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les héritages tenus dans la fimple directe du duc de Rendans, avec ceux qui étoient tout à la fois dans fa directe & dans fa juftice. Les magiftrats auront cru fans doute que la claufe de l'usage de chevalier ne devoit s'appliquer qu'aux derniers, quoiqu'elle fût conçue en termes généraux & fans exception. Autrement l'arrêt feroit contraire au texte de la coutume qui dit dans l'art. 8 du tit. 25 que « celui qui prétend avoir ladite taille èfdits quatre »cas par droit conftitué, comme par reconnoif» fance ou terrier, fans être feigneur haut-jufticier, "ne peut demander que ce qui lui eft conftitué ». Il est évident que M. le duc de Rendans n'étoit pas le feigneur haut - jufticier relativement aux héritages dont il s'agiffoit, quoiqu'il le fût dans la majeure partie de fa terre.

Les diftinctions qu'on vient de préfenter pour juger de la perfonnalité, ou de la réalité du droit de taille, paroiffent plus nettes que celles propofées par Sudre dans fes notes fur le chap. 10 de Boutaric. Il faut, dit-il, obferver que le droit de taille peut avoir deux origines, l'inféodation des biens, ou l'ufage pratiqué par les anciens vaffaux de faire des préfens à leurs feigneurs. Il faut fuppofer encore, comme je l'établirai en parlant des corvées, que les droits établis dans une feigneurie font cenfés defcendre du bail primitif, ou des affranchiffemens qui tiennent lieu du premier bail, quand ils fe trouvent exprimés dans des titres deftinés à conferver la mémoire des droits du fief, tels que des reconnoiffances & des terriers, & qu'il ne paroit pas des terriers plus anciens, dans lefquels ces droits ne foient pas compris. Qu'au contraire ces droits font cenfès avoir pris origine dans la fimple poffeffion, s'ils ne font point compris dans les titres du fief, ou fi étant compris dans quelqu'un des terriers récens, il y en a de plus anciens dans lefquels ils ne fe trouvent pas.

C'eft fur ces deux idées que Sudre fonde la réahité, ou la perfonnalité du droit de taille. C'est un droit réel, dit-il, s'il en eft fait mention dans ce qui paroît des plus anciens titres du fief, parce qu'alors ce droit eft cenfè defcendre du bail primitif des biens, ou de ces affranchiffemens par lefquels les conditions des baux primitifs ont été réformées. Mais fi le feigneur eft réduit à ne s'appuyer que de la poffeffion, foit que le droit de taille ne paroiffe Aipulé dans aucun terrier, foit qu'il y en ait de plus anciens dans lefquels il n'en foit point parlé; dans ce cas, le droit doit être déclaré perfonnel, fans diftinguer fi c'est comme feigneur du fief, ou comme feigneur de juftice, que le feigneur & fes prédéceffeurs ont été dans l'ufage de le lever, parce que c'eft fur les perfonnes qu'ils ont poffédé, que c'eft aux perfonnes même que leur poffeffion s'eft rapportée.

On peut critiquer la bafe même de cette diftinction. La taille ne doit point être admife, fauf dans les coutumes qui l'autorifent de plein droit, en vertu de la icule poffeffion. C'est ce que Boutaric.

lui-même a fort bien établi au no. 18 du chap. 10. Il faut au moins des titres énonciatifs pour cela. On devroit même la profcrire files titres les plus anciens n'en faifoient pas mention, à moins qu'on ne vit la caufe de cette furcharge dans les nouveaux terriers. Enfin, il y a beaucoup de titres d'affranchiffement, ou de reconnoiffance dans lefquels on voit que la taille eft un droit perfonnel, quoiqu'on préfume plus facilement qu'elle eft réelle.

