Page images
PDF
EPUB

1

[blocks in formation]

Par les anciennes ordonnances, le feul moyen de fe pourvoir contre un arrêt du parlement, étoit d'obtenir du roi la permiffion de proposer qu'il y avoit des erreurs dans cet arrêt.

Mais comme on obtenoit fouvent, par importunité, des lettres pour attaquer des arrêts fans & que ces lettres portoient propofer des erreurs, même que l'exécution des arrêts feroit fufpendue jufqu'à un certain temps, & que les parties plaignantes fe pourvoiroient pardevant d'autres juges que le parlement : Philippe de Valois ordonna en 1331, que dans la fuite, la feule voie de fe pourvoir contre les arrêts du parlement, feroit d'impétrer du roi des lettres pour pouvoir propofer des erreurs contre ces arrêts; que celui qui demanderoit ces lettres donneroit par écrit les erreurs qu'il prétendoit être dans l'arrêt, aux maîtres des requêtes de l'hôtel ou aux autres officiers du roi qui ont coutume d'expédier de pareilles lettres, lefquels jugeroient fur la fimple vue s'il y avoit lieu ou non de les accorder; que fi ces lettres étoient accordées, les erreurs propofées fignées du plaignant, & contre-fcellées du feel royal, feroient envoyées avec ces lettres aux gens du parlement, qui corrigeroient leur arrêt, fuppofé qu'il y eût lieu, en préfence des parties, lefquelles préalablement donneroient caution de donner une double amende au roi, & les dépens, dommages & intérêts à leurs parties adverses, en cas que l'arrêt ne fût pas corrigé.

Il ordonna en même temps que ces propofitions d'erreur ne fufpendroient pas l'exécution des arrêts; que cependant s'il y avoit apparence qu'après la correction de l'arrêt, la partie qui avoit gagné fon procès par cet arrêt, ne fût pas en état de reftituer ce dont elle jouiffoit, en conféquence, le parlement pourroit y pourvoir; enfin, que l'on n'admettroit point de propofitions d'erreur contre les arrêts interlocutoires.

Ceux auxquels le roi permettoit de fe pourvoir par propofitions d'erreur contre un arrêt du parlement, devoient, avant que d'être admis à propofer l'erreur, donner caution de payer les dépens & les dommages & intérêts, & une double amende au roi en cas qu'ils vinffent à fuccomber.

L'ordonnance de 1339, art. 135, ordonne que Les propofitions d'erreur ne feroient reçues qu'après

que les maîtres des requêtes auroient vu les faits & inventaires des parties.

L'article 136 de la même ordonnance règle que les propofans erreur feroient tenus de configner 240 liv. parifis dans les cours fouveraines.

L'article 46 de l'édit d'ampliation des préfidiaux vouloit que l'on confignât 40 liv. aux préfidiaux; mais l'ordonnance de Moulins, art. 18, défendit de plus recevoir les propofitions d'erreur contre les jugemens préfidiaux.

Il falloit, fuivant les articles 136 & 138 de l'ordonnance des préfidiaux, mettre l'affaire en état dans un an, & la faire juger dans cinq, après quoi on n'y étoit plus reçu; mais la déclaration du mois de février 1549, donna cinq ans pour mettre la propofition d'erreur en état.

Ces fortes d'affaires devoient, fuivant l'ordon nance de 1539, être jugées par tel nombre de juges qui étoit arbitré par les parties; l'ordonnance d'Orléans prefcrit d'appeller les juges qui avoient rendu le premier jugement, & en outre pareil nombre d'autres juges, & même deux de plus aux préfidiaux; il en falloit au moins

treize.

L'ordonnance de Blois régla que celui qui auroit obtenu requête civile ne feroit plus reçu à propofer erreur, & que celui qui auroit propofé er reur, ne pourroit plus obtenir requête civile.

