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gnifie tel ou tel auteur, tel ou tel écrivain, tel ou tel interlocuteur dit que tel autre pavi, a dit. La solution d'une foule de difficultés serait donnée en une demie heure de conversation; par lettres, il faut des mois pour se dire peu de choses, du moins en critique et en grammaire. Xénophon est tout à l'heure au sixième volume. Après celui-là, il n'y en aura plus qu'un et le manuscrit est prêt. Mardi prochain, notre séance publique. L'abbé Delille y lira; je préluderai au chantre des Géorgiques par un parallèle entre Théocrite et Virgile; mon travail est à peu près fini, mais le peu qu'il me reste exige encore des recherches. Je vous quitte en vous offrant mes salutations amicales. Ess, A Dieu.

« J.-B. GAIL. >> Nous citons en conservant l'orthographe. « Gail, a dit PaulLouis, modèle de conduite, littérateur parfait, ne sait aucune science, n'entend aucune langue,

Mais s'il est par la brigue un rang à disputer,

Sur le plus savant homme on le voit l'emporter. »>

Un des cousins de Lamennais, Charles Pitot, de l'Ile de France, était seul admis, le soir, dans son intimité. Anacréon, Catulle, Tasse, Métastase, étaient leurs poëtes favoris. Nous avons une imitation de l'ode Eis EXUTO écrite de la main de Lamennais :

Que j'aime à reposer sur les gazons naissants
Où du printemps la douce avant-courrière,
La rose a dispersé sa couronne légère.
Que j'aime à respirer ce calme heureux des sens,
Délicieux oubli des soucis de la terre.
Oh! viens à moi, jeune enfant de Cythère,
Viens, mais n'agite pas dans tes perfides mains
Ton flambeau si funeste au repos des humains;
Je n'en ai pas besoin pour aimer ma Glycère.
Mon cœur n'a pas souffert des injures du temps,
Et j'ai vu quelquefois ma folâtre bergère

S'étonner de mes cheveux blancs,

Et retrouver sur la fougère

Dans le sein d'un octogénaire

Le feu qui la consume à la fleur de ses ans.

L'affreux trépas que rien n'arrête,

Dès demain, je le sais, peut planer sur ma tête.
Les noirs cyprès bientôt peut-être couvriront
Ces roses dont Glycère a couronné mon front.
Ah! si demain une lugubre pierre
Du chantre de Théos doit couvrir les débris ;
Si ma lyre, demain, à l'écho solitaire
Ne doit plus répéter mes accents favoris;
Si demain, au cyprès tristement suspendue,
Elle apprend à l'Amour, à Vénus éperdue
Qu'Anacréon cédant aux noirs arrêts du sort,
Et non sans quelques pleurs abandonnant la vie,
A passé doucement des bras de son amie
Dans les abîmes de la mort;

Alors, amis, et toi, tendre Glycère,
A mes restes glacés refusez ces honneurs
Dont ne sait plus jouir une froide poussière.
Sur mon tombeau ne semez pas des fleurs.
Pour qui seraient, hélas! ces parfums enchanteurs?
C'est maintenant, c'est pendant que mon âme
Peut encor partager une amoureuse flamme,
Que je veux au printemps demander ses faveurs,
Au Zéphyr ses parfums et son tendre murmure,
Au bosquet sa fraîcheur, au lilas ses bouquets,
Ses naïves chansons, sa voix flexible et pure
A l'oiseau, chantre des forêts;

A toi de doux baisers, ô ma jeune maîtresse,

Au plus puissant des Dieux son amoureuse ivresse,
A Bacchus ses transports et l'oubli des regrets.

A la suite, la traduction libre des vers de Catulle :
Surripui tibi, dum ludis, mellite Faventi, etc.

« Charmante Lydie, je vous ai dérobé, au milieu de vos jeux, un baiser plus doux que la douce ambroisie. Mais, hélas! que ma témérité a été sévèrement punie! Combien j'ai souffert, en voyant que ni mes excuses, ni mes regrets, ni mes larmes ne pouvaient, cruelle, obtenir de vous le pardon d'une faute si légère. Comme si mes lèvres eussent souillé vos lèvres, vous avez voulu qu'une eau pure en effaçât jusqu'aux dernières traces. Vous ne cessez d'exciter mon amour pour le tourmenter, et d'un tant doux baiser vous en avez

fait un baiser plus amer que l'absinthe. Ah! si c'est là le châtiment que vous réservez aux indiscrets, charmante Lydie, je ne vous déroberai plus de baisers. »

Air d'Apostol Zeno : O quanto è facile, etc.

« Oh! qu'il est aisé de languir dans les chaînes d'amour! Qu'il est difficile d'en sortir! On secoue le joug, mais on ne le brise point, et l'amour se venge en redoublant nos feux. >>

Adieux de Régulus aux Romains, tirés de la tragédie

Attilio Regolo.