§. VII. De la quotité de la taille aux quatre cas, La plupart des coutumes qui font mention de la taille, règlent auffi le pied fur lequel elle doit être perçue lorsqu'elle n'eft pas abonnée par les titres particuliers de la feigneurie. Le plus grand nombre de celles où elle est réelle doublent le cens l'année où elle fe perçoit, en fixant auffi de manière ca d'autre le droit dû pour les fiefs, dans les coutumes où ils y font fujets.

La coutume d'Anjou, art. 128 & fuivans, dit que le devoir fe double jufqu'à la fomme de vingt-cinq fols tournois & au-deffous, mais non pas au-deffus, " & que fi cens, fervice & rente font dus pour » raifon d'une même chofe, le cens & le fervice » fe pourront doubler & non la rente ». Et comme les fiefs font communément abonnés à des devoirs annuels dans cette même coutume, les deux articles fuivans ajoutent que le vaffal paiera auffi le double du devoir annuel à fon feigneur, ou, s'il n'y en a pas, une fomme de vingt-cinq fols que la coutume lui permet d'exiger à fon tour de fes propres val.

faux.

La coutume d'Artois qui n'admet l'aide que pour les fiefs, règle ce droit dans l'article 38 comme un relief fans chambellage.

Celle d'Auvergne, où la taille eft perfonnelle de droit commun, dit dans l'article 5 du titre 25 « qu'elle eft due par chacun defdits fujets refféans, » le fort portant le foible, à raifon de trente fols » pour feu, & au-deffous, qui doivent être égalés " par lefdits fujets quand ils en font requis ». Mais l'article 7 ajoute a que c'eft au choix du feigneur » de prendre à raifon de trente fols pour feu, qui » font dus pour raifon de haute-justice, ou ce qui » lui en eft constitué ».

L'article fuivant n'attribue au feigneur non haut jufticier que ce qui lui eft conftitué par reconnois fance ou terrier; enfin l'article 15 la règle au double cens en deniers tant feulement, entre les rivières de Cher & Sioule, où la taille est due à cause de la directe.

La coutume de Boulonnois, art. 21, est semblahle à celle d'Artois.

Celle de Bourbonnois Idouble les tailles perfon nelles en faveur du roi comme duc de Bourbonnois, tant feulement, fauf dans les lieux qui ont des abonnemens particuliers. A l'égard des feigneurs particuliers, l'article 349 porte « qu'ils en uferont » felon leurs droits, qu'ils avoient auparavant la » publication de ces préfentes ».

La coutume de Bourgogne n'a point de difpofi

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sion fur cet objet. L'ufage eft d'y doubler non-feu-
lement le revenu des droits de taille, mais auffi
celui des corvées & redevances ordinaires, fans
que les fujets foient tenus de payer l'aide en espèce,
mais en argent feulement, felon l'eftimation de l'an-
née courante.

La coutume de la Marche où la taille eft auffi
réelle, dit dans l'article 130 « que la taille peut être
impofée fur lefdits hommes tenans fervement,
» à volonté raifonnable, felon la faculté de leurs
» biens, par le juge dudit feigneur s'il eft jufti-
»cier, finon par le feigneur mème, en fignifiant
» à fes hommes pardevant leur juge ordinaire ou
» autre compétent l'impôt par lui fait à ce que,
» s'ils font furindicts ou exceffivement impofés,
» ladite taille foit réduite & modérée arbitrio boni
» viri, & s'il eft prifonnier des ennemis, eft le cas
» réitérable ». Mais quant aux hommes francs, ou
tenant héritage en franchise à devoir d'argent,
c'eft auffi une année de ce devoir, « & s'il ne doit
» point de devoir, il ne doit rien de la taille aux
» quatre cas ».

La coutume de Loudunois, chap. 8, art. 7 & 8
admet auffi le doublage du devoir annuel, mais
feulement dans le cas où il ne paffe pas vingt fols
tournois. Car alors il ne double pas. Dans le cas
même du doublement, les devoirs en bled, volaille
ou autres ne doivent point être exigés en nature
mais feulement en argent, fuivant l'eftimation.
Quant aux fiefs, l'aide confifte dans le tiers du
fervice annuel s'il en eft dû un, finon dans le
feptième du revenu du fief.

