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ce qui réfulte de la difpofition de la plupart des coutumes: prefque toutes difent, comme celle de Paris, que le feigneur peut procéder par voie d'arrêt ou brandon.... pour les arrérages de cens qui lui font dus. Ces derniers mots reftreignent formellement la faifie au feul cas où il est dû des arrérages de cens. Ainfi le feigneur ne peut pas ufer de cette voie pour se faire exhiber le contrat de vente d'un héritage centuel. Elle lui est également interdite à l'égard des rentes foncières, quand bien même il en auroit fait une clause expresse du bail à rente, à moins cependant que cette rente ne foit identique avec le cens, & ne forme qu'une feule & même preftation avec lui. Cette décifion eft appuyée fur ce principe, qui eft une des bafes de cette matière; poteftas incipiendi ab executione publici juris eft, nec eft in commercio privatorum, nec fingulis, hoc eft privatis concedendum. Dumoulin, qui traite cette queftion avec fa profondeur ordinaire, paroît pencher beaucoup en faveur du propriétaire de la rente foncière; cependant il décide qu'il ne doit pas partager la faculté de faifir avec le feigneur cenfier. Periculofum puto novitatem hanc inducere.

On peut oppofer à cette décifion le texte de la coutume de Paris & de beaucoup d'autres qui portent: le feigneur peut faifir les fruits pendans en P'héritage à lui redevable d'aucun cens ou fonds de serre. Dumoulin répond encore à cette difficulté: fundus terra hic pro cenfu accipitur & alternativè ftat pro expofitivá (m. §. 52, gl. 1): même décifion à l'égard des lods & ventes. Si cependant le feigneur a fait faifir, tant pour ce dernier objet que pour les arrérages du cens, la faifie ne fera pas nulle, mais le paiement du cens en opérera la main-levée & même le vaffal pourroit impunément l'enfreindre, fi elle n'avoit pour objet que les lods & ventes, pourvu toutefois qu'elle eût été faite de l'autorité privée du feigneur, & non par ordonnance de juftice. Dans ce dernier cas, le cenfitaire feroit obligé de le pourvoir par les voies de droit.

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Il y a néanmoins plufieurs coutumes, telles que Blois, Chaumont, Auvergne, Nivernois, qui donnent au feigneur la faculté de faifir, même pour les lods & ventes, & tous les autres droits feigneuriaux. Mais ces coutumes doivent être renfermées dans leur reffort, comme contraires au droit commun du royaume.

La difpofition de ces coutumes nous conduit à une question affez intéreffante. Le feigneur a reçu le cens, peut-il encore faifir pour les lods & ventes?

tation, & le feigneur la reçoit fans être cenfé connoître la main qui la lui donne.

Simplex receptio census cum debeatur à quocumque poffeffore, jufto vel injufto, habili vel inhabili, non inducit inveftituram nec approbationem perfona & nova acquifitionis (m. §. 52, gl. 1, n. 150). Dumoulin ajoute amplio etiam fi cenfus fit ab illis receptus poft exhibitas litteras acquifitionis.

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§. II. Des perfonnes qui peuvent faifir. La douairière, le gardien, en un mot, tous les ufufruitiers peuvent faifir cenfuellement, comme ils peuvent faifir féodalement. Mais, pour que la faifie féodale faite par l'ufufruitier foit valable, il faut, aux termes de l'article 2 de la coutume de Paris, qu'en l'exploit qui fera fait, le nom du propriétaire du fef foit mis & appofe, fommation préalablement faite audit propriétaire.... de faire faifir. L'ufufruitier qui fait faifir cenfuellement eft il affujetti à la même formalité? Guyot répond à cette question. « Les auteurs, dit-il, tiennent que l'ufufruitier » peut faifir cenfuellement comme le propriétaire... » Je tiens ce parti, continue Guyot, parce que, » dans notre cas, il n'eft nullement question d'acte » feigneurial in fe, mais de fimples paiemens des "arrérages de la cenfive reconnue au profit du » feigneur, & qu'en ce cas, ce n'eft pas là exercer » le droit du feigneur, mais un acte de fimple » créancier d'arrérages, comme effectivement il l'eft au moyen de l'ufufruit ».

