépoferent à leur greffe plufieurs mémoires patriotiques, tant imprimés que manufcrits, de Mr. le Vicomte de Touftain, parmi lefquels un canevas de projet pour le paiement de la Corvée, compofé par ce gentilhomme à l'occafion de l'édit que Mr. le Contrôleur-Général Turgot avoit fait enregistrer le douze Mars de la même année. Voici la marche de cet ouvrage connu fous le titre de pro aris & focis.

» L'auteur le confacrant à l'utilité des trois ordres de l'Etat, entre lef quels il veut de l'émulation & point de rivalité, le dédie à trois citoyens, dont un Eccléfiaftique, un Noble, un Roturier. En vous le préfentant, dit-il, je crois l'offrir aux lumieres, au patriotifme & à l'amitié. "

» L'auteur parcourt fuccinctement les caufes de la dépopulation de la Bretagne, & après avoir montré le remede à côté du mal, il trouve que cette Province compte plus de cent cinquante mille de fes enfans dans la foule d'êtres intelligens & fenfibles directement intéreffés, d'un bout du Royaume à l'autre, à reconnoître & bénir la fuppreffion des Corvées. Il détaille les motifs en vertu defquels les Eccléfiaftiques comme Miniftres de l'Evangile & comme Membres de l'Etat; la Noblesse ce corps antique & généreux; le tiers-Etat, représenté par des hommes recommandables & choifis, doivent applaudir au bien que le gouvernement veut faire à la multitude, dans le bonheur de laquelle les principes humains de l'auteur font confifter la profpérité générale. Mais le militaire apperçoit de grands inconvéniens dans la nature de l'impôt établi la quinzieme année de paix, par l'édit de fuppreffion des Corvées, quoique de fon aveu, cet édit opere la fuppreffion même d'un plus grand impôt. Après avoir déduit l'origine, l'utilité, les rangs des différentes claffes, il cherche un moyen qui ménageant également les perfonnes & les corps, pourvoie à l'ouverture, à l'entretien, à la confection des routes, fans revenir contre l'abolition très-louable des Corvées, fans fouler les contribuables, fans léfer les ordres. Il rejette, par des raisons énergiquement développées

développées; la reffource meurtriere des péages & des barrieres. La taxe fur les feuls propriétaires, la taxe répartie fur les fonds & l'induftrie la taxe fur les perfonnes & les effets où denrées qui voyagent, font trois impofitions qu'il ne fonge point à propofer. D'après un calcul raifonné sur le nombre & l'emploi de nos troupes, il trouve qu'elles ne pourroient fournir plus de trente-cinq mille auxiliaires au travail des routes (nombre très-infuffifant); qu'à l'argent néceffaire pour la haute paie qu'on ne pourroit leur refufer, il faudroit joindre celui que pourroient coûter les hommes qu'on leur affocieroit dans ce travail, & que ces frais doivent aussi comprendre les outils, voitures & charrois. "

>> Pour trouver cet argent, l'auteur après avoir peint des plus vives couleurs les effets contraires de la confidération & de la décadence du mariage chez les peuples anciens & modernes qui ont joué de grands rôles fur la fcene du monde, propofe un doublement de capitation dans le tiersEtat fur tous les célibataires de chaque fexe au-deffus de vingt-cinq ans ; & par une fuite de combinaisons il range dans cette claffe de contribuables tous les veufs & veuves de l'âge de trente-quatre à quarante-fix ans qui n'auroient jamais eu d'enfans, avec l'attention de ne jamais les impofer avant ni après ce terme. L'auteur expofe avec force & vérité les avantages politiques & moraux qui ne manqueroient pas de réfulter de la faveur rendue à l'Etat du mariage par les détails, l'influence & les fuites d'une opération, qui n'impofant aux célibataires qu'une taxe modique & légitime, & point du tout une amende onéreufe & flétriffante, rendroit leur état auffi cher, auffi profitable qu'il puiffe jamais l'être à la société. Mr. de Touftain ne penfe à contraindre qui que ce foit aux chaînes matrimoniales, encore moins à indiquer une nouvelle fource d'impôts. Mais il dit que toutes les fois qu'il y aura néceffité d'établir des levées nouvelles, il eft jufte & raisonnable de les faire porter de préférence fur les têtes déjà moins chargées. "

» Bien que par les raifons alléguées dans fon livre, le troifieme ordre lui paroiffe en état de fupporter feul la taxe établie pour l'extinction ou supplément de la Corvée, à laquelle il étoit feul affujetti, Mr. de Touftain propofe aux deux ordres fupérieurs de venir fraternellement, par les moyens à la fois les plus doux & les plus proportionnels, au fecours du troifieme. Il croit l'immunité facerdotale, inhérente à la feule perfonne du prêtre, & nullement à fes poffeffions territoriales ou pécuniaires, lefquelles à fon avis ne font qu'inftantanées, précaires & gratuites. Son parallele du Clergé Catholique & de la Tribu de Lévi démontre affez l'erreur de ceux qui confondent mal-à-propos la loi nouvelle avec l'ancienne, font parler Jefus-Chrift comme Moyfe, oublient que le divin Fils de Marie paya le tribut pour lui-même & pour St. Pierre, & s'imaginent que les revenus de notre Clergé font plus particulièrement, plus expreffément de droit divin que toute efpece de fondation, poffeffion, donation, inftitution, Tome XIV.

Y y

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