La coutume du Maine, article 138 & fuivans, eft
abfolument femblable à celle d'Anjou.

Celle de Normandie, où l'aide n'a lieu que pour
les fiefs, ne contient aucune difpofition fur la fixa-
tion de ce droit. Bafnage dit qu'on doit le régler for
le même pied que l'aide de relief, c'est-à-dire, à la
moitié du relief.

L'article 189 de la coutume de Poitou porte l'aide.
à la quatrième partie d'une année du fief. Elle ne
s'explique point fur les rotures, qui n'y font pas
communément fujettes dans cette province. On ne
doit donc pas, comme l'ont fait Conftant & Bou-
cheal, étendre la fixation faite par cet article, lorf
qu'elles font tenues au droit de loyaux-aides. Le
doublage du cens forme le droit commun.

par

La coutume de Touraine, art. 54, eft conforme
à celle de Loudunois quant aux cens & rentes in-
féodés, c'est-à-dire, pour les devoirs roturiers. Elle
ajoute de plus que les rentes roturières ne doivent
aucune aide, «& font dites rentes roturières, qui
"font acquifes, ou prifes par puiffance de fief,
» le feigneur en fon fief. » Quant aux fiefs, le
même article porte « que quand les loyaux-aides
» non abonnés échéent, ils fe lèvent fur ceux qui
» tiennent à hommage & férvice annuel, c'eft à
» favoir la tierce partie d'icelui devoir ou fervice,
» & la quinzième partie du revenu du fief d'une
» année outre ledit service, Et s'il n'y a service

» annuel, les loyaux-aides fe lèvent à la valeur
» du cinquième du revenu du fief pour l'année
» qu'ils échéent, fur le droit dudit vaflal & non
» du laboureur ».

Le doublage des cens eft auffi admis dans la ma-
jeure partie de la Guienne, fuivant Boerius, &
même dans prefque tous les pays de droit écrit. Il
faut
pourtant convenir que cette jurifprudence, qui
paroit trop rigoureufe à M. Salvaing, n'y a pas tou-
jours été fuivie. Ferrière, fur Guypape, rap-
porte divers arrêts des années 1491, 1555 &
1558, où les juges fe font rendus les arbitres de
cette redevance, & l'ont fixée à une fomme cer-
taine. Boneton, fur la même question, rapporte
un arrêt du parlement de Grenoble de l'année
1642, qu'il dit avoir pris le même parti. Mais
dans le cours du dix-feptième siècle, les parlemens
crurent ne pouvoir mieux faire que de fe ranger à
cette règle du doublement de la cenfive, que re-
commandoient tous les auteurs, & que la plupart
des coutumes avoient accueillie. C'eft depuis ce
temps-là qu'ont été rendus les arrêts de 1652 &
1693, que rapporte M. de Catellan; l'arrêt que
rapporte M. de Boiffieu, & un arrêt du parlement de
Bordeaux du 18 avril 1628, qui eft rapporté par
l'auteur des notes fur Lapeyrère.

M. Chabrol remarque auffi dans fon commen-
taire fur le tit. 25, art. 3, fect. 7., que le doublage
du cens eft l'ufage le plus ordinaire dans la partie
de la province régie par le droit écrit.

On excepte néanmoins deux cas. Le premier,
lorfqu'il eft dit par les titres, que le droit de taille
fera abonné par des experts. Et le fecond, lorf-
que la cenfive eft démesurément grande. M. de
Catellan rapporte un arrêt de l'année 1695, qui a
jugé dans le premier cas, que le feigneur, fur la
requête des emphytéotes, ou les emphyteotes fur
la requête du feigneur, ne pouvoient éviter d'être
réglés par des experts. Il y a un autre arrêt du
22 mai 1631, rapporté par M. Dolive, qui a jugé
dans le fecond cas d'une cenfive démesurément
grande, que les emphyteotes étoient en droit de
demander une impofition plus modérée.