§. III. De la forme de la faifie cenfuelle. Leges & conftitutiones de formis executionum jurisdictionalium non habent locum in his patrimonialibus actibus in quibus fufficiunt ea quæ in denunciationibus aut proteftationibus extrajudicialibus (m. §. 52, gl. 1, n. 73 ). Ce principe domine toute cette matière ; il dérive de cette puiffance exécutrice, de cette autorité publique que la loi donne aux feigneurs fur leurs vaffaux & cenfitaires. Il en résulte que les commandemens, & les formalités qui doivent précéder les faifies ordinaires, font inutiles dans celles-ci; enforte que le feigneur peut faifir l'héritage cenfuel fans interpellation préalable.

La faifie eft bonne & valable toutes les fois qu'il eft dû au feigneur des arrérages de cers; il n'eft pas même néceffaire qu'elle en exprime la quotité. On exige cependant, & avec raison, qu'il défigne très clairement l'héritage fur lequei tombe la faifie, parce qu'il eft très-intéreffant que le vaffal ne puifle s'y méprendre. Mais, fi on difpenfe le feigneur d'un commandement préalable, on exige de lui très - rigoureusement une notitcation poftérieure. Il faut bien que le cenfitaire connoiffe l'état de fon héritage, il faut qu'il ait connoiffance de la faifie, pour pouvoir la respecter. S'il ne la connoît pas par la négligence du feigneur, il peut l'enfreindre impunément.

Il eft conftant qu'après l'inveftiture, le feigneur du fief ne peut plus faifir féodalement; d'où il paroit réfulter par analogie, que la même faculté doit être interdite au feigneur cenfier, après la Cette notification doit être faite à perfonne o réception du cens. Mais il faut tenir le contraire, à domicile; & fi le cenfitaire eft abfent, ou i parce que la réception du cens n'eft rien moins l'héritage eft abandonné, il faut notifier la faifie aux qu'une inveftiture; tout eft réel dans cette pref-voifins, ou la faire proclamer aux lieux accoutumes

à faire cri public. Mais, fi le propriétaire étoit | mineur, & deftitué de tuteur, dans ce cas, c'eft à fes parens que la notification doit être faite.

Le feigneur peut-il faifir de fon autorité privée ? Dans la rigueur des principes il le peut; mais l'ufage contraire a prévalu. Il doit aujourd'hui s'adreffer à fon juge; & s'il n'en a pas, à celui dans le diftrict duquel il fe trouve, en prendre commiffion à l'effet de faifir, & faire mettre la faisie à exécution par le ministère d'un huiffier.

Si le cenfitaire fe pourvoit contre la faifie, foit à raifon du défaut de commiffion, foit pour quelque autre vice, le feigneur peut-il, pendant le cours de l'inftance, ou même fur l'appel, faifir de nouveau? Oui, il le peut, malgré la règle qui dit que l'on ne peut rien innover fur l'appel.

Par cette nouvelle faifie, il ne fait aucun préjudice au vaffal. Juris communis executio nullam habet injuriam : & quant à l'innovation, non dicitur innovare qui jure communi utitur.

On vient de dire que, fuivant l'ufage actuel, le feigneur doit prendre commiffion du juge à l'effer de faifir; cette commiffion doit-elle être particulière pour tel héritage & tel cenfitaire?

Autrefois les commiffions particulières étoient inconnues; il fuffifoit au feigneur d'avoir une commiffion générale pour tous les héritages mouvans de fa feigneurie; cet ufage changea vers l'an 1525. M. Lifet, alors avocat-général, fit profcrire les commiffions générales, & une jurifprudence nouvelle s'établit à cet égard. Nous retrouvons cette jurifprudence dans les auteurs qui ont écrit depuis. Ils nous ont tranfmis, comme une règle de droit, que le feigneur ne peut faifir qu'en vertu d'une commiffion particulière. Il faut convenir qu'il eft bien difficile d'appercevoir le motif de ce changement: eft-ce l'intérêt du cenfitaire ? mais il lui importe au contraire de ménager les frais de la faifie, puifqu'il doit les fupporter. A-t-on craint qu'une commiffion générale ne donnât lieu à quelque méprife? mais la généralité de la commihon eft affez individualifée par l'exploit de faifie, qui, comme on l'a dit, doit contenir un tableau fidèle de la fituation & des aboutiffans de Théritage faifi. DUMOULIN, parlant de ces commiffions générales fur la coutume de Tours, dit que c'eft un ufage provenant de la cupidité d'augmenter les greffes.