<< Romains, que nos derniers adieux soient dignes de vous. Grâce au ciel, je vous laisse, et je vous laisse Romains. Dieux de la patrie, déesse protectrice des enfants d'Enée, je vous confie ce peuple de héros; veillez sur cette terre, sur ces toits, sur ces murailles. Faites que la constance, la bonne foi, la gloire, le courage, la justice les habitent toujours, et si jamais quelque calamité menaçait le Capitole, ô dieux! voici Régulus; que Régulus seul soit votre victime! Épuisez sur moi toute votre colère, mais épargnez Rome....................... Romains, vous pleurez, adieu !

Chœur des Romains.

« Honneur des rives du Tibre, père de Rome, adieu! Par toi nous triompherons des ans et de l'oubli, mais à quel prix, si Rome te perd! Chaque siècle ne produit pas un Régulus. >>

Extrait de Tasse: Giace l'alta Cartago, etc.

<< Carthage n'est plus ; à peine ses rivages ont-ils conservé quelques vestiges de ses ruines. Les villes, les empires meu

rent; pour couvrir et leur faste et leur pompe, il suffit d'un peu de sable et de quelques brins d'herbe ; et l'homme s'indigne d'être mortel! >>

Un passage de Thomas Moore.

« The sea is like a silvery lake,
Ando'er it calm the vessel glides
Gently, as if it fear'd to wake

The slumber of the silent tides.

« La mer ressemble à un lac argenté, et sur sa tranquille surface, le vaisseau glisse légèrement, comme s'il craignait de réveiller les flots endormis. >>

Le premier essai de Lamennais est une préface faite en 1802 pour un petit écrit de M. des Saudrais, intitulé: Les Philosophes; écrit qui a pour objet de prouver l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme.

« Le public qui parle, que nous croyons devoir distinguer du public qui pense, dit feu d'Alembert, fondant sans doute sa distinction sur ce que parle qui veut et pense qui peut; ces deux publics, dis-je, ne sont ni l'un ni l'autre le public qu'il me faut, et, puisque j'ai le choix, c'est le public qui rit. Que deviendrais-je avec le public qui pense? Quand j'en ai parlé à mon libraire, il m'a dit: - Pour moi, je n'ai besoin que du public qui paie, et même avec lui je me passerais bien du public qui lit. Mais, lui ai-je dit, n'avons-nous point encore à craindre un public qui parle? Non; le public qui parle et le public qui se tait, je n'en fais point de différence; craignez plutôt le public qui écrit. Oh ! je ne crains point ce public-là. — Tant pis, vous aimez à rire et ce public-là ne rit point toujours. Eh! n'avons-nous point les mêmes armes, une plume, de l'encre et du papier; et vous savez ce que sont toutes nos guerres, du noir sur du blanc. Je souhaiterais, je l'avoue, qu'elles fussent encore moins que cela.

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O Sterne, Sterne! que tu avais bien raison de couvrir les pages de points, ou de les noircir, ou enfin de les laisser en blanc. Que pouvais-tu faire de mieux pour la plupart des lecteurs, et quel meilleur modèle pour la plupart des écrivains ! »

Lamennais donnait à l'étude les heures qui n'étaient pas employées au travail du comptoir de son père. Ce travail aride et assidu n'était guère de son goût. Le foyer paternel lui semblait froid et terne. Il écrit cette boutade : « L'ennui naquit en famille, une soirée d'hiver. » A dix-huit ans, il songea à se créer une existence indépendante. Son cousin Pitot lui écrivait à ce sujet, le 1er vendémiaire an X :

« Les vaisseaux le Naturaliste et le Géographe, partis d'Europe le 27 vendémiaire an IX, sont arrivés ici le 25 ventôse dernier, et m'ont apporté ta lettre du 2 octobre 1800. Tu me témoignes le désir de te réunir à ton meilleur ami et tu me demandes ce que je pense de ce projet, et si je crois que tu puisses trouver à t'employer utilement dans la colonie. Notre place, si brillante en temps de paix, voit à peine en un mois quelques opérations s'entamer, et encore quelles opérations! Si cependant tu venais ici avec quelques moyens, tu pourrais rivaliser avec succès avec nos agents de change. Les fonds que tu apporterais, placés solidement, te donneraient, si l'intérêt de la place est encore le même, de 2 à 3 p. 0/0 par mois. Ce revenu, supérieur à tous ceux que peuvent présenter les spéculations en apparence les plus brillantes, joint à celui de ton industrie, te donnerait le moyen d'attendre la paix. C'est alors qu'une carrière immense s'ouvrirait devant toi et que, secondé par des parents qui t'aiment, tu pourras y marcher à grands pas. »

Ce projet n'eut pas de suite; les idées de Lamennais prirent une autre direction. « Quels transports d'enthousiasme

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