Sudre propofe avec raifon une troisième ex-
ception, qui a lieu dans le cas où les titres de la
feigneurie règlent la taille à la volonté du feigneur.
La Rocheflavin rapporte trois arrêts des années
1555, 1558 & 1602, qui ont jugé qu'en ce cas le
feigneur eft le maître de déterminer la taille qu'il
prétend impofer, fauf à recourir à des experts, s'il
n'en ufoit pas avec équité. (Des droits feigneuriaux
chap. 7, art. 6.)

§. IX. De la manière dont la taille cafuelle fe perçoit.
Il ne peut pas y avoir de difficulté à cet égard dans
les pays où la taille eft réelle, lorfqu'elle eft réglée
par la coutume, les titres ou l'ufage. Elle fe per-
çoit alors comme toutes les autres redevances.

Mais dans les pays où la taille eft perfonnelle,
ou même dans ceux où elle eft réelle, mais abonnée

à tant par la communauté en général, ou impofable à volonté, la manière de faire l'impofition eft, comme on le fent bien, un objet important. L'art. 5 du tit. 25 de la coutume d'Auvergne porte à cet égard que la taille doit être égalée le fort portant le foible par les fujets quand ils en font requis, ou « » en leur refus, par les officiers du feigneur jufti»cier, appellé pour faire nombre convenable, " d'iceux fujets ».

D'après cette difpofition de la coutume d'Auvergne, il eft clair que le feigneur ne peut faire procéder à la répartition par fes officiers que fur le refus des habitans. On peut voir dans M. Chabrol, art. 2, fect. 2, plus de détails fur la manière dont cette répartition doit être faite.

Cet auteur obferve d'après le préfident Bouhier, qu'autrefois les feigneurs étoient dans l'ufage d'adref fer aux habitans des lettres-patentes pour la faire. La coutume de Châteauneuf, locale de Berry, tit. 2, art. 11, veut que la répartition fe faffe par quatre jurés, en présence du juge, ou du fergent ballial.

Dans les pays de fervitude, & généralement dans tous les lieux où la taille eft impofable à volonté, on doit fuivre une autre règle. Le feigneur & fes officiers font les premiers juges du taux de la taille, fauf aux impofés à prendre les voies de droit, s'ils fe croient furtaxés. C'eft ce que dit l'article 130 de la coutume de la Marche, dont on a vu le texte au paragraphe précédent.

On trouve dans Salvaing des arrêts qui ont modéré ce droit contre des feigneurs qui en prétendoient d'exceffifs.

Couturier de Fournoue fait à cet égard des ré'flexions très-fages. Il obferve qu'il feroit bien néceffaire d'avoir une bafe certaine, qui pût prévenir les conteftations que l'avidité des feigneurs & l'opiniâtreté des fujets peuvent occafionner « Il » femble, dit-il, que la coutume ait dicté là-deffus » une voie par la difpofition de l'article 132, qui » veut que la taille aux quatre cas impofée fur l'hom"me franc, ou tenant des biens en dire&te franche, »ne puiffe être portée qu'à la même fomme de » deniers & argent de rente, qu'il doit au feigneur; » & de-là on pourroit conclure & arbitrer, que la » taille aux quatre cas impofée fur les hommes ferfs » feroit de la même quantité & valeur des rentes » & droits courans de fervitude que les poffeffions » des biens ferfs doivent annuellement. On a fou"vent propofé ce tempérament que nous croi»rions raifonnable, & même on prétend qu'il y » a eu à cet égard une efpèce de préjugé par rap»port au feigneur de Mornais; mais l'arrêt n'a "pas été rendu public, & il a pu être rendu fur des circonftances particulières & hors de la thèse gé»nérale ». Voyez la fin du §. VIII.

