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HUITIEME DISCOURS.

Du Geste.

Messieurs,

L'œil étant le premier affecté lorsque nous nous présentons en public, on doit éviter avec soin tout ce qui peut lui déplaire. Une fausse position suffit pour distraire l'attention. Je vais faire connaître, autant que le permettent les bornes de cet ouvrage, celles qui sont non-seulement disgracieuses, mais encore nuisibles, et indiquer celles qu'il faut s'habituer à prendre pour donner de la solidité et de la noblesse au corps.

Pour procéder par ordre, je commencerai par la position des jambes. Elles doivent toujours être placées de manière à ce que le corps soit bien d'à-plomb. Pour cela, on évitera de les mettre sur la même ligne.

Cette position est on ne peut plus mauvaise; 1o la grande ligne qu'elle présente est désagréable à voir;

2o les poumons étant dans la nécessité de respirer, ébranlent facilement le corps ainsi placé; et ce mouvement qu'ils déterminent fatigue vite la personne qui lit ou qui parle. Pour être dans une position vraie et agréable tout à la fois, on doit se poser sur la jambe gauche et avancer un peu la droite.

Cette position est on ne peut plus favorable à l'orateur (1): 1o elle lui permet de faire les gestes principaux avec le bras droit, qui a généralement plus de grâce, parce qu'on l'exerce davantage; 2° l'abdomen étant bien posé, les poumons ont plus de facilité pour se développer, et par conséquent une plus grande puissance d'action.

Cette position est générale lorsque l'auditoire est en face ou à droite; mais, quand on parle à la partie qui est placée à gauche, on pose le corps sur la jambe droite, et on met le pied gauche un peu en avant.

Ces deux positions, les seules qui conviennent à la personne qui parle ou qui lit debout, donnent de la grâce et de la solidité au corps; de la grâce, en ce que la grande ligne se trouve coupée; et de la solidité, parce

(1) Cette position peut être considérée comme servant de point de départ à toutes les autres, et à laquelle il faut revenir continuellement.

que la jambe qui est en avant, servant, pour ainsi dire, d'arc-boutant, empêche le corps de remuer.

Ne perdez jamais de vue que les poumons sont les principaux agents de la parole; que la moindre fatigue les paralyse. Afin de les avoir toujours à sa disposition, il faut qu'ils soient dans un état permanent de bien être. Pour cela la pose du corps doit être aisée et les gestes moëlleux. Les muscles des bras s'attachant sur la poitrine, ne peuvent faire aucun mouvement qui n'ait une action immédiate sur cette partie. Si en agitant les bras on les contractait, c'est-à-dire on les rendait raides, ces mouvements forces fatigueraient de suite les poumons. La respiration deviendrait lourde, embarrassée, la voix serait criarde, rauque, et finirait par ne plus s'entendre. On évitera ces graves inconvénients en s'habituant à faire des gestes qui empêchent les muscles des bras de se contracter. Pour cela, on dira des morceaux énergiques, tels que les fureurs d'Oreste, etc., et, pendant tout le temps qu'on les déclamera, on élèvera et on abaissera les bras sans mettre de force dans ses mouvements. Par ce moyen, on parviendra à rendre les gestes souples et moëlleux.

Le corps étant bien posé, il faut mettre en mouvement les bras, pour qu'ils concourent à rendre visibles les pensées que l'on veut peindre et animer. Dans tous les cas, le changement de position se fera en décrivant une courbe. Supposons que les bras se trouvent dans la position précédente, et qu'on veuille les déplacer pour indiquer un lieu; on commencera par faire partir le geste du coude, c'est-à-dire qu'on le soulèvera un peu, puis la main décrira la courbe suivante et se posera ainsi :

Il est là !

La courbe est plus ou moins allongée, selon l'espace que l'on fait parcourir au geste.

Dieu!

Ce que nous venons de dire s'applique nécessairement à tous les gestes; seulement il faut avoir soin, comme je l'ai déjà dit, de faire le geste principal ou le plus élevé avec la main placée du côté de la jambe qui est posée en avant. Cette position est donc mauvaise,

tandis que celle-ci est bonne.

La main joue un très-grand rôle dans la récitation C'est elle qui fait connaître ce que nous désirons et ce que nous repoussons. Lorsqu'elle exprime le désir de posséder ou d'attirer, le dedans de la main est toujours tourné vers le corps:

Venez à moi !

Tandis que, lorsqu'elle désigne des objets extérieurs ou qu'elle marque la répulsion, le dedans de la main est tourné en dehors:

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