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La première chose qu'on doit considérer avant d'entreprendre une histoire ecclésiastique, c'est la possibilité de l'exécution. Or il est évident qu'il n'y a point de vie humaine qui pût suffire à un pareil travail, si on voulait n'omettre aucun fait, et traiter chaque partie avec la même étendue qu'on donnerait à une histoire particulière. Je ne crois pas que l'ouvrage entier doive avoir plus de 20 à 25 volumes in-8° de 5 à 600 pages, ce qui suppose à peu près vingt années de recherches et d'application assidue. A la vérité, il est vraisemblable qu'un temps beaucoup moins long suffirait pour rassembler les matériaux, mais je n'oserais me flatter d'avancer plus vite dans la rédaction, qui demandera beaucoup de soin et exigera que chaque volume soit revu à plusieurs reprises.

Obligé de se réduire, il me semble qu'on doit abréger : 1° les analyses des Épîtres; 2° les Actes des martyrs; 3° les extraits des Pères; 4° l'exposition et la réfutation des hérésies dont l'influence a été ou nulle ou peu considérable. Quant aux faits isolés et insignifiants, il faut les supprimer tout à fait.

Il y a trois idées principales auxquelles tout doit se rapporter: 1o la protection visible de Dieu sur son Église, preuve magnifique de la divinité de la Religion; 2° les développements du gouvernement de l'Église, variable dans sa forme, quoique toujours le même au fond; raison des changements qu'a subis la discipline aux diverses époques; 3o l'influence du christianisme sur la société. Le mérite et l'utilité

de l'ouvrage dépendront uniquement de la manière dont seront traités ces points fondamentaux. Le reste, et le style même, n'est qu'un faible accessoire. D'ailleurs un bel ordre d'idées élève naturellement l'esprit et fortifie le talent. Res verba rapiunt.

La narration ne devant pas être coupée par des réflexions trop nombreuses, il conviendra de les rejeter dans des discours, qui montreront au lecteur sous des points de vue généraux les siècles dont il aura parcouru l'histoire; ces discours, quoique placés à quelque distance les uns des autres, devront s'enchaîner de manière à former à eux seuls un ouvrage complet. Peut-être même vaudrait-il mieux n'en faire qu'un qui terminerait l'histoire entière, et ce serait assez mon avis, parce qu'alors tout se suivrait, et l'on ne serait pas obligé de revenir à plusieurs fois sur le même sujet, et par conséquent d'affaiblir l'impression qui doit résulter du tableau qu'on entreprendra de tracer. Ce sera une chose à examiner ensemble.

Quant au premier travail, l'essentiel est de citer longuement, exactement, et de mettre les dates à la marge de toutes les pages. Rien n'empêche de joindre aux extraits les réflexions qui se présentent d'elles-mêmes à l'esprit; mais je ne crois pas qu'il faille s'arrêter à les chercher, ni perdre le temps à soigner le style; car il est presque impossible d'employer dans la rédaction définitive des phrases isolées qui ne se lieront ni à ce qui précède ni à ce qui suit. L'essentiel est d'aller vite dans les recherches. Si, en allant, on trouve quelque sujet dont la discussion pût avoir quelque importance, on peut le noter à part, pour y revenir ensuite, s'il y a lieu, à moins qu'il ne fût nécessaire de l'éclaircir pour l'ouvrage même dont on s'occupe. En somme, s'écarter le moins possible à droite et à gauche. La route est longue; le seul

moyen d'arriver est de marcher toujours, et toujours devant soi.

Prie Biarrote d'adresser à Champy, par la diligence, des échantillons écrus d'environ 1/4 d'aune chacun, des diverses qualités de toiles de Bretagne, c'est-à-dire, des principales. Il faudra joindre à chaque qualité une étiquette contenant le prix actuel, et la désignation de la qualité, large et étroite. Ce que Champy désire de toi, c'est que tu le mettes en relation avec tes curés. Tu pourrais leur parler de lui, le leur recommander, et ensuite lui écrire un mot pour le prévenir de ce que tu auras fait et lui dire à peu près quels hommes ce sont que ces curés. Il me donna hier un recueil intéressant dont voici le titre : Acta inter Bonifacium 8, Benedictum II, Clementem 5, P.P.P. et Philippum Pulc. Regem christian. Auctiora et curendatiora. Historia eorumdem ex variis scriptoribus. Tractatus sive quæstio de potestate P.P. script. circa ann. 1,300. 1 vol. in-12, 1614.