Enfin, l'ordonnance de 1667, tit. 35, art. 62, a abrogé les propofitions d'erreur; il y a néanmoins quelques parlemens où elles font encore en ufage, au lieu des requêtes civiles, & particuliérement dans le parlement de Flandres, où on les emploie fous le nom de revifion. Voyez CASSATION, REQUÊTE CIVILE, RÉVISION. (A)

PROPRE, f. m. (Droit coutumier.) on entend par ce terme un bien qui n'a point été acquis par le dernier poffeffeur, mais qui lui a été tranfinis par fes parens à titre de fucceffion, ou par une autre voie qui l'imite, & qui, par cette raifon, eft affecté à fa famille en général, ou à une ligne par préférence à l'autre.

On dit quelquefois un bien ou un héritage propre; quelquefois on dit un propre fimplement.

Dans quelques coutumes, au lieu de propre on dit héritage, ou ancien, biens avitins, &c.

tels

Les Romains n'ont pas connu les propres qu'ils font en ufage parmi nous, ils en ont pour tant eu quelque idée; & il n'y a guère de nation qui n'ait établi quelques règles pour la conservation des biens de patrimoine dans les familles.

En effet, quelque étendue que fut chez les Romains la liberté de difpofer de fes biens, foit entre-vifs ou par teftament, il y avoit dans les fucceffions ab inteftat quelque préférence accordée aux parens d'un côté ou d'une ligne, fur l'autre côté ou fur une autre ligne.

Auffi plufieurs tiennent-ils que la règle paterna paternis, materna maternis, que l'on applique aux propres, tire fon origine du droit.

M.

M. Cujas, fur la novelle 84, penfe qu'elle vient de la loi de emancipatis, cod. de leg. hæred. qui défère aux frères du côté du père les biens qui procèdent de fon côté, & aux frères du côté de la mère, ceux qui procèdent du côté de la mère feulement; & telle eft l'opinion la plus commune de ceux qui ont écrit fur cette règle.

M. Jacques Godefroi en tire l'origine de plus loin; elle defcend, felon lui, du code théodofien, fous le titre de maternis bonis & materni generis, & cretione fublata. Par la loi 4 de ce titre, l'empereur établit (contre la difpofition de l'ancien droit) que fi l'enfant qui a fuccédé à fa mère ou à fes autres parens maternels, vient à décéder, fon père, quoique cet enfant fût en fa puiffance, ne lui fuccède pas en ce genre de biens, la loi les défère ad proximos; ce qui marque que ce n'eft pas feulement aux frères, fuivant la loi de emancipatis, mais que cela comprend auffi les collatéraux plus éloignés.

Dans le cas où l'enfant auroit fuccédé à fon père & à fes autres parens du côté paternel, la loi urdonne la même chofe en faveur des plus proches du côté du père.

Ces difpofitions établiffent bien la diftinction des lignes; & ce qui peut encore faire adopter cette origine pour les propres, c'eft qu'il eft certain que le code théodofsen a été pendant plufieurs fiècles le droit commun obfervé en France.

Pontanus, fur la coutume de Blois, ad tit. de fucceff. croit que cette manière de partage, qui défère les héritages propres aux collatéraux des enfans à l'exclufion de leurs pères, s'eft introduite parmi nous à l'exemple de ce qui fe pratiquoit pour les fiefs. Il eft conftant que l'ancienne formule des inveftitures étoit qu'on donnoit le fief an vaffal pour lui & fes defcendans, au moyen de quoi le père en étoit exclus, & à défaut d'enfans du vaffal, le fief paffoit aux collatéraux; & comme dans le pays coutumier la plupart des hé ritages font poffédés en fief, il ne feroit pas étonnant que le même ordre de fuccéder qui étoit établi pour les fiefs eût été étendu à tous les propres en général, foit féodaux ou roturiers.

M. Charles Dumoulin, au contraire, tient que P'ufage des propres eft venu des Francs & des Bourguignons, & qu'il fut établi pareillement chez les Saxons par une loi de Charlemagne.