§. X. De Li durée & de la prefeription de la taille cafuelle. Il faut ici diftinguer le fonds du droit des arrerages. Quant au fonds du droit, tous les auteurs couviennent qu'il en imprefcriptible de la

part des vaffaux ou des cenfitaires, foit parce que c'eft un droit feigneurial, foit parce que ce n'eft qu'une fimple faculté qu'il dépend du feigneur d'exercer ou de ne pas exercer.

Cette imprefcriptibilité eft formellement prononcée par la coutume d'Auvergne, tit. 17, art. 9; & Lelet, fur l'article 188 de la coutume de Poitou, rapporte un arrêt du parlement de Bourgogne, qui a jugé contre la prefcription, quoique le feigneur eût laiffe paffer, fans rien exiger, les cas prefcrits par la coutume.

L'annotateur d'Harcher a propofé une diftin&tion qui fe retrouve auffi dans d'Efpeiffes, d'Argentré & Guyot. Si le droit eft, dit-il, écrit dans la coutume, il eft imprefcriptible. D'Argentré l'a ainsi décidé en faveur du baron de Vitry, quoiqu'il fût perfonnellement un des redevables. Dans les coutumes où il faut titre, le droit fe prefcrit après contradiction, (Traité des fiefs, chap. 8, fect. 8, §. 5).

La coutume de Poitou paroît être dans ce dernier cas. Elle n'admet point le droit de loyaux - aides indéfiniment, mais feulement contre ceux dont les fiefs font tenus à cette charge. « Auffi, y eft-il dit, » plufieurs defdits hommages font tenus à certains » devoirs abonnés & aux loyaux devoirs & aides, » lefquels le vaffal, qui ainfi tient, doit faire à fon » feigneur, c'est à favoir quand il eft fait cheva»lier, &c.». C'est par cette raison que Boucheul veut que la prefcription puiffe y avoir lieu, fans qu'il foit befoin de contradiction. Mais dans les coutu mes même qui établiffent les tailles cafuelles de plein droit pour tout leur territoire, on ne voit pas pourquoi la prefcript on ne courroit pas en faveur des vaffaux après contradiction. Ces coutumes n'établiffent qu'une préfomption légale en faveur de ce devoir, & cette préfomption peut être détruite par des preuves contraires. Auffi l'article 29 de la coutume de Bourbonnois, où la taille aux quatre cas eft de droit commun, porte-t il que « droit » de taille aux quatre cas, charrois, manœuvres & n tailles perfonnelles ne fe prefcrivent finon depuis » la contradiction, après laquelle la prefcription

» commence ».

Plufieurs auteurs ont prétendu que les feigneurs pouvoient eux-mêmes prefcrire ce droit contre leurs vaffaux par la prefcription immémoriale. Sudre fur Boutaric a donné dans cette erreur, que Guyot a fort bien réfutée dans fes obfervations fur la taille aux quatre cas, chap. 6. Il rapporte un arrêt de 1474, qui l'a ainfi jugé ; il allègue aufi un autre arrêt, qui ne paroît pas néanmoins avoir jugé la queftion.

Tel eft au furplus l'avis de d'Olive, Salvaing & Bretonnier. Mais on a déjà remarqué, qu'en rejettant la prefcription, ce n'étoit pas rejetter la poflefion immémoriale, lorfqu'elle ne faifoit que fupplier les titres qui n'exifoient pas, & fur-tout fi elle eft établie par les terriers & les reconnoiffances des redevables, qui tiennent lieu à cet égard, comme à tant d'autres, du titre conftitutif. Voyez la fin du §. VIL