Ce motif feroit effectivement vraisemblable, fi ce changement de jurifprudence avoit été l'ouvrage des traitans; mais il eft celui des magiftrats.

Ces commiffions font-elles annales? Si le feigneur, après en avoir obtenu une générale ou particulière, touché par les remontrances d'un cenfitaire, néglige d'en faire ufage, obligé enfin d'en venir à une faifie, peut-il, après l'année révolue, fe fervir de cette même commiffion, ou bien eft - il obligé d'en prendre une autre? Dumoulin tient la négative, même dans les coutumes qui défendent au feigneur de faifir fans l'autorité du juge. Jurifprudence. Tome VII,

iftis aflibus & executionibus domanialibus magis fimplicitas, veritas & bona fides, quàm fcrupulofa formularum fubtilitas attenditur.... Si, anno lapfo, nová commiffione opus effet, major & novus effet fumptus qui in damnum vassali & cenfitoris recideret. (m. §. 52, gl. 1, n. 92. ). Sur les formalités de la faifie, voyez le traité des fiefs de Dumoulin, art. 1.

§. III. Des objets qui tombent dans la faifie cenfuelle. -Cette faifie ne peut frapper que fur l'héritage chargé de cens; elle ne peut s'étendre aux autres biens du vaffal, encore moins à fa perfonne; res rei, non perfona perfonæ fubjicitur.

Il réfulte des termes de la coutume de Paris & de beaucoup d'autres, que le feigneur ne peut faifir que les fruits de l'héritage cenfuel. Cependant s'il avoit faifi le fonds & les fruits, cette circonftance ne vicieroit pas la faifie. Les coutumes ne parlent que des fruits, parce qu'en effet la faifie n'a que les fruits pour objet; mais le fonds en eft la véritable caufe, & même les fruits ne font faififfables que parce qu'ils font attachés au fol. Cette décifion eft de Dumoulin; mais Guyot tient l'opinion contraire, d'après un arrêt du 17 août 1739.Voici les termes de cet auteur & l'espèce de l'arrêt :

« Dans le général des coutumes, dit Guyot, » le feigneur cenfier, pour être payé des arrérages » de fon cens, ne peut ufer de main-mife, mais » feulement brandonner & faifir les fruits jufqu'à » ce qu'il foir payé, & il ne fait pas les fruits » fiens.

» Cette queftion vient d'être jugée récemment » par la grand'chambre dans la coutume de Senlis, » en interprétation des art. 100, 101, 102, 123,

248 & 249, qui préfentent de l'obfcurité ».

"L'article 100 dit que, pour contraindre à exhiber, le feigneur haut -jufticier peut faifir les héritages. Les art. 101 & 102 parlent auffi des héritages; l'art. 123, parlant du bas-jufticier, dit: Item, faire arrêter & mettre brandon par faute de cens non payés, commettre commissaires à icelles terres arêtées. Les art. 248 & 249, pour paiement des lods & ventes permettent de procéder par arrêt de leur juftice (fans diftinction de haut ou basjufticier), fur les héritages; enforte qu'on pourroit dire que le feigneur féodal, en même temps hautjufticier, pourroit faire faifir les héritages, faute de cens.

» Le 23 décembre 1738', commandement fait à la requête de M. Cofte de Champeron, préfident à la cour des aides, à Antoine le Vaffeur & conforts, habitans de Pontoife, de paffer déclaration, payer vingt-neuf années de cenfives & les lods & ventes qui pourroient être dus, & à cette fin exhiber leurs titres.

» Sur le refus, faifie cenfuelle, fans qu'il foit parlé des fruits; c'étoient des maifons fifes à Pontoife; établissement de commiffaires; il falloit une fimple faifie arrêt entre les mains dentaires;

ou, fi la maifon n'étoit pas louée, faire une faifiegagerie.

» Affignation au bailliage de Pontoife, pour voir déclarer la faife cenfuelle bonne & valable.

» A l'audience, M. le préfident de Champeron fait déclarer qu'il entend foutenir la faifie cenfuelle, comme faifie des fonds.

» Le 13 février 1739, fentence contradictoire, laquelle, après la déclaration faite par le procureur de M. de Champeron, qu'il entendoit foutenir la faife cenfuelle, comme faifie faite fur les fonds, on déclare ladite faifie nulle, & on en fait main-levée avec dépens, fauf à M. de Champeron à fe pourvoir par faifie de fruits, ou par action, fuivant Fordonnance n.