Il eft certain en effet que l'héritage appellé alode ou aleu dans la loi falique, n'étoit autre chofe qu'un ancien bien de famille, alode fignifiant en cette occafion hereditas avita.

Dans la loi des Frifons, l'aleu eft nommé proprium, tit. viij, liv. II.

Les anciennes conftitutions de Sicile diftinguent les propres des fiefs.

Les établissemens de faint Louis en 1270, & les anciennes coutumes de Beauvoifis, rédigées en 1283, font mention des propres fous le nom d'hiritages. On voit que dès-lors la difpofition de Jurifprudence. Tome VII.

ces fortès de biens étoit gênée. Au commencement on ne pouvoit pas les vendre fans le confentement de l'héritier apparent, fi ce n'étoit par néceffité jurée; dans la fuite, celui qui vouloit les vendre, après être convenu du prix avec l'acheteur, devoit les offrir à fes proches parens, lefquels pouvoient les prendre pour le prix convenu; mais le vendeur n'étoit pas obligé de faire ces offres aux abfens.

On reconnoît dans cet ancien droit le germe de nos propres, des réferves coutumières, du retrait lignager, fur lefquels la plupart de nos cou tumes contiennent diverfes difpofitions.

La qualité de propre procède de la loi ou de la convention & difpofition de l'homme; elle peut être imprimée à toutes fortes de biens, meubles & immeubles, avec cette différence que les im‐ meubles font les feuls biens qui deviennent propres réels, auxquels la loi imprime cette qualité; au lieu que les meubles ne deviennent propres que par fiction, & feulement par convention ou difpofition, & cette fiction n'a pas un effet auffi étendu que la qualité de propre réel.

Ce ne font pas feulement les maisons, terres, prés, vignes & bois qui font fufceptibles de la qualité de propres réels, mais auffi tous les im meubles incorporels, tels que les rentes foncières & les offices, dans plufieurs coutumes les rentes conftituées, & dans celles d'Anjou, du Maine & de Touraine, les contrats pignoratifs, qu'elles autorifent.

La qualité de propre eft oppofée à celle d'acquéts ou de conquêts.

Lorfque la qualité d'un bien eft incertaine, dans le doute on doit le préfumer acquêt, parce que la difpofition de ces fortes de biens eft plus libre.

Les biens font acquêts avant de devenir propres. Les acquêts immeubles, qu'ailleurs on appelle conquêts, deviennent propres réels en plufieurs manières; favoir par fucceffion on directe ou collatérale, tant en ligne afcendante que defcendante, par donation en ligne directe defcendante, par fubrogation & par acceffion ou confolidation.

Tout héritage qui échet par fucceffion directe ou collatérale, ou par donation en ligne, devient propre naiffant; & lorfque de celui qui l'a ainfi recueillie elle paffe par fucceffion à un autre, c'est ce que l'on appelle faire fouche; & alors ce propre acquiert la qualité d'ancien propre. Ainfi le premier degré de fucceffion fait un propre naiffant, & le fecond un propre ancien.

Dans quelques coutumes on ne diftingue point les propres anciens des propres naiffans; il y a même des coutumes où les biens ne deviennent propres que quand ils ont fait fouche. On compte dans cette dernière claffe les coutumes de Marfan, Saint-Sever, Bayonne, Sole, Labour & Béarn. La fucceffion entre conjoints, en vertu de l'édit unde vir & uxor, forme-t-elle des propres ? Pothier, dans fon traité des propres, foutient avec raison,

F

qu'on ne doit donner la qualité de propres qu'aux immeubles qui nous viennent de la fucceffion de nos parens; que fi quelques coutumes ont défini les propresles heritages que nous poffèdons à titre fucceffif, fans ajouter de nos parens, c'eft que les fucceffions ont lieu à titre de parenté, & que felon la coutume des jurifconfultes, les définitions ne fe font que fur ce qui eft ordinaire. D'ailleurs, la loi ne` donne la qualité de propres aux héritages qui nous viennent de fucceffion, que pour les conferver au côté & ligne de notre famille, d'où ils nous font venus; cette raifon ne fe rencontre plus dans la fucceffion d'entre le mari & la femme; c'est un étranger qui fuccède à défaut de parens du défunt; il n'y a plus, par conféquent, de famille du côté d'où l'héritage eft venu, à qui il puiffe être confervé, &, par conféquent, on lai donneroit en vain la qualité de propre.