Quant aux arrérages, il feroit bien à defirer que la prefcription en fût acquife par un terme trèscourt. Ce droit n'eft affurément pas plus favorable que les terrages dont les arrérages fe prefcrivent annuellement. « Après un certain temps, dit fort » bien M. Chabrol, ne peut-on pas préfumer d'un » côté, que le feigneur en a voulu faire don à fes » habitans? de l'autre, comment, après un certain » temps, parvenir à une répartition jufte, telle que » la coutume le defire? La taille doit être impo» fée fur les habitans actuels, fur les fujets refferans, » difent les articles 1 & 4; mais ceux qui étoient » habitans lors de l'échéance du cas, peuvent ne "plus exifter vingt-neuf ans après, ou parce qu'ils » font décédés, ou parce qu'ils ont tranfporté leur » domicile ailleurs; s'ils ont laiffé un héritier, il » peut avoir fon domicile dans un autre lieu; » enfin, les facultés des contribuables peuvent avoir » augmenté ou diminué, & c'est néanmoins rela»tivement aux facultés actuelles de chaque habi» tant que l'imposition doit se faire ». ( Tit. 25, art. 2, fect. 7.)

Cependant la coutume d'Auvergne, qui, lors de la réformation, a réduit la prefcription des arrérages du cens à trois ans, a laiffé dans l'article 10 du titre 17, les profits des cas à venir prefcriptibles par le laps de trente ans feulement.

La coutume de Bourbonnois a du moins réduit ce terme à dix ans dans l'article 30.

Quelques auteurs & particuliérement Sudre fur Boutaric, n. 13, penfent que fi le feigneur n'a point demandé la taille de fon vivant, il est cenfé en avoir fait la remise, & que fes héritiers ne peuvent pas demander le droit dans le temps utile. Le long efpace de temps qu'ont exigé les coutumes paroiffent écarter cette préfomption de remife. Boucheul fur l'article 189, n. 26, & M. Chabrol ne font pas de doute que l'action ne paffe à l'héritier.

Ne pourroit-on pas dire néanmoins que la taille eft un privilège perfonnel à celui qui l'exerce, du moins dans le droit commun, & que fi l'on ne peut pas préfumer qu'il en ait fait la remife, perfonne ne peut non plus la demander de fon chef. C'eft fur ce fondement que les coutumes de Tours & de Loudun déclarent la taille aux quatre cas abfolument inceffible. Voyez la fin du §. VI.

On convient, du moins affez généralement, que fi le feigneur ne demandoit la taille qu'après la mort de fa fille, qu'il auroit dotée fans rien demander, il feroit non recevable dans fa prétention. C'est l'avis de Guyot, chap. 3, n. 15, qui rapporte un jugement conforme, mais rendu de concert, fur une pareille demande, en 1743, aux requêtes du palais. (M. GARRAN DE COULON, avocat au parlement.)

TAILLE A USAGE DE CHEVALIER, (Droit féodal.) C'eft une espèce de taille aux quatre cas, qui eft fort commune dans la province d'Auvergne mais elle ne peut avoir lieu fans titre. Elle appartient d'ordinaire au feigacur direct, à la différence de

la taille aux quatre cas, que la coutume attribue au feigneur haut-jufticier. Voyez TAILLE AUX QUATRE CAS, & le commentaire de M. Chabrol, fur le titre 25 de la coutume d'Auvergue, art. 2, fect. 7, & art. 7 & 8. (G. D. C.)

TAILLE CASUELLE. Voyez TAILLE AUX QUATRE

CAS.

TAILLE DE POURSUITE, eft la taille serve qui fe lève fur le main-mortable, en quelque lieu qu'il fe transporte. Voyez la coutume de Troyes. (4) Voyez auffi les articles MAIN-MORTE & POUR

SUITE.

TAILLE PERSONNELLE, eft celle qui s'impofe fur les perfonnes à proportion de leurs facultés ; elle eft oppofée à la taille réelle, qui eft due par les biens, abftraction faite de la qualité des perfonnes La taille perfonnelle a lieu dans dix-fept généralités. Voyez TAILLE. (A)

TAILLE PERSONNELLE. (Droit féodal.) Il en eft queftion dans l'article 39 de la coutume de Bourbonnois, qui la déclare prefcriptible, mais feulement à compter du jour de la contradiction. Il y a des tailles perfonnelles ordinaires, & d'autres qui font cafuelles. Voyez le §. I de l'article TAILLE, (Droit féodal.) & le §. VII de l'article TAILLE AUX QUATRE CAS. (G. D. C. )

TAILLE RAISONNABLE, ou A VOLONTÉ RAISONNABLE. Voyez TAILLE A VOLONTÉ.