Appel par M. le président de Champeron: M. Gillet étoit fon avocat, & M. Regnard, avocat de le Vaffeur & conforts.

Arrêt le 11 août 1739, qui met l'appellation au néant, avec amende & dépens.

« Cet arrêt, continue Guyot, juge bien difertement la queftion; la caufe fut plaidée bien nettement, & la question bien folidement agitée par les défenfeurs des parties. Cet arrêt juge que le feigneur n'a pas droit d'ufer de main-mife en cenfive, qu'il ne peut que faifir & arrêter » les loyers, ou les fruits pendans par les racines. » Cet arrêt rejette le fentiment de Dumoulin fur » l'article hodie 74 de Paris, gl. 1, n. 41, & de » Brodeau, n. 26 ».

Les carrières, les mines, les garennes, les colombiers fuivent la même loi que les étangs, & font, comme eux, fujets à la faifie, lorsqu'ils font: fitués fur un fonds cenfuel. Ainfi un feigneur peut empêcher l'extraction des mines & des pierres, jufqu'à ce qu'il foit fervi des arrérages du cens.

Le feigneur, difent les coutumes, peur faifir les fruits pendans en l'héritage à lui redevable d'aucuns

cens.

Ces expreffions donnent lieu à la question de favoir file feigneur peut faifir les fruits coupés, mais qui font encore fur l'héritage cenfuel. Oui, il le peut, & le cenfitaire ne peut les enlever, pourvu que la faifie lui ait été duement notifiée. Cette décision paroît au premier coup d'oeil, contraire à la loi; mais en l'examinant de près, on voit qu'elle eft parfaitement dans l'efprit des coutumes. En effet, pourquoi ces mots, les fruits pendans fur l'héritage? Parce que la faifie des fruits eft la voie la plus facile & la plus prompte.

Si les coutumes en avoient connu une autre qui pût faciliter davantage le paiement du cens, elles l'auroient certainement employée. Ces expreffions font donc ad defignationem plutôt que ad lime tationem. D'ailleurs, de quoi s'agit-il ici? D'un acte jurifdictionnel qui dérive de la qualité de propriétaire primitif; acte bien différent des exécutions ordinaires, qui mérite toute la faveur & qui doit avoir toute l'extenfion qu'on peut raifonnablement lui accorder, Enfin, pourquoi, fur quel

fondement le cenfitaire s'éleveroit-il contre cette faifie? Il y gagne: h le feigneur eût devancé lz coupe, comme il le pouvoit, il l'auroit fait faire par des ouvriers & fous l'infpection de commiffaires dont le falaire auroit été à la charge da vaffal, & qui certainement auroient exploité avec plus de frais & bien moins de foin & d'économie.

On ne fe diffimule pas que cette décision est fufceptible de difficultés, & en voici une, entre autres, faite pour en impofer. Le feigneur fai fiffant le fief mouvant de lui, faute de foi & hommage, ne prend que les fruits pendans par les racines; ceux qui font coupés appartiennent incontestablement au vaffal, & certainement les droits du feigneur féodal fur fon fief font plus anciens, plus étendus que ceux du feigneur cenfuel fur l'héritage chargé de cens.

Il y a une réponse bien fimple à cette diff culté le feigneur faififfant faute de foi, fait les fruits fiens; tout ce qui tombe dans la faifie lui appartient irrévocablement au contraire, le cenfitaire ne perd rien, la fuific ne fait que fufpendre fa jouiffance, & tout lui eft remis lorfqu'il ac quitte les arrérages du cens. Ainfi la faifie féodale étant une peine très-grave, il étoit de l'équité de la refferrer dans les bornes les plus étroites. Il eft de la justice de donner une cer raine extenfion à la faific censuelle, qui n'eft au contraire qu'une espèce d'interpellation, qu'un moyen très-doux d'exiger un paiement très-légit time..

Il faut cependant bien prendre garde de faire de cette prérogative un inftrument de vexation; enforte que fi le feigneur attendoit, pour faifir, l'inftant où le cenfitaire va pour lever les fruits & peut-être pour les livrer à des acquéreurs, une pareille faifie annonçant un deffein prémédité de nuire, devroit être déclarée nulle & tortionnaire. Cette queftion conduit à une autre..

Si les fruits font non- feulement coupés, mais engrangés, le feigneur peut-il les faifir?