Il y a plufieurs cas, dans lefquels des acquêts deviennent propres par fubrogation, c'est-à-dire, lorfqu'ils prennent la place d'un propre.

Par exemple, lorfqu'on échange um propre contre un acquêt, cet acquêt devient propre. Cout. de Paris, art. 143.

De même, fuivant l'article 94, les deniers provenans du remboursement d'une rente conftituée qui appartenoit à des mineurs, confervent la même nature qu'avoit la rente, & ce jufqu'à la majorité des mineurs.

Dans les partages, un bien paternel mis dans un lot au lieu d'un bien maternel, devient propre maternel. Il en eft de même lorfque l'héritier des propres a pris dans fon lot un propre d'une autre ligne.

Un héritage propre, échu à un cohéritier par licitation ou à la charge d'une foute & retour de partage, lui eft propre pour le tout.

Quand on donne à rente un héritage propre, la rente eft de même nature.

Les deniers provenans du réméré d'un propre appartiennent à l'héritier qui auroit recueilli ce

propre.

Enfin, il y a fubrogation quand un propre eft vendu pour le remplacer par un autre bien, & qu'il en eft fait mention dans le contrat de vente & dans celui de la nouvelle acquifition, que ces deux contrats fe font fuivis de fort près, & qu'il eft bien conftant que la nouvelle acquifition a été fa te des deniers provenans du prix du propre vendu. Voyez SUBROGATION.

Un acquêt eft fait acceffion & conpropre par folidation, lorfque fur un héritage propre on a conftruit une maifon ou fait quelques augmentations, réparations, embelliffemens & autres impenfes; de même lorsqu'une portion d'héritage eft accrue par alluvion au corps de l'héritage, elle devient de même nature.

Quand un fief fervant eft réuni au fief dominant fuivant la condition de l'inféodation, ou que l'héritage qui avoit été donné à titre d'emphy

téofe revient en la main du bailleur, foit par l'expiration du bail, foit par la réfolution de ce bail faure de paiement, l'héritage reprend la même nature qu'il avoit au temps de la conceflion.

Mais dans le cas de la confifcation pour cause de défaveu ou felonie, ou pour autre crime, dans le cas de fucceffion par déshérence ou bâtardife, l'héritage échet au feigneur comme un acquer. Il en eft de même quand le feigneur achète le fief de fon vaffal, ou qu'il le retire par retrait féodal.

Toute donation d'immeubles en ligne directe defcendante forme des propres, foit qu'elle contienne la claufe d'avancement d'hoirie ou non, foit qu'elle ait lieu par acte entre-vifs ou par reftament, parce que ces immeubles nous font acquis par droit de fang & de famille. Cette règle s'étend même aux donations faites par l'aïeul à fon petit-fils, du vivant de fon fils, & à celles qui font faites aux puînés, dans les coutumes où les aînés font feuls héritiers. A l'égard des donations faites par des collatéraux à leurs héritiers préfomptifs, le droit commun les regarde comme acquêt dans la perfonne du donataire, parce que n'y ayant point d'obligation naturelle de lailler notre fucceffion à des collatéraux, une pareille donation ne peut être regardée comme une fucceffion anticipée. Cependant, il exifte quelques coutumes qui leur donnent la qualité de propres, mais cette difpofition doit être bornée à leur territoire.