TAILLE SERVE, (Droit féodal.) eft celle qui ne fe lève qué fur les perfonnes de condition ferve, & qui les rend mortaillables ou main-mortables. Voyez MAIN-MORTE, MORTAILLE, TAILLE FRANCHE, & les coutumes de Bourbonnois, art, 189, & la MARCHE, art. 96 & 132. (A)

TAILLÉE, (Droit féodal.) ce mot, qui a été autrefois ufité en Poitou, eft fynonyme de taille. On peut en voir la preuve dans du Cange, au mot Tallea fous Tallia 8. Il fe trouve auffi dans l'ancienne coutume de Poitou, art. 83 ; la nouvelle coutume, dans l'article 103, y a fubftitué celui de taille.

TAILLER. Ce mot fignifie tantôt impofer le droit de taille en général de la part du feigneur, tantôt en faire la répartition fur chacun des taillables en particulier. (G. D. C.)

TAILLEUR FIEFFE. Ragueau dit, dans le glof faire du droit françois, qu'on a ainfi nommě, à Poitiers & ailleurs, celui qui tenoit en foi & hommage du roi, l'autorité de tailler les monnoies de France. Voyez OFFICES INFÉODÉS. (G. D. C.)

TAILLIF, (Droit féodal.) ce mot fe trouve pour celui de taillable dans une chartre de l'an 1375, rapportée par dom Lobineau, tome 2 de fon hif toire de Bretagne, col. 1640. (G. D. C.)

TAILLIS, I, m. (Eaux & Forêts.) eft le terme dont on fe fert pour défigner une certaine étendue de bois, réglée en coupes ordinaires de 10, 15, 20 ou 25 ans, fuivant les ordonnances ou les cou tumes fous lesquelles elle efi fituée.

Les coupes de bois taillis font comptées au

nombre des fruits naturels : ainfi elles appartiennent à l'ufufruitier, & le mari peut en difpofer pendant la communauté, fans être obligé à récompenfe : c'est ce qui résulte des difpofitions de différentes coutumes, telles que celles de Nivernois, d'Anjou, du Maine, de Vitry, de Meaux, d'Amiens, de Cambrai, &c.

Le Brun, dans fon traité de la communauté, Carondas & plufieurs autres jurifconfultes, obfervent que le produit des taillis coupés après la mort de l'un des conjoints, doit se partager entre le furvivant & les héritiers du défunt, proportionnément au temps que la communauté a duré. Cette jurifprudence eft d'ailleurs établie par plufieurs coutumes, telles que celles de Laon & de Châlons.

Pareillement, le produit des bois taillis dépendans d'un bénéfice, qui n'ont été en âge d'être coupés qu'après la mort du titulaire, doit fe partager entre fes héritiers & le fucceffeur, proportionnément au temps que le défunt a joui du bénéfice.

Les coutumes de Paris, de Normandie, de Melun, de Châlons, &c. décident que le bois taillis, coupé ou fur le point d'être coupé, eft une chofe mobilière que le créancier peut faire faifir & vendre, fans qu'il faille procéder par voie de décret.

Plufieurs coutumes, telles que celles de Paris, d'Orléans, de Sens, de Mantes, de Troies, de Berry, &c. attribuent une portion dans le produit des bois taillis, au feigneur qui a choifi la jouiffance de la terre pendant l'année pour fon droit de rachat.

Les bois taillis qui tombent en coupe ordinaire durant la faifie féodale, appartiennent en entier au feigneur faififfant; mais il n'y peut rien prétendre quand ils ne font pas en coupe. Telle eft l'opinion de Dupleffis, de Chopin & de Brodeau. C'eft auffi ce que décident plufieurs coutumes, telles que celles de Melun, de Laon, de Châlons, de Tours, d'Orléans, de Grand-Perche, de Blois, de Berry, &c.