Il le peut, fi la grange eft fur un fonds qui foit dans fa cenfive; autrement il ne peut fe pourvoir que par action. ordinaire: aut fructus illi funt fuper codem fundo cenfuali in quo fuum eft horreum, & tunc valet impedimentum, fecus fi horreum non fit fuper eádem terrá cenfuali

Ces décifions relatives aux fruits coupés & engrangés, font de Dumoulin; mais on ne les fuit plus, difent les, annotateurs de Dupleffis. Guyor penfe de même que les fruits, une fois féparés du fol, font à l'abri de la faife cenfuelle, quand même ils feroient dans une grange de la cenfive du feigneur, ou fur le fol qui les a produits..

Si l'héritage & les fruits étoient déjà dans les liens d'une faifie ordinaire, le feigneur n'auroit pas moins le droit de faifir;. & omnibus potior erit manus dominica...

Le feigneur peut-il faifir, fi l'héritage censuel

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appartient à un mineur dépourvu de tuteur? Un mineur, dans le cas où l'on fuppofe celui-ci, ett l'enfant de la république; il eft fous la prorection de tous les citoyens, & fpécialement fous celle de fon feigneur. Néanmoins il faut tenir que le feigneur peut faifir. Tout eft réel dans cetre matière; le feigneur ne voit que l'héritage; peu lui importent l'âge, l'état, la qualité du propriétaire. Une raifon plus décifive, c'eft que cette faifie ne dépouille pas le mineur, qu'elle ne fait fufpendre fa jouiffance, & qu'au moyen de la notification que le feigneur eft obligé de faire aux parens du mineur, ceux-ci peuvent parer tous les inconvéniens, en payant le cens, qui est pour l'ordinaire un objet très-modique.

que

à

§. IV. Des effets de la faifie. On l'a déjà dit plufieurs fois, tout l'effet de cette faifie eft de ufpendre la jouiffance du cenfitaire; elle ne lui nlève ni la propriété ni même la poffeffion des ruits faifis, & il demeure à cet égard dans les nêmes termes qu'auparavant, à la jouiffance près. Le feigneur doit veiller à la confervation des ruits, ou établir des commiffaires à cet effet, * définitivement rendre compte au vaffal lorfqu'il obtiendra main-levée. Čes comptes, l'étadiffement des commiffaires, leurs obligations l'égard de la partie faifie, plufieurs autres quefions relatives à cet objet, font décidées dans le raité des fiefs de Dumoulin.

§. V. De la main - levée de la faifie cenfuelle. Le aiement des arrérages du cens, des frais de la sifie, & des lods & ventes, dans les lieux où la outume permet de faifir pour cet objet, opèrent aconteftablement la main - levée de la faifie. Cette main-levée eft definitive; nulle difficulté à cet gard: mais il y a des cas où le vaffal depeut ander main-levée provifoire; & c'eft ce qui xige quelques développemens.

Le cenfitaire doit obtenir main-levée provioire de la faifie, 1°. lorfqu'il dénie fon feigneur; .lorfqu'il foutient avoir payé le cens; 3°. lorfu'il prétend avoir eu de juítes caufes d'ignorer qu'il fût débiteur d'un cens; 4°. lorfque deux. eigneurs fe prétendent propriétaires du cens.

1. Lorsqu'un vaffal dénie fon feigneur, cette dénégation opère à l'inftant la main-levée provifoire de la faifie féodale: même décision, fondée fur le même motif, en faveur du cenfitaire. La faculté de faifir dérive de la puiffance exécutrice attachée à la qualité de feigneur : lorfque cette qualité eft en litige, fa vertu doit demeurer en fufpens. Cette main - levée eft fi abfolue, que le prétendu feigneur ne peut même exiger ni caution, ni confignation des arrérages du cens.

2. Lorfque le cenfitaire prétend s'être libéré envers le feigneur, il eft jufte de lui accorder main-levée provifoire de la faifie. Dumoulin ajoute qu'il doit configner les dernières années des arrérages qui lui font demandés. Talis eft antiqua praxis & obfervantia à quá non eft recedendum

1

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(m. §. 52, gloff. 1, n. 160). La coutume de Sens en a une difpofition, §. 225 & 241.