L'héritage propre retiré par retrait lignager, eft propre au retrayant mais dans fa fucceffion, l'héritier des propres doit, dans l'an & jour du décès, rendre le prix de ce propre à l'héritier des acquêts. Coutume de Paris, art. 139. Mais il n'en eft pas de même de l'acquifition d'un propre, faite par un parent de la ligne dont il provient. Il ne peut être confidéré dans fa fucceffion que comme un acquêt, puifqu'il n'eft pas venu en fa poffeffion par le droit du fang & de la famille.

Lorfqu'on a ceffé de poffèder un héritage propre, le recouvrement qu'on en fait dans la fuite, lui rend-elle la qualité de propre? Il faut diftinguer fi ce recouvrement a pour caufe un nouveau titre d'acquifition, ou la réfolution de l'aliénation qui en avoit été faite. Dans la première hypothèse, on ne confidère plus l'ancien titre, & l'héritage tient nature de pur acquêt dans la feconde, il reprend la qualité qu'il avoit avant de fortir du patrimoine, parce que l'aliénation qui en a été faite, eft regardée comme non avenue, & qu'il n'intervient point de nouveau titre d'acquifition. C'est ce qui a lieu lorfque le vendeur d'un héritage propre y rentre, foit par l'entérinement de lettres de refcifion, fit par l'action du réméré, s'il a été venda fous cette condition. Voyez ACQUET, REMÉRÉ.

Dans les fucceffions ab inteftat, les propres ap partiennent à l'héritier des propres à l'exclufion

de l'héritier des meubles & acquêts, quoique celui-ci fut plus proche en degré que l'héritier des propres

En ligne directe, les propres ne remontent point, c'eft-à-dire, que les enfans & petits-enfans du défunt, & même les collatéraux, font préférés à fes père & mère; ceux-ci fuccèdent feulement par droit de retour aux chofes par eux données.

En ligne directe defcendante, les enfans ou petits-enfans par représentation de leurs pères ou mères, fuccèdent à tous les propres, de quelque côté & ligne qu'ils viennent. Ainfi, la règle paurna paternis, materna maternis, n'eft d'aucun ufage pour la ligne dire&e.

Il n'en eft pas de même en collatérale; pour fuccéder au propre, il faut être le plus proche parent du côté & ligne d'où le propre lui eft avenu & échu. Voyez PATERNA PATERNIS.

La difpofition des propres eft bien moins libre que celle des acquêts; il n'y a guère de coutumes qui ne contiennent quelque limitation fur la difpofition des propres.

La plupart permettent bien de difpofer entrevifs de fes propres, mais par teftament elles ne permettent d'en donner que le quint: d'autres ne permettent d'en donner que le quart, d'autres le tiers, d'autres la moitié.

Quelques-unes défendent toute difpofition des propres par teftament, & ne permettent d'en donner entre-vifs que le tiers.

On ne peut même, dans quelques coutumes, difpofer de fes propres fans de confentement de fon héritier apparent, ou fans une néceffité jurée.

Nous avons auffi des coutumes, telles que celles d'Anjou, du Maine & de Poitou, qui fubrogent les acquêts aux propres, & les meubles aux acquêts, c'eft-à-dire, qu'au défaut de propres elles défendent de difpofer des acquêts au-delà de ce qu'il eft permis de faire pour les propres, & de même pour les meubles au défaut d'acquêts.

Nous avons dit, fous le mot ACQUÊT, qu'anciennement dans ces coutumes, il fuffifoit qu'un teftateur laiffât dans fa fucceffion quelques propres, pour difpofer librement de fes acquêts & de fon mobilier, mais que depuis un arrêt de 1668, la jurifprudence avoit changé à cet égard, & qu'il étoit néceffaire que le teftateur poffédât des propres pour une valeur proportionnée à fes autres biens.

Mais depuis, on nous a appris que ce changement de jurifprudence n'étoit pas certain, au moins dans les coutumes d'Anjou & du Maine; que la question s'étant préfentée à Angers en 1752, une fentence du 27 juin avoit entériné un legs univerfel d'un mobilier confidérable, quoiqu'il n'y eût qu'une rente de vingt fous, conftituée au principal de vingt livres, dans le deffein feulement de faire valoir le don des meubles.