Bois vient de recevoir une lettre de son père la plus étrange qu'il soit possible d'imaginer, et qui annonce la détermination de poursuivre son dessein; seulement il paraît assez indifférent sur le choix de la personne qu'il gratifiera de sa main. Joins à cela ce que j'ai découvert au sujet du procédé inexplicable de Girard, et juge de nos embarras. J'ignore encore à quel parti nous nous arrêterons; peut-être pourrai-je te le marquer lundi. Je pense que soit que nous allions à Saint-Brieuc, soit que nous restions ici, nous ferons le voyage de Saint-Malo pour essayer le dernier moyen, empêcher qu'au moins il n'épouse sa servante, ce qui nuirait doublement au fils, et pour que Bois termine ses partages. Si nous avions su quelles ressources Saint-Brieuc peut offrir, cela nous eût aidés à nous décider. La vie est bien triste.

Je viens de consulter M. Ronsin sur tout cela, mais je n'ai

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pu lui parler qu'un moment, parce qu'il donne une retraite au séminaire de Saint-Nicolas, et qu'il a fallu qu'il se rendit à l'un des exercices. Il m'a renvoyé à la semaine prochaine pour en recauser. Je ne prévois pas que cela puisse être avant jeudi, à cause des fêtes. A tout événement, marque-moi ton avis, combien de temps tu resteras encore à Saint-Malo, et quelles ressources on trouverait à Saint-Brieuc. Je serais bien moins embarrassé, si je croyais pouvoir me livrer moimême à un commerce quelconque ; j'aurais, ce me semble, mille moyens de réussir; mais il n'en est pas de même de Bois que fera-t-il tout seul? D'un autre côté, plus j'y pense, plus il me paraît évident que je manquerais à ce que Dieu demande de moi en abandonnant des travaux qui peuvent être utiles à l'Église, pour des occupations dont le seul but serait de gagner de l'argent. Ce n'est pas que le métier d'auteur ne soit, à mon avis, plus pénible qu'aucun autre, surtout pour celui qui n'est pas même assuré d'avoir du pain; il est sûr encore qu'un tel état d'indigence ôte à l'esprit la moitié de sa force. Toutefois il n'y aurait, je crois, qu'une nécessité absolue, qui, dans ma position, pût justifier la sorte de désertion dont je parle. Quand pourrons-nous toucher ce qui nous reviendra dans la liquidation?

Notre excellent ami Tesseyre me charge de te dire mille choses tendres. L'évêque de Carcassonne écrit à Girard qu'il y a dans la Tradition des choses qui étonneront beaucoup de gens, et que cet ouvrage sera sûrement bientôt traduit en italien; il n'avait lu encore que le premier volume. Il en paraît très-content ainsi que de la petite brochure sur l'Université. On marque de Rome que la légation attendait impatiemment nos livres. M. de Pressigny a trouvé qu'on parlait d'une manière trop décisive des anciens évêques dans les Réflexions; il doit s'en plaindre à l'auteur. Si l'auteur fait

une nouvelle édition, il en dira dix fois plus. Voilà ce que je sais de science certaine. O vanæ hominum mentes! o pectora cœca! Embrasse Tonton pour moi, et Marie, et Ange, et leurs enfants. Mille choses à Biarrote, la Villemain, Hay, Querret, Langrez, Roger, et tutti quanti.

Il y a dans la Gazette de France du 25 un excellent morceau de M. de Bonald sur l'émigration.

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Tu auras vu par ma lettre de samedi que la réponse du bonhomme a été toute différente de ce que tu pensais. Je crois qu'il tient à se marier ne uret. Comme sa lettre était d'une personne qui a de l'humeur, ou qui veut paraître en prendre, son fils lui écrit aujourd'hui deux mots seulement pour l'adoucir, en lui annonçant qu'il lui répondrait incessamment plus au long. Nous avons été bien aises de nous réserver une huitaine de jours, avant de nous expliquer nettement, et voici pourquoi. Rusand, qui est le meilleur des hommes, et aussi ouvert, aussi franc que Girard l'est peu, doit mercredi ou jeudi presser celui-ci d'en finir, sans quoi il se décidera à monter un autre établissement, les lenteurs et les incertitudes de Girard lui ayant été déjà extrêmement préjudiciables. Or, soit que M. Rusand succède à Girard (sans néanmoins quitter sa maison de Lyon), soit qu'il forme une autre maison, il m'a promis d'y placer Bois, et même de l'y associer au prorata des fonds qu'il y placerait. Ce serait là tout ce qu'on pourrait désirer de plus avantageux. Rusand est riche, actif, plein d'honnêteté et d'habileté dans son genre de commerce, et de plus je n'ai vu dans aucun laïque une

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