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fût la coutume de l'Église de recevoir des hérétiques les Saintes-Écritures; si ce débordement d'écrits anti-catholiques continue, je crois qu'il est du devoir des évêques d'en interdire la lecture, et de prémunir les fidèles par une instruction pastorale contre les piéges qu'on leur tend. Depositum custodi. J'ai promis à M. Robichon d'en parler à M. Millaux en passant à Rennes. Marque-moi ce que tu en penses. Après avoir reçu mercredi le billet de Tonton, où il m'annonçait son changement de détermination, j'allai le voir et le trouvai tout prêt à changer de nouveau. Heureusement, je ne parus pas m'en apercevoir, et pris toujours pour constant qu'il restait: Nous convînmes qu'il écrirait à Champy pour le remercier, et assurément il ne pouvait faire moins. Ce matin il m'a envoyé le billet que voilà. Cela passe tout ce qu'on peut imaginer.

Gratien a écrit à Ange; il est encore à Tours et dans la même incertitude qu'auparavant. Sa lettre est du 24 juin; il n'avait pas reçu la tienne. Selon ses désirs, j'ai récrit à Fouques pour le prier de le recommander de nouveau à M. Le Gendre. Il demande de l'argent, Ange lui envoie environ quatre louis. On venait de désigner des chevaux pour les gardes en simple permission, mais, pour en jouir, il fallait un certificat du Préfet qui constatât qu'on s'était fourni d'un cheval, et qu'on l'avait payé. J'ai prié Dulerain de nous procurer ce certificat.

Après en avoir conféré avec Ange, j'ai aussi écrit à Le Chault dans le sens de ce que je te marquais le dernier courrier. C'est, à mon avis, le seul moyen d'en finir avec lui.

1er juillet.

Il est difficile de prendre un parti sur quelque chose d'aussi vague que ce que marque ce M. Niel ou Niais; ce

pendant j'entrevois, comme toi, que ces propositions pourraient me convenir positis ponendis. Ainsi, réponds ce que tu croiras le plus à propos, sans me lier. On ferait ce travail plus agréablement ensemble. Je serai sûrement bien aise d'avoir les notes sur Grégoire, et tutti quanti. Même pendant que tu resteras à Saint-Brieuc, tu pourrais beaucoup m'aider, et j'en aurai besoin à tous égards. J'ai habituellement ma fièvre et ma toux qui me minent. Je t'enverrai les Sectes religieuses, dès qu'elles me seront venues à la Chênaie. Si le journal projeté n'est pas plus volumineux que les Mélanges, et si le travail était partagé également entre les collaborateurs, ce ne serait pas, ce me semble, une besogne très-fatigante. Avec 8 ou 10,000 fr. de rente, je ne plaindrais tout au plus que la bonne compagnie qui me lirait. Conviendra-t-il. que je parle à Girard de tout cela ?

Il est impossible d'avoir plus de délicatesse, de bonté et d'amabilité que l'Évêque. Je voudrais bien qu'il eût été ambassadeur à Rome.

Les fermiers de la Chênaie arrivent ce matin, ce qui va me donner de l'embarras, car j'aurai plusieurs caisses de livres à faire. J'en adresse à Girard une caisse, et deux ballots; les ballots contiennent la Polyglotte et la collection Patrum græcorum, que je tâcherai de vendre. La caisse renferme divers livres à mon usage que nous ne pouvions vendre, comme tu sais. J'emporté aussi deux couvertures de laine, 2 id. piquées, 3 douzaines de serviettes, une douzaine d'essuiemains et 3 nappes, parce que j'imagine que le logement me coûtera moins en fournissant mon linge.

J'écrivis le dernier courrier à Marion pour le prier de faire avertir, soit Ange, soit Biarrote, à son premier voyage à Saint-Malo, afin de terminer l'affaire de M. de la Vieuville. Je garde la lettre de Niel pour me faire reconnaître en ar

rivant chez lui. Voici son adresse, que tu n'as peut-être pas conservée D. Niel-Sainte-Étienne, Vieille-Rue-du-Temple, N° 138.

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J'ai rendu 10 fr. à M. Robichon. Ce sont des conversations bien courtes que celles qui se font la plume à la main. Mille choses tendres à M. Vielle. Je t'embrasse de tout mon cœur. Je compte toujours partir le 12. Totus tuus in Christo.

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Et d'abord, de peur de l'oublier, car on oublie si facilement le pauvre, ton intention est-elle de continuer de donner chaque semaine un pain de 3 liv. à la Jean Julien? La Villemain demande une réponse sur cet article. J'ai avancé 100 fr. à Tonton sur le terme du mois d'octobre. Papa m'écrit qu'Ange lui a envoyé 250 fr. proprio motu; d'après cela, je ne pourrai m'empêcher de proposer à Ange de partager par tiers ce supplément de pension.