Que le 8 janvier 1759, une fentence des mêmes juges avoit entériné le don fait par Perrine Brunet à Mathurin Delaunay, fon mari", d'un

mobilier de plus de 6000 liv., quoiqu'il n'y cût entre eux qu'un conquêt d'un morceau de vigne, acheté 36 liv.; de forte qu'un immeuble de 12 liv. de fonds qui reftoit aux héritiers collatéraux, fur regardé fuffifant pour pouvoir difpofer de 6000 liv. de mobilier, parce qu'il fuffit d'avoir un immeuble idque in qualitate non in quantitate; qu'une fentence da fénéchal de Mayenne avoit décidé, le 26 juin 1761, que Madeleine Brochon avoit pu donner au fieur Dallé, fon mari, un mobilier de 26,199 liv., quoiqu'elle ne laiffât pour immeuble qu'un acquêt de 48 liv., & la moitié dans un conquêt de 460 liv., & que fes héritiers, à qui elle ne laiffoit que 186 livres de tous biens im meubles, avoient été privés d'un mobilier de 26,199 liv.; que fur l'appel de la fentence, les héritiers avoient fait les plus grands efforts pour accréditer le fyftême de proportion, & avoient fait imprimer une confultation de MM. de Lambon, Mallard & Guillen, dans laquelle les confultans vouloient rappeller le fyftême de la proportion, & leur fagacité y donnoit de nouvelles apparences.

Que de fon côté, le donataire leur avoit ope pofe un arrêt de la première chambre des enquêtes, rendu au rapport de M. Bertin, qui avoit décidé la queftion in terminis, le premier février 1763,

Que l'arrêt rendu en la troisième chambre des enquêtes, au rapport de M. Mongodefroi, le 14 août 1763, avoit confirmé la fentence du fiège de Mayenne. Qu'ainfi, deux arrêts dans la même année, l'un à la première, l'autre à la troisième chambre des enquêtes, avoient jugé dans les termes les plus précis, que dans les coutumes d'Anjou & du Maine, il fuffifoit de laiffer des immeubles in qualitate non ia quantitate pour pouvoir difpofer librement de fes meubles.

La portion des propres que les coutumes défendent de donner, foit entre-vifs ou par teftament, eft ce que l'on appelle la réferve coutumière des propres; c'est une espèce de légitime coutu mière qui a lieu, non-feulement en faveur des enfans, mais auffi en faveur des collatéraux.

On peut pourtant vendre fes propres au préjudice de cette légitime, à moins que la coutume ne le défende.

Comme les propres font les biens qui ont le plus mérité l'attention des coutumes, elles ont auffi exigé un âge plus avancé pour difpofer des propres que pour difpofer de fes meubles & acquêts; car pour les biens de cette espèce, il fuffit communément d'avoir vingt ans, au lieu que pour tefter de fes propres, il faut avoir vingtcinq ans.

Les difpofitions des coutumes qui limitent le pouvoir de difpofer des propres, font des statuts prohibitifs, négatifs, qu'il n'eft pas permis d'éluder. La quotité des propres que les coutumes ordonnent de réserver doit être laiffée en nature, tant en propriété qu'en ufufruit; il ne futfit pas de laiffer l'équivalent en autres biens.

4

Pour fixer la quotité des propres dont on peut difpofer par teftament, on confidère les biens en l'état qu'ils étoient au jour du décès du tef

tateur.

Tous héritiers peuvent demander la réduction du legs ou de la donation des propres, lorsque la difpofition excède ce que la coutume permet de donner ou léguer, encore que l'héritier ne fût pas du côté ou de la ligne d'où procède le propre.

Les héritiers des propres, même ceux qui n'ont que les réferves coutumières, contribuent aux dettes comme les autres héritiers & fucceffeurs à titre univerfel, à proportion de l'émolument.