&

3°. L'acquéreur & l'héritier d'un héritage cena fuel étant cenfès ignorer ce qui s'eft paflé fous leurs auteurs, peuvent demander & doivent obtenir main-levée provifoire de la faifie. Il feroit injufte de les punir d'une ignorance involontaire. Même motif de décider dans le cas où un cenfitaire auroit fait un voyage de long cours, auroit laiffé l'adminiftration de fes biens entre les mains d'un fondé de pouvoir. Il faudroit lui accorder main - levée provifoire pendant le temps néceffaire pour prendre connoiffance de la geftion de fon procureur. Les uns & les autres doivent, comme dans le cas précédent, configner une année de cens. Cette confignation, quoi qu'en dife Dumoulin, n'eft cependant pas fans difficulté. Voyez l'article 75 de la coutume de Paris.

4°. S'il s'élève un combat de fief entre deux feigneurs, chacun d'eux faifant faifir l'héritage, cenfuel, comme étant dans sa mouvance, le cenfitaire obtiendra main - levée, en confignant en juftice ce qu'il doit d'arrérages. Cette main-levée. ne fera que provifoire. Si le cenfitaire defire qu'elle foit définitive, il peut, ainfi que le vaffal, fo faire inveftir par main fouveraine.

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§. VI. D'une espèce de faifie particulière pour la ville & banlieue de Paris. Cette faifie le nomme gagerie; elle n'a lieu que fur les meubles; comme les autres efpèces de faifie, elle met l'objet faifi fous la main de la justice. Son caractère spécifique eft d'avoir lieu fans déplacement: c'eft un droit particulier à la ville & banlieue de Paris; il eft établi fur l'article 86 de la coutume. Cet article eft conçu en ces termes: «il eft loifible » au feigneur cenfier de la ville & banlieue de » Paris, à défaut de paiement des droits de cens » dont font chargés les héritages tenus en fa cen» five, de procéder par voie de fimple gagerie, » fur les biens étant ès maisons pour trois années » d'arrérages dudit cens & au-deffous, & eft » entendu fimple gagerie, quand il n'y a trans» port de meubles 3.

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Cette faifie eft bien différente de celle dont nous avons parlé jufqu'ici. La faifie cenfuelle émane de la propriété primitive, de la puiffance éxécutrice du feigneur. La faifie-gagerie n'émane que de la conceffion de la loi: le feigneur partage avec le cenfitaire le domaine chargé de cens; il n'a rien au contraire dans la propriété des meubles que la coutume lui permet de faifir. Enfin le feigneur a une hypothèque foncière & primordiale fur l'héritage chargé de cens, & les meubles ne font pas même fufceptibles de l'hypothèque ordinaire.

Ces différences, fi effentielles entre ces deux faifies, doivent en apporter dans la manière de les mettre à exécution; il y en a effectivement. En général, le feigneur qui faifit l'héritage cenfuel, n'eft point aftreint à toutes les formalités des faifies; il peut même, dans la rigueur des

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principes, faifir de fon autorité privée: le feigneur, au contraire, qui fait gager les meubles du cenfitaire, n'agiffant qu'en vertu de la loi feule, doit remplir exactement les formes de la loi. Cependant Dumoulin décide qu'il n'eft pas abfolument néceffaire que la quotité du cens dû foit fpécifiée dans l'acte, qu'il fuffit d'en inftruire le vaffal torfqu'il offre le paiement. Non tamen eft neceffe quantitatem cenfús exprimere, nifi cenfuarius,hoc petat fatisfacere offerens, quia hic textus non requirit, & per fe fatis folet effe nota (M. §. 63, n. 11).

De la néceffité où eft le feigneur de fe conformer, dans ces cas, à toutes les formalités des faifies ordinaires, il réfulte auffi que la partie faifie refufant de payer, il ne peut procéder à la vente des meubles gagés, qu'après avoir obtenu un jugement, & de la même manière que dans les faifies-exécutions.

Quoique la coutume donne au feigneur permiffion indéfinie de faifir les meubles du cenfi taire, cependant il ne doit pas envelopper dans la faifie les chevaux, les effets précieux, en un mot, tout le mobilier. Il faut qu'il fe contente d'objets qui faffent à-peu-près l'équivalent de ce qui lui eft dû. L'équité dicte cette restriction; c'est un gage que la loi met entre les mains du créancier. Il doit y avoir une proportion entre la dette & le gage, & le feigneur doit plus que tout autre à fon cenfitaire, de la bienfaifance, de la juftice & de l'humanité.