Lorfque, durant le terme accordé pour exercer l'action de retrait, l'acquéreur abat des bois taillis qui ne font pas en âge d'être coupés, il doit en reftituer la valeur au retrayant. Différentes coutumes, telles que celles de Bourbonnois, de Melun, de Sens, de Clermont, &c. ont des difpofitions précises à cet égard. Voyez BALIVEAU, BOIS, &c.

TALAIGE, (Droit féodal.) il en est question dans plufieurs titres cités par dom Carpentier au mot Tallia 8; on peut croire que c'est la même chofe que le droit de taille feigneuriale. L'une de ces chartres, qui eft de l'an 1321, porte: «< li talaige, les coutumes, li tonlieu & li foraige » que li cuens avoit ».

Une autre, qui eft de l'an 1319, porte: item

valet talagium & focagium xviij libras turon, annui reditus. Enfin, une autre de l'an 1202, met ce droit au nombre des dépendances d'une terre de la manière fuivante: in terris cultis & incultis, aquis, pafcuis, pratis, nemoribus, molendinis, furnis, talagiis, introitibus, exitibus mortuis manibus, theloneo, cenfis, &c. (G.D. C.)

TALH. La coutume de Béarn, tit. de Bocages, art. 3, parle de la fervitude de talh & dalh. C'eft, dit Laurière, le droit de couper & prendre du bois dans une forêt. Talh & dalh font les inftrumens dont on fe fert pour couper les bois. (G. D. C.)

TALION, f. m. (Droit naturel, civil & criminel.) talio, loi du talion, lex talionis, eft celle qui prononçoit contre le coupable la peine du talion, pana reciproca, c'est-à-dire, qu'il fût traité comme 'il avoit traité fon prochain.

Le traitement du talion eft la vengeance natu relle, il femble que l'on ne puiffe taxer la justice d'être trop rigoureuse, lorfqu'elle traite le cou pable de la même manière qu'il a traité les autres, il femble auffi que ce foit un moyen plus für pour

contenir les malfaiteurs.

Plufieurs jurifconfultes ont pourtant regardé le talion comme une loi barbare, & contraire au droit naturel; Grotius entre autres, prétend qu'elle ne doit avoir lieu ni entre particuliers, ni d'un peuple à l'autre; il tire fa décifion de ces belles paroles d'Aristide: « ne feroit-il pas abfurde de juftifier » & d'imiter ce que l'on condamne en autrui » comme une mauvaise action » ?

Cependant la loi du talion a fon fondement dans les livres facrés; on voit en effet dans l'Exode, que Moïse étant monté avec Aaron fur la montagne de Sinaï, Dieu, après lui avoir donné le décalogue, lui ordonna d'établir fur les enfans d'Ifraël plufieurs loix civiles, du nombre desquelles étoit la loi du talion.

Il eft dit, chap. 21, que fi deux perfonnes ont eu une rixe enfemble, & que quelqu'un ait frappé une femme enceinte, & l'ait fait avorter, fans lui caufer la mort, il fera foumis au dommage tel que le mari le demandera, & que les arbitres le jugeront; que fi la mort de la femme s'est ensuivie, en ce cas Moïfe condamne à mort l'auteur du délit ; qu'il rende ame pour ame, dent pour dent, œil pour œil, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, plaie pour plaie, meurtriffure pour meurtriffure.

On trouve auffi dans le Lévitique, chap. 24, que celui qui aura fait outrage à quelque citoyen, fera traité de même, fracture pour fracture, ceil pour œil, dent pour dent.

Dieu dit encore à Moïfe, fuivant le Deutero nome, chap. 16, que quand quelqu'on fera con vaincu de faux témoignage, que les juges lui ren dront ainfi qu'il penfoit faire à fon frère; tu ne lui

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