Outre les propres réels & ceux qui font réputés tels, il y a encore une autre forte de propres qu'on appelle propres filifs ou conventionnels; on les appelle auffi quelquefois propres de communauté, lorfque la convention par laquelle on les ftipule propres, a pour objet de les exclure de la communauté.

Ces ftipulations de propre ont différens degrés; favoir, propre au conjoint, propre à lui & aux fiens, propre à lui & aux fiens de fon côté & ligne. La première claufe n'a d'autre effet que d'exclure les biens de la communauté; la feconde opère de plus que les enfans fe fuccèdent les uns aux autres à ces fortes de biens; la troisième opère que les biens font réputés propres jufqu'à ce qu'ils foient parvenus aux collatéraux.

Ces ftipulations de propres n'empêchent pas les conjoints & autres qui recueillent ces propres fictifs, d'en difpofer felon qu'il eft permis par la coutume, à moins que l'on eût ftipulé que la qualité de propre aura fon effet, même pour les donations & difpofitions.

Toutes ces ftipulations font des fictions qu'il faut renfermer dans leurs termes; elles ne peuvent être étendues d'une perfonne à une autre ; ni d'un cas à un autre, ni d'une chofe à une

autre.

On ne peut faire de telles ftipulations de propres que par contrat de mariage, par donation entrevifs ou teftamentaire, ou par quelque autre acte de libéralité.

Les conjoints ou leurs père & mère peuvent faire ces fortes de ftipulations par contrat de mariage.

Les ftipulations ordinaires font fuppléées en faveur des mineurs, lorfqu'elles ont été omifes dans leur contrat de mariage, & qu'ils en souffrent un préjudice notable.

Les effets de la ftipulation de propres ceffent, 1o. par le paiement de la fomme ftipulée propre, fait au conjoint, ou à fes enfans majeurs; 2°. par 1a confufion qui arrive par le concours de deux hérédités dans une même perfonne majeure ; 3°. par la ceffion ou tranfport de la fomme ou de la chofe ftipulée propre, faite au profit d'une tierce perfonne, car la fiction ceffe à fon égard;

[blocks in formation]

PROPRE DE COMMUNAUTÉ, eft tout bien mo bilier ou immobilier qui appartient à l'un des conjoints, & qui n'entre pas dans la communauté de biens; on l'appelle propre, parce que relativement à la communauté, cette fiction opère le même effet que fi le bien étoit véritablement propre; tous les biens que l'on ftipule, qui n'entrent point en communauté, ou qui font donnés aux conjoints à cette condition, font propres de communauté, c'est-à-dire, que la communauté n'y a aucun droit, mais ils ne deviennent pas pour cela de véritables propres de fucceffion & de difpofition. Voyez Propres de diSPOSITION & DE

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

PROPRE CONVENTIONNEL, eft un bien mobilier ou immobilier que les futurs conjoints ftipulent propre par leur contrat de mariage, quoiqu'il ne le foit pas en effet; les propres conventionnels ne font donc que des propres fictifs & des propres de communauté, c'eft-à-dire, qu'ils le font relative. ment à la communauté.

PROPRE DE CÔTÉ ET LIGNE, est un propre réel de fucceffion & de difpofition qui eft affecté à toute une famille, comme du côté & ligne maternelle, ou du côté paternel.

On ftipule auffi quelquefois par contrat de mariage, qu'un bien qui n'eft pas réellement propre fera & demeurera propre au conjoint, & même quelquefois à lui & aux fiens de fon côté & ligne. Cette ftipulation de propre renferme trois degrés, le premier propre à lui n'a d'autre effet que d'exclure le bien de la communauté; le fecond degré propre aux fiens a deux effets; l'un d'exclure le bien de la communauté; l'autre eft que le bien eft tellement affecté & deftiné aux enfans & autres defcendans du conjoint qui a fait la ftipulation de propre, qu'arrivant le décès de quelques-uns des enfans & autres defcendans, ils fe fuccèdent les

« PreviousContinue »