Cette prérogative n'enlève pas au feigneur l'exercice du droit commun: quoiqu'il ait fait gager les meubles de fon cenfitaire pour les trois dernières années, il peut néanmoins ufer fur les héritages de la faifie cenfuelle ordinaire; il peut de même, nonobftant la faifie-gagerie, fe pourvoir par action pour obtenir le paiement de vingt-neuf années d'arrérages....

Bien entendu que cette gagerie ne peut avoir lieu que fur les meubles garniffant les maifons chargées de cens; la main - levée provifoire en doit être donnée en confignant les trois dernières années. Ce privilège eft, comme on l'a déjà dit, fpécial & local pour la ville & banlieue de Paris; il eft fondé fur deux motifs affez raisonnables; 1o. l'amende n'y a pas lieu pour cens non payés; & cette gagerie eft une forte d'indemnité accordée au feigneur; 2° parce que tous les héritages cenfuels y font chargés de maisons qui ne produifent point de fruits, fur- tout lorfqu'elles font habitées par les propriétaires. ( Article de M. HENRION, avocat au parlement.)

SAISIE ET EXÉCUTION eft une faific de meubles meublans, & autres effets mobiliers, tendante à enlever les meubles, & à les faire vendre, pour, fur le prix en provenant, être payé au faififfant ce qui

lui eft dû.

On ne peut faifir & exécuter fans avoir un titre i paré & exécutoire contre celui fur lequel on faifit. Cette faifie doit être précédée d'un commande

ment.. Dans quelques jurisdictions, on exige qu'il foit fait vingt-quatre heures avant la faifte. Mais en général il fuffit qu'il foit fait avant de procéder à la faifie, & on le fait en tête du procès-verbal de faifie; ce qui a été introduit afin que le débiteur ne puiffe détourner fes meubles. Au refte il n'eft pas néceffaire que la faifie & exécution fuive de près le commandement; lorfqu'il a été fait, on procède à la faifie lorfqu'on le juge à propos.

Outre les formalités des ajournemens qui doivent être obfervées dans cette faife, il faut que l'exploit de faifie contienne élection du domicile du saisissant dans le lieu où l'on faifit; & fi c'est dans un lieu ifolé, il faut élire domicile dans la ville, bourg ou village plus prochain.

Les huiffiers & fergens doivent marquer fi leur exploit a été fait devant ou après-midi.

Il faut auffi qu'ils foient affiftés de deux records, qui doivent figner avec eux l'original & la copie de l'exploit.

Avant d'entrer dans une maison pour faifir, l'huiffier doit appeller deux voifins pour y être préfens, & leur faire figner fon exploit; &, en cas de refus de leur part de venir ou de figner, il doit en faire mention.

S'il n'y a point de proches voifins, il faut, après la faifie, faire parapher l'exploit par le juge le plus prochain.

Quand les portes de la maifon font fermées, & qu'on fait refus de les ouvrir, l'huiffier doit en dreffer procès-verbal, & fe retirer devant le juge du lieu pour fe faire autorifer à faire faire ouver ture des portes en présence de deux perfonnes que le juge nomme.

A Paris, on nomme un commiffaire pour faire ouverture des portes.

La faifie doit contenir le détail de tous les effets qu'elle comprend.

S'il y a des coffres & armoires termés, & que le débiteur refufe de les ouvrir, l'huiffier peut fe faire autorifer à les faire ouvrir pour faifir ce qui eft dedans; comme l'huiffier doit établir un gardien aux chofes faifies, fi le débiteur n'en offre pas un folvable, l'huiffier peut laiffer un de fes records en garnifon, ou enlever les meubles & les mettre ailleurs à la garde de quelqu'un. Voyez COMMISSAIRE&GARDIEN.

L'huiffier eft tenu de donner fur le champ an faifi, copie de fon procès-verbal, ainfi que du nom & du domicile de celui en la garde duquel les chofes faifies ont été laiffées.

Les meubles faifis ne peuvent être vendus que huitaine après la faifie.

Quand les faifies font faites pour chofes confiftantes en efpèce comme des grains, il faut furfeoir à la vente des meubles faifis jufqu'à ce que l'on ait apprécié les chofes dues.

L'hruiffier doit fignifier au faifi le lieu, le jour & l'heure de la vente, à ce qu'il ait à y faire trouver des enchériffeurs fi bon lui femble.

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