Ces bons Parisiens sont plaisants à voir dans le frisson de cette fièvre de peur qui semble leur être naturelle, et dont ils ne guériront pas plus que moi de ma fièvre nerveuse. Si jamais j'en ai le temps, je ferai en leur faveur un livre sur l'importance des opinions délicates, ce qui sera un très-beau sujet et très-divertissant, pour peu qu'il soit traité délicatement.

En nous chargeant de la rente de Le Chault, mon idée est de placer les 8,000 fr. sur sa tête et la tête de sa femme; mais on n'eût pu faire la chose directement sans qu'il eût eu le contrat, et alors il aurait demandé 1,000 fr. au lieu de 800 fr. puisque déjà il voulait qu'on plaçât à 9 fr. 0/0 la totalité de son capital primitif. C'est la même opération qu'auparavant

mais dont le mode seulement est changé, pour éviter les chi

canes.

Au lieu d'entrer comme auxiliaire dans une spéculation d'autrui, le mieux serait peut-être que je fisse mon journal seul. Je pourrais faire paraître tous les quinze jours deux feuilles ou 32 pages. L'abonnement serait de 20 fr. par an et 11 fr. pour 6 mois. C'est le prix du Mercure étranger, dont il paraît tous les mois un cahier de 4 feuilles ou de 64 pages. Dis-moi ce que tu penses de ce projet. Tu pourrais m'envoyer de Saint-Brieuc des articles ou des matériaux. Il faudrait demander en Italie les ouvrages qui pourraient fournir des extraits piquants. Plus on serait ferme dans ses principes, plus le journal aurait de vogue. Si j'entreprenais ce travail, je serais bien aise d'avoir ce que tu as des papiers de Tonton, pensées détachées, etc. Tu me ferais même grand plaisir d'extraire, du Bon curé, les morceaux qui pourraient figurer à l'article Variétés. Je crois qu'il faudrait aussi avoir un article Nouvelles ecclésiastiques, qui contiendrait les pièces officielles, et autres documents qu'on est bien aise de conserver.

M. Le Breton (1) me lut hier une lettre charmante du bonhomme La Guéretrie (2). Il raconte le passage du duc d'Angoulême à Vitré. «Nous autres prêtres, dit-il, nous lui fîmes aussi notre révérence et notre petit compliment, qui était si beau que le Prince ne répondit rien. » Un maire des environs, homme fort savant dans sa paroisse, avait fait un grand écriteau où on lisait : Vive les Dourdons. Le curé jugea convenable de supprimer ce trait d'érudition. Je t'embrasse.

(1) Curé de Saint-Malo.

(2) Ancien supérieur du grand séminaire de Rennes; alors curé de Vitré.

63. Au même.

7 juillet 1814.

Je viens de lire le projet de loi napoléonienne sur la liberté de la presse. (1) Cela passe tout ce qu'on a jamais vu. Buonaparte opprimait la pensée par des mesures de police arbitraires, mais une sorte de pudeur l'empêcha toujours de transformer en ordre légal le système de tyrannie qu'il avait adopté et qu'on n'aurait pas cru susceptible de perfectionnement. Voyons ce qui en résulte pour nous. Premièrement, Girard sera obligé de déclarer qu'il se propose d'imprimer un ouvrage sur l'institution des évêques, lequel formera tant de feuilles d'impression; 2° l'impression finie, et avant de commencer la vente, il faudra qu'il remette un exemplaire au directeur de la librairie; 3° le premier venu, Tabaraud par exemple, peut former plainte devant un tribunal, et déférer le livre comme un libelle diffamatoire, auquel cas l'édition sera saisie, en attendant jugement. Il n'est pas même bien clair que la saisie ne puisse pas avoir lieu malgré le privilége de nos 66 feuilles, sous le prétexte que nous remuons des questions qui peuvent troubler la tranquillité publique. Ce serait bien pis si nous n'avions qu'un petit pamphlet de 480 pages in8°, il n'y aurait pas moyen de se tirer d'affaire. Heureux celui qui vit de ses revenus, qui n'éprouve d'autre besoin que celui de digérer et de dormir, et savoure toute vérité dans le pâté de Reims, que nul n'oserait censurer en sa pré

(1) Ce projet de loi, présenté le 5 juillet par le ministre de l'intérieur, M. de Montesquiou, se composait de 22 articles. Il soumettait à la censure tout écrit ayant moins de trente feuilles d'impression; exigeait l'autorisation du roi pour la publication des journaux et des écrits périodiques; obligeait les imprimeurs et les libraires à se munir d'un brevet et à prêter serment, et ce brevet pouvait leur être retiré pour contravention aux lois et règlements. M. Royer-Collard et M. Guizot furent les auteurs du projet.

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